UPVD : quel lien entre un récif corallien et un sachet de M&M’s ?

UPVD quel lien entre un récif corallien et un sachet de M&M's

Les récifs coralliens : un univers de poissons multicolores nageant dans une eau translucide. Mais comment une telle abondance de vie est-elle possible dans des régions où la nourriture est si rare ? La question, posée depuis les premiers voyages de Charles Darwin, est encore plus cruciale aujourd’hui où les récifs sont menacés. Des chercheurs du Centre de Recherches Insulaires et Observatoire de l’Environnement (CRIOBE) de l’université de Perpignan viennent enfin de comprendre pourquoi.

Des minuscules poissons alimentent les récifs coralliens. Ces petits êtres vivants sont comme des M&M’s, des sources d’énergie colorées que n’importe quel organisme vivant d’un récif corallien, capable de se nourrir, engloutira presque aussitôt qu’ils arriveront sur le récif. En fait, la grande majorité de ces minuscules poissons est mangée dès les premières semaines de leur existence. Alors, comment se fait-il que ces petits poissons ne disparaissent pas des récifs comme un sac de bonbons dans la salle de pause du bureau ? Les chercheurs viennent de comprendre qu’il s’agit en fait d’un sachet de bonbons qui réapprovisionne comme par magie chaque M&M’s mangé.

Notre image des récifs coralliens comprend généralement une eau translucide et un nombre incalculable de poissons multicolores nageant autour du corail. Mais qu’est‐ce qui soutient cette hypothèse d’abondance ichtyque lorsque les récifs coralliens existent dans des régions où la nourriture est rare ? Cette question centrale a déconcerté les scientifiques depuis les voyages de Charles Darwin et est maintenant plus pertinente que jamais : à mesure que les récifs coralliens subissent un déclin sans précèdent, les communautés de poissons qui s’y trouvent et leur valeur pour l’Homme risquent d’être compromises.

Dans un article publié aujourd’hui dans Science, le Docteur Simon Brandl de l’Université Simon Fraser au Canada et une équipe de recherche française (CRIOBE, EPHE‐Université PSL/CNRS/Université Perpignan Via Domitia), australienne, canadienne et américaine révèlent que l’abondance emblématique des poissons sur les récifs est alimentée par un groupe jusqu’à lors peu représenté dans l’image que nous nous faisions des écosystèmes coralliens : les minuscules poissons de récif dit « poissons crypto‐benthiques ».

S. Brandl et ses collègues ont montré que ces petits vertébrés remplissent une fonction essentielle sur les récifs coralliens, ce qui permet aux grands poissons des récifs de prospérer. « Ces poissons sont comme des M&M’s », explique le Docteur
Brandl. « Ce sont de minuscules faisceaux d’énergie colorés que tout organisme des récifs coralliens capable de se nourrir engloutira presque aussitôt qu’ils arriveront sur le récif. » En fait, la grande majorité des poissons crypto‐benthiques des récifs seront mangés dès les premières semaines de leur existence. Alors, comment se fait‐il que ces poissons ne disparaissent pas des récifs comme un sac de bonbons dans la salle de pause du bureau ? Les chercheurs ont résolu ce paradoxe en examinant les larves de poissons de récif, qui entreprennent normalement des voyages épiques à travers l’océan où peu d’entre eux
survivent. Les poissons crypto‐benthiques, cependant, semblent avoir trouvé un moyen d’éviter ce purgatoire. La plupart des larves crypto‐benthiques pourraient simplement
rester près des récifs de leurs parents. « Les larves de poissons crypto‐benthiques dominent absolument les communautés larvaires près des récifs », déclare Jordan Casey de l’École Pratique des Hautes Études (EPHE), ce qui contraste fortement avec leur production d’œufs limitée.

Valeriano Parravicini, directeur d’études de l’EPHE ajoute : « Nos données montrent que la mortalité précoce subie par les poissons crypto‐benthiques est compensée immédiatement par chaque œuf qu’ils génèrent, car ils évitent le piège mortel de la haute mer ». Ceci fournit à son tour un flux constant aux populations cryptobenthiques adultes. Des bébés qui remplacent rapidement chaque poisson mangé sur le récif. « Cette cryptopompe fournit près de 60 % de tous les tissus de poisson consommés sur les récifs, mais nous ne le voyons jamais, car le poisson se mange beaucoup plus rapidement que nous n’aurions jamais pu le compter. Il s’agit essentiellement d’un sachet de bonbons qui réapprovisionne comme par magie chaque M&M’s mangé », explique S. Brandl.

Alors que leur stratégie larvaire unique peut rendre les poissons crypto‐benthiques beaucoup plus vulnérables à l’extinction qu’on ne le supposait auparavant, les chercheurs espèrent que leur extrême diversité pourrait en faire une pierre angulaire résiliente de la productivité des récifs coralliens sur des récifs en rapide évolution.

Dans le cadre des projets REEF SERVICES et REEFLUX, la recherche a été financée en partie par la Fondation BNP Paribas et l’Agence nationale de la recherche. Piloté par Valeriano Parravicini, directeur d’études à l’EPHE basé au laboratoire CRIOBE (EPHE‐Université PSL/CNRS/Université Perpignan Via Domitia), le projet REEF SERVICES du programme Climate initiative financé par la Fondation BNP Paribas, a pour but de mesurer et de prédire les conséquences du réchauffement climatique sur les récifs coralliens et les services qu’ils rendent (production de biomasse comestible, valeurs esthétiques et culturels, protection des côtes).

Brandl et al. (2019) Demographic dynamics of the smallest marine vertebrates fuel coral reef ecosystem functioning. Science

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