Comment naît le choix d’un drapeau?

A l’heure des enjeux de sécession entre l’Espagne et la Catalogne sud, flotte un nouveau drapeau.

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Connaissez-vous l’origine légendaire et la signification des barres catalanes?

Elles remonteraient au IXe siècle, à la victoire contre les Normands, de l’Empereur Louis le Pieux, grâce à son vassal le Comte de Barcelone, Guilfred El Pelut ou le Velu, nommé Comte de Barcelone au concile de Troyes en 878, qui donna de son corps et de son courage, pour remporter le combat.

L’immortelle bravoure catalane est alors inexorablement associée aux quatre traces rouges sur le bouclier que l’empereur marqua de ses doigts en les trempant dans le sang de son obligé.

Le poète latin Joan Dorba, dans un poème dédicatoire de la chronique De Catalonia de Francesc Calça, parue en 1588, affirme d’ailleurs: « […] la Catalogne n’a jamais été conquise par des rois étrangers, car les Goths, une fois les Sarrasins expulsés, s’adressent à la Cour de l’Empereur pour qu’il les protège et les gouverne. Les Goths se sont livrés de leur propre volonté à Charlemagne, à son fils et à son petit-fils […]. Des pactes ont été établis […] d’où le pouvoir des comtes et des rois qui ne peuvent aspirer à rien de plus. »

Selon Jeroni Pujades, après la livraison de leur ville par les Barcelonais, à la lueur du pacte de 801 établi avec Charlemagne, qui reconnaissait aux Catalans leur liberté originelle, un capitulaire de Charles le Chauve, celui qui par « feodo honroso » avait transféré le pouvoir à Wilfried le Velu en 871, confirmerait, en 844… ce privilège.

Soulignons que la monarchie wisigothique n’était justement pas héréditaire mais élective et que l’empereur avait consenti au rétablissement des lois gothiques d’avant l’invasion de 711.

Marti de Riquer in Légendes historiques catalanes, évoque la première référence à cette symbolique toute phallique des bandes rouges avec la Cronica General de España du Valencien Antoni Beuter, en 1551.

On peut être aussi sensible en 1603 à la déclaration du Valencien Francisco Diago, dans son Historia de los victoriosissimos antiguos Condes de Barcelone, qui évoque l’auto-libération des chrétiens de Catalogne,  signifiant que Charles le Chauve aurait accordé sa protection à  » […] tous les Goths et les Espagnols habitant de Barcelone[…] ou du château de Terresa, ainsi qu’à tous les Espagnols vivant dans ce comté […] ,  et dont les aïeuls se sont soulevés contre le cruel joug des Sarrasins, grands ennemis de la foi du Christ, [qui] se sont alliés à Charlemagne et à Louis le Pieux, qui leur ont livré leur ville […] et qui, se soustrayant à la puissance des Sarrasins, se sont placés sous la protection des rois chrétiens, et finalement sous la nôtre spontanément et librement. »

Pourquoi le nouveau drapeau n’aurait-il pas  sa place dans la cathédrale,  le 9 octobre, lors le la journée nationale du peuple de Valence, commémorant la conquête de Balansiya musulmane, sous Jaume I, à la naissance des Valenciens en tant que peuple ?

Ne peut-on pas également rappeler la première tentative de reconquête par Otger Catalo, qui donna sûrement le nom de Catalogne, avec ses neuf chevaliers dont les descendants sont nommés barons, figures de la haute noblesse catalane?

Ainsi, la Senyera de la Catalogne, l’ancienne Tarraconnaise, qui prend son autonomie en 1932 et qui en 1934, porte le titre de gouvernement autonome,  et qui obtient le statut de « réalité nationale » en 2006, arbore officiellement depuis 1979, l’étendard aux couleurs de ces quatre bandes rouges sur fond doré, de la Maison de Barcelone et du Blason de Catalogne et de la Couronne d’Aragon au XIe siècle, avec des descendants comme les Comtes de Provence, de Foix et des Rois de Majorque au XIIIe siècle, les quatre barres figurant aussi sur l’emblème des Baléares. On parle aussi pour expliquer les quatre pals de la théorie du mariage de Raimond-Bérenger III de Barcelone avec la comtesse de Provence, Douce de Gévaudan dite Douce de Carlat au XI e siècle et donc avec les armes de la Provence.

Sous Jacques Ier, en catalan Jaume el Conqueridor, qui, avec sa flotte blanche catalane, le 11 septembre 1229, envahit la baie de Santa Ponsa, le drapeau royal s’appelle Senyera Reial.

On ajoute le mot drapeau ou bandera, au XIV e siècle, pour le drapeau de Valence, avec les combats entre Pierre le Cérémonieux et Pedro le Cruel; aux cinq bandes jaunes de la Couronne d’Aragon qui atteindra son apogée avec la conquête du royaume de Valence, de la Sicile, du royaume de Naples, de la Sardaigne et de la Corse, et quatre rouges , on voit apparaître la bande bleue verticale de la Couronne, bien présente au XV et XVI e siècles, même si c’est sous Raimond-Bérenger IV, comte de Barcelone, que les « fleurs de sang » , font leur apparition sur le blason. On parle aussi de la croix rouge en haut d’un chêne en référence à la légende de Garci Ximénez.

Sous l’Inquisition de Philippe II, le secrétaire Antonio Perez s’est réfugié en Aragon où les institutions auraient cherché à réactiver le mythe du privilège, pour signifier l’abus de pouvoir.

L’avocat Felipe Vinyes, au XVIIe siècle, a, quant à lui, dû rappeler à l’ordre Philippe IV, qui a retardé les Ortes catalanes jusqu’en 1621, puisqu’il ne pouvait passer outre le « juramento » qui l’obligeait à jurer de respecter les lois catalanes, selon le privilège accordé par Charlemagne…Quelles furent les implications de la révocation du roi d’Espagne au profit de Louis XIII, proclamé Comte de Barcelone en 1641?

Si, selon Claude Lévi-Strauss , rien ne ressemble davantage à la pensée mythique que l’idéologie politique, le renversement d’un mythe pourrait alors bouleverser le régime politique établi.

A l’heure actuelle, le débat ne semble pas tourner autour de la présence ou non de Louis II, à la place de Louis I ou de Charles le Chauve ou même de Charlemagne, dans la légende, ni même des épis de maïs qui pourraient correspondre aux quatre régions historiques de la Gascogne, du Languedoc, de la Catalogne, de l’Aragon dans le Val d’Aran, enclave entre la France et l’Espagne, mais à la symbolique de l’étoile blanche au centre, sous son giron bleu,  dans un triangle au guindant.

Le drapeau symbolisant l’indépendance de la Catalogne, appelé par les Catalans, Estelada blava, version originale dont on ferait référence dans des publications de 1918, apparaît comme le symbole de la lutte pour l’indépendance de la Catalogne Sud et Nord, soit la région de la Catalunya en Espagne et la partie catalane des Pyrénées Orientales.

Ce drapeau avait été écarté de 1960 à 1990 par l’Estelada roya quand dominaient les idées socialistes et communistes dans les milieux indépendantistes mais avec la chute du communisme à l’Est, l’étoile rouge sur fond jaune a filé, pour laisser la place à « l’étoilée » qui fait figure pour certains, de nouvel Etat au sein du drapeau de l’Union européenne.

Le bleu, un hommage à la fraternité ne va pas sans rappeler Thomas Woodrow Wilson, l’émancipateur des peuples et le prix Nobel de la paix en 1919.

L’étoile pythagoricienne ranimerait-elle le souvenir de l’étoile blanche solitaire de Cuba qui, lors de son indépendance vis à vis de l’Espagne, symboliserait un certain espoir malrucien?

Ne peut-elle faire le pont aussi avec le « lone star flag », le drapeau de l’étoile solitaire de la République du Texas qui, après la prise de San Antonio par les Mexicains, le 11 septembre 1842, devint un Etat des Etats Unis?

Aujourd’hui, des indépendantistes catalans comblés par le rapport longueur sur largeur de 3 sur 2, c’est à dire 1,666 qui frise le nombre d’or, seraient-ils prêts à entrer dans l’histoire de la nouvelle Catalogne, en signant des quatre pals rouges sur fond d’or de leur drapeau?

Les résultats sont pour demain…