Tourisme : « Ni bonjour ni bonsoir »

Sur la Côte catalane, parfois il ne fait pas bon être un estivant... même que de passage !
Sur la Côte catalane, parfois il ne fait pas bon être un estivant... même que de passage !
Parking municipal des Platanes, à Argelès-plage…
Payant le soir, gratuit la journée : un casse tête chinois pour les touristes étrangers à notre langue !
La seule explication donnée en anglais est illisible et incompréhensible (il manque les trois-quarts des lettres).

Sur la Côte catalane, parfois il ne fait pas bon être un estivant… même que de passage !

Fin juillet, dans une célèbre station balnéaire du littoral roussillonnais, à l’entrée d’un parking public payant, un véhicule immatriculé en région parisienne attend que le panneau lumineux n’affiche plus complet pour accéder au site. De toutes façons, il y a la barrière automatique qui est abaissée pour empêcher toute intrusion.
Deux-trois automobiles derrière, une conductrice s’impatiente. Elle doit pouvoir entrer, elle, car en tant qu’habitante du village elle a réglé un abonnement annuel qui lui donne droit à un « pass » (une carte magnétique), le sésame qui l’autorise à passer.
Mais voilà, devant ça coince, ça bouchonne… et l’automobiliste francilien n’est pas prêt à céder sa place, lui qui est arrivé le premier, sous une chaleur matinale étouffante (déjà plus de 25°).
La villageoise ne l’entend pas de la même oreille. Elle quitte son volant, s’emporte telle la tramontane et tape un scandale à notre brave touriste, qui ne comprend pas ce qui lui arrive. La furieuse se déchaîne, polie comme une queue d’ours, enchaîne noms d’oiseaux sur noms d’oiseaux, entraîne son époux dans la galère, prend des passants à témoins qui tombent des nues… Attention mesdames et messieurs, ça va commencer : elle va péter un plomb. Les plombs !
Comme souvent dans ces situations-là, en dépit des renforts saisonniers, aucun médiateur (Policier, gendarme, etc.) dans les parages pour calmer le jeu. Ce n’est là qu’un constat, loin de nous l’idée de vouloir engager un débat de société sur le sujet.

A partir de là, le touriste en prend pour son grade (d’estivant), il est : honni, montré du doigt… lorsqu’il n’est pas carrément vomi : « Vous venez d’où ? », le tance la conductrice, en épiant sa plaque d’immatriculation (ah, si comme en Suède ou au Royaume Uni on pouvait circuler librement, a-no-ny-me-ment !). « 92 ?, ça ne m’étonne pas. Vous les Parisiens vous ne savez pas conduire et quand vous sortez vous vous croyez tout permis (…). Mais foutez le camp, vous ne voyez pas que vous nous faites chier… On n’a pas besoin de vous ici ! (…) ».

Aussi incroyable que cela puisse paraître, nous assistons là à une scène totalement surréaliste pendant laquelle une habitante fustige grossièrement un touriste, le somme de s’en aller hors du territoire de sa commune… et ce alors que l’activité touristique constitue l’économie n°1 des Pyrénées-Orientales, sans autre possibilité de remplacement ! Le tourisme est également le premier débouché pour notre agriculture et notre viticulture, faut-il le rappeler ?
Si selon le dernier classement de Lonely Planet la France ne figure plus dans le Top 10 des pays les plus accueillants de la planète, notre département des Pyrénées-Orientales semble y contribuer généreusement, pour le moins.
Car cette anecdote est loin d’être… anecdotique !
Souvent, hélas, il suffit de pousser la porte d’un commerce pour vérifier l’exactitude de ces dires : « Ni bonjour ni bonsoir »… Ni « merci » bien sûr. Pas même un « merde alors ! » pourrait-on rajouter à l’expression qui n’est pas obsolète, localement.
Dans une autre station balnéaire, la « saisonnière » d’une brasserie très connue a exigé que lui soit réglé les deux cafés qui venaient de lui être commandés en terrasse avant que ceux-ci soient servis… Plus bas, sur la Côte Vermeille, c’est également un personnel saisonnier qui poursuit dans la rue un individu pour lui réclamer le montant d’une addition. Problème : l’individu en question avait réglé la facture directement au comptoir. Cet individu n’était pas un touriste, mais il était le maire du village…
Cette fois-ci, on fera l’impasse sur l’hygiène des lieux d’aisance dans nombre d’établissements ; on ne parlera pas c’est promis de ces endroits un peu vieillots, sans imagination dans la déco (alors qu’avec Gifi les idées de génie se sont démocratisées financièrement s’entend), de ces maisons à la cuisine grasse et surgelée ; on oubliera les Porto et autres vins apéritifs aux consonances italiennes distillés en terrasses les pieds dans l’eau au Pays du Banyuls et du Rivesaltes… « C’est la vie », comme l’ont chanté Marc Lavoine, Patrick Bruel et Khaled, chacun à sa manière.

On ne plaisantera pas sur ces parkings publics, dont la billetterie ne fonctionne qu’en soirée, mais qui sont de véritables casse-tête chinois tout le long de la journée pour les touristes étrangers à notre langue (plus de 80% de ceux qui viennent chez nous, dit-on…), puisque les horodateurs ne parlent et n’affichent jamais la leur, de langue… Et que c’est un anglais bien souvent approximatif qui est griffonné sur des pancartes qu’on ne rencontre pourtant plus dans la brousse. Etc.-etc.
Heureusement, tous les commerçants du Pays catalan ne sont pas comme ça. Heureusement, ça ne se passe pas partout et toujours comme ça. Mais pour une poignée de malotrus, de goujats et d’ostrogoths irrévérencieux, c’est toute une profession, tout une économie, c’est tout un territoire qui risquent d’en pâtir avec des conséquences irréversibles dans le temps. Chacun sait le poids d’une réputation, qu’elle soit bonne… ou mauvaise. Surtout en matière d’industrie touristique.
Il est grand temps que l’on réserve à celles et ceux qui ont choisi notre département et ses terroirs comme destination estivale, un Accueil digne de ce nom, dans lequel amabilité rime avec hospitalité, avec convivialité.
Il ne s’agit pas de lui tendre les bras à l’infini, de sauter au cou du touriste à la bonne franquette, de lui dérouler le tapis rouge en permanence à coups de risettes éternelles… Embrassons-nous, Folleville ! Non.
Simplement ne plus le traiter à la fourche, avec un visage de bois, ne plus le recevoir comme un chien dans un jeu de quilles, ne plus lui servir cette soupe à la grimace alors qu’il vient à notre rencontre pour savourer nos spécialités. Ne plus l’enfermer dehors.