Peralada/ Rencontre exclusive avec Jeane Manson : « Cette époque est horrible pour toutes les libertés ! »

Chanteuse*, actrice, mannequin : Jeane Manson partage la majeure partie de son temps entre les États-Unis et la France. Depuis 2012 elle vient régulièrement passer quelques semaines dans la province catalane de Gérone, à Peralada, où elle a installé sa société de production dans l’extension du cloître mitoyen de l’église Sant-Marti, sur l’historique plaça Ramon Muntaner. Là, entourée d’amis fidèles musiciens et compositeurs espagnols, à proximité d’un studio d’enregistrement, elle peut ainsi procéder à divers enregistrements musicaux de ses interprétations. Rencontre passionnante avec une personnalité attachante à l’humour intarissable !

Le Journal Catalan : comment avez-vous « atterri » ici, à Peralada ?
Jeane Manson : « C’est un miracle ! J’ai rencontré quelqu’un qui m’a amené ici, je suis venue un peu par hasard, dans un restaurant… C’était en 2012. Puis à côté, non loin d’ici, pratique pour faire des allers-retours, il y a l’aéroport de Perpignan, mon aéroport préféré de France ! Le personnel est aimable, très gentil, l’aéroport est à taille humaine.

Quand je quitte Paris-Centre-du-Monde-de-l’Art avec le Trocadéro et que j’atterri à Perpignan, l’autre Centre-du-Monde version Dali, je ne me sens pas dépaysée. J’habite toujours en Amérique, je viens à Peralada quelques courtes semaines chaque année ».

« Qu’on nous laisse faire notre métier ! »

Le Journal Catalan : comment vous est venue la passion de peindre ?
Jeane Manson : « Ma mère était peintre et artiste de jazz. Pendant une cinquantaine d’années elle a beaucoup peint, elle m’a laissé tout cet héritage artistique, ses peintures, ses aquarelles.

J’ai voulu rassembler ses œuvres dans un même lieu, et c’est ici à Peralada, dans le cloître qui jouxte cette merveilleuse église de Sant Marti du XVIIIe siècle, avec des restes romans et un clocher gothique, au milieu de mes costumes de scène.

Il y a ici dans cette boutique, « El Raco de Guadalupe », située au rez-de-chaussée de ma maison, les robes que j’ai portées sur scène, mais aussi de très nombreux souvenirs, des cadeaux offerts par diverses personnalités en dehors du spectacle, comme le roi du Maroc Mohammed VI.

Tout cela défile sur la toile comme si on visitait un musée. Les fans le voient, ça leur rappelle de bons moments, des concerts qui les ont marqués, je leur permets de revivre ces moments-là. Beaucoup d’entre eux n’hésitent pas à prendre la route, souvent de très loin, pour venir à Peralada. Hier encore, des fans sont venus depuis le nord de la France, d’autres depuis la Normandie, la Belgique… Ils m’appellent avant de descendre ! ».

Le Journal Catalan : qu’est-ce qui vous manque le plus aujourd’hui ?
Jeane Manson : « Chanter ! Chanter ! Mer… ! ça suffit maintenant, cela ne peut plus continuer ainsi, on ne nous laisse pas faire notre métier. Depuis le 9 mars 2020, à Lyon, dans le cadre de la tournée « Âge Tendre, chèque en bois »**, je ne suis plus remontée sur scène. Si, je suis allée chanter gratuitement en Israël, à Tel-Aviv***, il y a deux mois, juste pour sortir de cet emprisonnement COVID, juste pour voir si je sais chanter encore !

J’ai toujours rêvé dans ma carrière de prendre une année sabbatique, mais autour de moi producteurs, musiciens et amis me déconseillaient de le faire : « On va t’oublier ! », me disaient-ils. Mais là, avec le COVID, je n’ai pas eu besoin de leur demander l’autorisation, je suis servie. C’est fait ! ».

« En tournée avec Popeck, vite ! »

Le Journal Catalan : dès que vous serez libérée du Covid, avez-vous des projets ?
Jeane Manson : « Oui, bien sûr. La scène ! Je pars en tournée avec Popeck pour rejouer une comédie de Claude Cohen et Thierry Crouzet intitulée « Les larmes de crocodile », sur une mise en scène d’Olivier Lejeune. Malgré les larmes, on rit beaucoup ! La tournée a été interrompue à cause du Covid ».

Le Journal Catalan : vous êtes citoyenne américaine, née à Cleveland dans l’Ohio, mais la plupart de vos chansons ont une consonnance latine très prononcée…
Jeane Manson : « J’ai vécu au Mexique. J’ai grandi au Mexique. C’est d’ailleurs pour cela que je partage mon temps avec l’Europe, que je suis ici à Peralada, pour retrouver cette magie latine ».

Le Journal Catalan : quelle est votre chanson préférée ?
Jeane Manson : « Tomba, tomba, de Lluis Llach. C’est une chanson un peu révolutionnaire, c’est un cri de liberté. Comme je n’aime pas l’époque que nous traversons, une époque horrible pour toutes les libertés, je trouve que cette chanson de Lluis Llach est un bel hymne pour nous rappeler et nous ramener à l’essentiel : la Liberté.

Je reviens sur cette histoire du Covid. On nous a obligé à se faire vacciner, j’ai personnellement reçu les deux injections sans sourciller, et maintenant on nous dit que ce n’est pas suffisant, qu’il faut encore rester sagement chez soi. Comme dirait Georges Marchais : c’est un scandale ! ».

Le Journal Catalan : pour conclure cet entretien, le mot de la fin ?
Jeane Manson : « Laissez-moi chanter… ».

Propos recueillis par La Rédaction du Journal Catalan

*Qui n’a pas fredonné ou/ et dansé sur : « Avant de nous dire adieu » (1976), « La chapelle de Harlem » (1977), « Fais-moi danser » (1978), « Vis ta vie » (1979), « Guantanamera » (1992)…

**« Âge Tendre, la tournée des idoles », évidemment.

***Jeane Manson a deux filles : Jennifer, dite Shirel – chanteuse, inoubliable Esmeralda dans la comédie musicale Notre-Dame de Paris, vit à Tel-Aviv -, née le 19 mars 1978 de son union avec le producteur de cinéma André Djaoui et Marianne, née en 1988 de sa relation avec Allain Bougrain-Dubourg. Elle est très engagée dans la sauvegarde de la nature.

« Elle a transformé sa vie en peinture… »

« Elle a transformé sa vie en peinture grâce à l’enfermement du Covid, avec rapidité et dextérité. Elle a fait un travail extraordinaire » : c’est Jeane Manson qui dépeint ainsi son amie artiste perpignanaise Monik (Margueritte), installée à Rosas, sur la Costa Brava. « Ses peintures sont fraîches, elles révèlent la vie sous des couleurs optimistes, éclatantes. La plupart des thèmes que Monik aborde sont bons pour transformer les couleurs en des lieux festifs ». C’est tellement vrai, qu’on a envie d’entrer dans ses tableaux pour aller s’asseoir avec les personnages, même la mélancolie y est toujours joyeuse.

Et à propos de fête, les deux artistes se sont justement retrouvées le 9 juillet dernier, sur le parvis de l’église Sant-Marti à Peralada, dans l’organisation de festivités où le chic a monopolisé l’atmosphère. Le Tout-Perpignan avait fait le déplacement. La notoriété et le talent de l’une et de l’autre n’étaient certainement pas étrangers à la réussite grandiose de ce rendez-vous à la fois pictural et musical. Cette soirée-là, chaque convive rêvait sous les étoiles d’être le voisin de Jeane Manson et le chevalet de Monik !