Sant Jordi, symbole vivace de la Catalogne millénaire…

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sant-jordi-symbole-vivace-de-la-catalogne-millenaireSant Jordi terrassant le dragon, c’est plus qu’une image d’Epinal, mais une véritable icône. Bien que d’abord manichéenne, cette scène épique de combat, de ferveur et de courage nous renvoie au travers de la geste éthérée du chevalier romain au triomphe de la lumière sur les ténèbres, de la connaissance sur l’obscurantisme, de la liberté face à l’oppression.

L’Histoire retient de Sant Jordi un militaire romain et chrétien qui fut martyrisé à l’époque de l’Empereur Dioclétien, vers l’an 303.

La légende attribue à Sant Jordi d’avoir vaincu le dragon qui s’apprêtait à dévorer une princesse, laquelle princesse avait été tirée au sort et lui avait été livrée, pour apaiser sa fureur.

Au Moyen Age, la Georgie, l’Angleterre, la Grèce et la Catalogne ont choisi Saint-Georges pour saint- patron.

A la fin du XIXème, Sant Jordi devient un symbole catalaniste. La lutte du chevalier contre le dragon pour libérer la jeune princesse représente le combat de la Catalogne pour sa propre liberté.

Cette lutte s’inscrit pleinement et légitimement dans le conflit pluriséculaire qui a opposé la Catalogne à la Castille. Jetons au vent de l’Histoire quelques événements, qui ont endeuillé la Catalogne : le Compromis de Caspe (1412), le Traité des Pyrénées (7 novembre 1659), la chute de Barcelone (11 septembre 1714) devant les armées du Roi Felip V d’Espagne, l’exécution de Lluís Companys (président de la Generalitat de Catalogne de 1934 à 1940)…

Retour en arrière c’est le jour de Sant Jordi que depuis le XVème siècle l’on célèbre la traditionnelle Foire des Roses.

En 1926 le jour de Sant Jordi devient réellement celui de la Fête du Livre en Catalogne.

C’est dans un esprit forgé par les poètes de la Renaissance (Jacint Verdaguer), du « noucentisme », puis du modernisme (Angel Guimerà et Joan Maragall) que Sant Jordi va s’imposer peu à peu comme un symbole de combat, de progrès et d’espoir.

La Catalogne, opprimée depuis l’annexion (son partage est effectué le 7 novembre 1659 entre la France et l’Espagne, dans l’ïle des Faisans, au large de la Bidassoa, par le « maudit » Traité des Pyrénées) va engager peu à peu sa reconquête et sa reconstruction.

Le fait que Barcelone soit une capitale européenne du livre et de l’édition n’est pas un élément étranger à l’action qui sera menée, dans la réappropriation identitaire et culturelle de la Catalogne…

Les volontés politiques qui s’affirmeront plus tard, lors de la dictature franquiste notamment – date du coup d’état du Général Franco – à sa mort, le 20 novembre 1975, n’entameront pas la détermination catalane qui, après l’échec de l’instauration d’une République (Francesc Macià proclame en avril 1931 la 1ère République Catalane) va aboutir en 1979 à l’instauration d’un gouvernement autonome : la Generalitat de Catalunya verra alors le jour.

Pour mémoire, c’est en 1926, que le jour de Sant Jordi devient réellement celui de la fête du livre en Catalogne.

On célèbre le 23 avril de cette année 1926 le 310ème anniversaire de la disparition de Miguel Cervantès. De manière concomitante – par les hasards d’un décalage entre le calendrier grégorien et le calendrier julien -, le 23 avril 1616, Miguel Cervantès meurt le même jour que William Shakespeare.

C’est dire qu’il y a déjà quatre siècles, le 23 avril s’annonçait déjà comme la date propice à l’émergence ‘une manifestation littéraire d’ampleur.

Curiosité de l’Histoire si l’on se rappelle que Miguel Cervantès, le génial auteur du « Don Quichotte », a été grandement influencé par Joanot Martorell, écrivain catalan – un Valencien s’il en fût – lequel a été considéré comme annonciateur du roman picaresque, avec « Tirant lo Blanc »

La Sant Jordi prend aujourd’hui la forme d’un retour aux sources, outil et arme de récupération de la langue, de la culture et de l’identité catalane « al capdevall » (c’est-à-dire au final).

Au cours de la première moitié du XXème siècle, les événements se précipitent : Pompeu Fabra « el seny Ordenador de la llengua » réalise la normalisation du catalan.

Survient la guerre d’Espagne : Luís Bunuel, Pablo Picasso, Pau Casals, Joan Alavedra et bien d’autres s’exilent. Antonio Machado meurt à Collioure : « Petit Espagnol qui viens au monde, que Dieu te garde, l’une des deux Espagnes va te glacer le cœur », écrit-il avec foi et gravité…Federico Garcia Lorca est exécuté sur la route de Grenade.

George Orwell, écrivain talentueux, engagé dans les Forces Françaises Internationales, rend « Hommage à la Catalogne », exaltant les efforts des mouvements syndicaux et nationalistes. Nombre de réfugiés de l’Espagne, déchirée, iront par la suite lutter contre les nazis. Certains connaîtront l’enfer des camps de concentration, tragiquement déportés à Dachau, à Auschwitz ou à Buchenwald…

Ces éléments conjugués ont peu à peu forgé la conscience et la résistance catalanes. Ils ont appris à un peuple pourvu d’une identité des plus marquées à lutter pour conquérir enfin sa liberté.

Sant Jordi, 23 avril, une date qui ne s’est pas démentie, puisque la fièvre de Sant Jordi a graduellement gagné toute l’Europe pour être aujourd’hui officiellement reconnue par l’UNESCO comme journée mondiale du livre et du droit d’auteur (le 23 avril 2002 précisément).