Torreilles : le blockhaus inscrit aux Monuments Historiques ! 

Torreilles : le blockhaus inscrit aux Monuments Historiques !

La commission régionale du patrimoine et de l’architecture de la DRAC Occitanie s’est prononcée en faveur de l’inscription au titre des monuments historiques de l’ensemble des fortifications du point d’appui de Torreilles soulignant l’intérêt historique et archéologique
du site, seul élément de ce type sur le littoral méditerranéen conservé dans sa quasi intégralité.

Un patrimoine remarquable

Situé sur la plage Nord, entre la mer et les dunes, le site de défense de Torreilles installé par les Allemands constituait un avant-poste de la ligne de fortifications allemandes destiné à ralentir un débarquement ennemi sur cette portion de côte, en évitant toute remontée par des éléments amphibies. L’ensemble de la position, dont la casemate (blockhaus) qui en est l’élément majeur, vient d’obtenir son inscription au titre des monuments historiques après avoir fait l’objet d’une étude de Guillem Castellvi dans le cadre d’un inventaire des fortifications allemandes de la seconde guerre mondiale dans les Pyrénées-Orientales. Très bien conservé, ce point d’appui possède en effet quelques particularités.  Il est notamment remarquable par le fait qu’il s’agit du seul élément de ce type subsistant sur le littoral des PO à avoir conservé une casemate pour canon, et parce qu’il a été conservé dans sa quasi intégralité comprenant « plusieurs ouvrages et abris pour la protection du personnel et le stockage du matériel et des munitions ».

Une reconnaissance exceptionnelle

Un tel projet de préservation de ce type de patrimoine au titre des Monuments Historiques demeure rare au niveau national. Selon la base de données Mérimée recensant les Monuments Historiques, seulement quelques bunkers ou positions sont inscrits ou classés, essentiellement sur les plages de l’Atlantique. On peut citer par exemple les bunkers d’Eperlecques (62), la batterie de Merville (14), le dolmen-bunker de Petit-Mont d’Arzon (56) ou les bases navales de Brest (29) et la Rochelle (17). Ainsi, concernant le littoral méditerranéen, cette reconnaissance est-elle unique.

Le Torreillan Maurice Rabat, 86 ans, se souvient…

«Les allemands sont arrivés à Torreilles le 11 novembre 1942 par la route de Saint-Laurent. Le poste de commandement est installé place Louis Blasi, à l’emplacement de l’actuelle salle des fêtes (ancienne maison Artes), et les officiers sont logés chez l’habitant.  Dans le cadre du travail obligatoire des jeunes réquisitionnés, le blockhaus et les casemates ont été construits à la pelle et à la pioche en 1943-44. Ce sont des entreprises locales qui furent chargées du chantier. Je n’avais que 11 ans mais je sais que chaque jour une vingtaine de torreillans devaient se présenter sur la place du village, et y ont participé ainsi qu’au creusement des batteries. Le canon est resté longtemps sur siège dans le blockhaus (5-6 ans) après que les allemands soient partis. A Torreilles plage à cette époque, il y avait la mer et des champs de mine. A 10 ans on se rappelle de tout… C’est bien qu’il reste ce souvenir… que les jeunes sachent ce qu’il s’est passé ».

Des projets annoncés par la municipalité “Cette inscription au titre des Monuments Historiques est avant tout une reconnaissance du travail entrepris par la municipalité pour sauvegarder et valoriser ce patrimoine historique qui fait partie intégrante de notre identité tout comme les espaces naturels remarquables au cœur desquels il est niché” selon le maire de la commune, Marc Médina. “Il s’agit d’une décision fondamentale qui nous conforte dans notre volonté d’imaginer de nouvelles perspectives pour donner vie à ce site d’exception”. La municipalité porte en effet un double projet de valorisation, à travers la création d’un espace mémoriel et environnemental et d’une galerie d’art éphémère. Une volonté de casser les codes, favoriser la rencontre de l’art, de la culture, et du patrimoine historique et naturel, facettes complémentaires du caractère de Torreilles.

Les acteurs à l’initiative du projet :

– Guillem Castellvi, archéologue spécialiste des fortifications allemandes
« Ce projet est important car il s’intègre dans les projets actuels de mise en valeur du patrimoine archéologique associé aux deux guerres mondiales. L’inscription de l’ensemble de la position et non pas seulement de la casemate, démontre bien l’intérêt de conserver ces vestiges dans leur intégralité, alors même qu’il y a quelques années certains des ouvrages auraient pu être détruits.» – Michel Rohée, membre de l’association du patrimoine torreillan et délégué régional Occitanie de la fédération du patrimoine maritime méditerranéen
« C’est une belle page de l’histoire qui s’écrit. Le site rappelle une période pas forcément glorieuse, mais pour les générations qui viennent c’est important de savoir qu’il y avait le mur de l’Atlantique mais aussi le mur du Sud. Des sites avec toute la représentation défensive telle qu’elle est conservée à Torreilles, il n’y en avait pas beaucoup, il fallait préserver ce témoignage qui n’existe pas ailleurs. Une nouvelle étape s’ouvre désormais pour faire vivre ce patrimoine. Ne pas changer l’origine, mais ne pas rester figés. Pour Torreilles, c’est très important.»

Quelques chiffres / données : 

→ 385 m3 de béton, 17 tonnes de tiges d’acier fileté et 4,1 tonnes de ferraillage ont été nécessaires à la construction de la casemate (blockhaus) la plus emblématique de l’ensemble.

→ 14, c’est le nombre d’ouvrages (points de défense, abris, …)  présents sur le point d’appui de Torreilles

→ Lgs 082 le nom de code du point d’appui de Torreilles inclus dans le “Stützpunkt”

→ 50, le nombre d’hommes qui occupaient ce point d’appui.

Le point d’appui de Torreilles en bref

Ce point comporte 14 ouvrages. La casemate (blockhaus) qui est la plus visible, située au sud de la position, quatre abris pour les hommes et le matériel, trois citernes, quatre ouvrages de défense rapprochée pour mitrailleuse et un ouvrage de défense rapprochée pour tourelle de char.

Repères 2013

L’histoire commence en 2013 suite à l’appel d’offre pour la démolition de 3 ouvrages militaires allemands situés au bord de la mer. Michel Rohée vice président de la fédération du patrimoine maritime méditerranéen mobilise, avec le groupement des associations du patrimoine maritime roussillonnais, le parc marin, le Drassm et Guillem Castellvi, spécialiste des fortifications allemandes pour éviter le début des travaux de démolition.

Juin 2016 Une visite regroupe Marc Médina, maire de Torreilles, Mme François et M. Paloudié de la DRAC, Olivier Sanchez, de l’Office de tourisme de Torreilles, Michel Rohée du Patrimoine maritime et Guillem Castellvi. L’ensemble des constructions est en bon état malgré l’érosion de la côte qui a fait disparaître les ouvrages les plus avancés en mer. Suite à cette visite, tout le monde est conscient de l’intérêt d’une protection au titre des Monuments Historiques. La municipalité décide donc de monter un dossier auprès de la DRAC avec l’aide d’un spécialiste Guillem Castellvi reconnu pour son travail sur les fortifications allemandes.

Avril 2019 L’ensemble du site construit en 1943 au lieu dit Camp de la Ribera, du nom de code pour les spécialistes Lgs 082, est inscrit au titre des Monuments Historiques. Une partie de l’opération SüdWall (mur du sud) de notre côte est désormais protégée.

Torreilles : le blockhaus inscrit aux Monuments Historiques !

Torreilles : le blockhaus inscrit aux Monuments Historiques !
Maurice Rabat (C)J.Ponrouch 

Source : Rapport “ Inventaire des fortifications allemandes de la seconde guerre mondiale dans les Pyrénées – Orientales ” par Guillem Castellvi. 

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