Présidentielles 2017. Un français sur deux n’a pas fait son choix.

À quelques semaines des élections présidentielles plusieurs sondages réalisés auprès de la population montrent que plus d’un français sur deux est toujours indécis quant au nom qu’il glissera dans l’urne. Même si les résultats de ces enquêtes d’opinion sont estimés de moins en moins fiables, l’élection de Donald Trump n’ayant pas arrangé les choses, ils peuvent nous éclairer sur différents points.

Avant tout, force est de constater que depuis quelques années et pour la plupart d’entre nous, notre choix est plus conditionné par l’envie de faire barrage à l’un ou l’autre des candidats qu’à celle de soutenir celui ou celle qui pourrait porter à nos yeux le meilleur projet.
Les élections se suivent, se ressemblent, et nous laissent tôt ou tard un goût amer puis une fâcheuse impression de s’être fait duper. Aux promesses non tenues s’ajoutent le plus souvent mensonges, condescendance, puis les contestations de ceux qui savent, qui ont « entendus » les Français. Ceux là même qui étaient pourtant sourds quand ils étaient à leur tour en place.

Le peuple d’en bas

Alors, est-ce une marque de désintérêt ou un besoin de plus de temps, pour un choix mûrement réfléchit ? Malheureusement, l’abstention qui devrait une fois de plus battre des records aurait plutôt tendance à souligner la première éventualité.
Et si pour nous punir de nous être émerveillés d’une belle parole lancée à quinze jours du scrutin, d’un engagement populiste offert comme un cadeau, ou d’avoir tout simplement cru que l’autre était inévitablement responsable de tous nos malheurs, nous étions condamnés à rester le peuple d’en bas.

Élus locaux, nationaux, prétendants indépendants, soutenus par un parti, ou membres d’une dynastie exaspérée d’échouer à chaque fois au pied du mur, il faut bien reconnaître que leur image s’est considérablement écornée ces vingt dernières années. A contrario, l’idée que ces femmes et ces hommes au devoir d’exemplarité œuvreraient pour leur propre personne, qu’un modèle de carriérisme bien rodé serait soutenu par l’ensemble de la classe politique, fait son petit bout de chemin. Et voilà que maintenant, aidé par de nouveaux sondages, l’actualité nous dessine un probable second tour des présidentielles avec deux postulants directement impliqués dans une affaire de délit financier.

Si l’argument favori des inconditionnels du droit de vote est de sortir du chapeau ceux qui sont battus et morts pour lui, qu’elle serait l’attitude de ces valeureux combattants s’ils pouvaient par un quelconque miracle être le témoin de ce cocasse scénario ?

Un milieu corrompu pour une large majorité

L’avènement du net a considérablement modifié le paysage médiatique ainsi que la circulation de l’information. Nous sommes aujourd’hui avisés de tout, où que l’on se trouve. La moindre parole, le plus petit mouvement est immédiatement affiché à la Une des réseaux sociaux. La vie et les actions de nos hommes politiques se retrouvent exposées, analysées, critiquées. Ce grand coup de projecteur nous a permis de découvrir un milieu dont les règles et les codes peuvent nous paraître si différents. Un milieu ou la justice s’empêtre souvent dans les lenteurs administratives. Un milieu où il est si facile de brandir la présomption d’innocence quand les comparutions immédiates fleurissent comme du chiendent pour le reste de la population. Un milieu corrompu pour 55 % de la population.

Avec l’élection de Donald Trump naissent toutes les persuasions, même les plus absurdes. Ils tentent leur chance, pourquoi pas eux ? Et tous se jettent à corps perdu dans un dangereux jeu qui vise à dire tout haut ce que les plus bas instincts pensent tout bas. Les médias sont les premiers à en faire les frais et la loi du 29 juillet 1881, sur la liberté de la presse, l’abandon du délit d’opinion et la disparition de la censure, est aujourd’hui sérieusement ébranlée.

Une politique dédaigneuse

S’ils ne tournent pas la tête en ignorant, micro, caméra, alors qu’ils sont élus pour rendre des comptes, ils n’hésitent plus à prendre des airs dédaigneux pour expliquer que la loi, c’est eux. Que leur indépendance passe inévitablement par le fait d’être juges et parties. Malgré le coté parfois un peu trop inquisiteur des médias, imaginez un état sans eux, un état ou la censure serait reine.

« Pourquoi démissionner quand on se sait innocent ? »

Cette phrase prononcée par Jérôme Cahuzac sur une chaîne de télévision nationale résume à elle seul le marasme français. Nous avons franchi les limites de la décence. Mentir effrontément, ruer dans les brancards, ne rien lâcher, fustiger toutes les suspicions de fraudes à son encontre, en les retournant comme de honteux procédés dont l’ignoble but serait de déstabiliser leur seule candidature, porteuse du vrai projet.

Qui surveille qui ?

Nous nous serrons la ceinture, nous redoublons d’efforts en essayant de garder le moral sous l’œil de toujours plus de vidéos de surveillance, de contrôle en tous genre, de déclarations sur l’honneur. Alors pendant que nos services de police et de sécurité surveillent la vitesse des automobilistes et que l’administration fiscale assure le contrôle et la bonne perception de nos impôts. Qui surveille l’exemplarité de nos parlementaires et ce qu’ils font de l’argent public ?

En 2008 Bernard Accoyer, grand ami de François Fillon, s’était donné lors de son mandat de Président de l’Assemblée nationale l’objectif principal de doter l’Assemblée « d’un plus grand rôle dans le fonctionnement de l’État, d’une meilleure capacité de contrôle et d’évaluation, davantage de transparence et d’efficacité, pour une démocratie irréprochable ».
Qu’est-ce qui a été fait ? Pas grand-chose.

Encore moins de transparence.

À la proposition de loi visant au contrôle de l’IRFM «indemnité représentative de frais de mandat», les parlementaires sont monté au cerneau pour défendre d’une seule voix leurs « opaques enveloppes ». Enveloppe qui représente approximativement le milliard d’euros. Déplacement en Jet à titre privé, emploi fictif, restauration d’un mas à la campagne ou encore l’achat d’un bel appartement ; si l’utilisation à des fins personnelles de l’argent public n’est pas impossible à combattre, elle reste néanmoins très difficile à prouver.

Cela sera d’autant plus dur qu’un discret amendement vient d’être adopté parmi d’autres bonnes résolutions. Il établit un délai de prescription de douze ans pour les délits financiers, comme les abus de biens sociaux, les abus de confiance, trafics d’influence, détournements de fonds, corruptions… Il n’y avait jusqu’alors aucun délai. Ce qui augmentait grandement les chances de pouvoir un jour déceler ce type de fraude, complexes et bien dissimulées. Malheureusement, vu l’opacité des affaires politiques, il y a désormais de fortes probabilités pour que de nombreuses affaires sensibles ne trouvent plus suite.
En remontant au début des années 2000, celle des emplois présumés fictifs de Penelope Fillon aurait pu en être le parfait exemple, comme le fit très justement remarquer le Canard Enchainé. Que se serait-il passé sans ces médias que nous trouvons parfois trop inquisiteurs ?

Alain Mevellec, le cofondateur de Sellsy soumettait dans le journal « Le Monde » l’idée de créer un site web pour publier et justifier dans les meilleurs délais les dépenses de chaque agent public, comme c’est la norme dans le reste de la société. Cela éviterait bon nombres d’accusation en l’air, tout en diminuant les tentations. Cela contribuerait à n’en pas douté à l’établissement d’une confiance durable et un regain d’intérêt pour nos élections. Il faudrait pour cela que la loi soit adoptée au Parlement…

Le pouvoir du nombre.

Alors si vous faites partie de cette moitié d’indécis, il vous reste encore un peu de temps pour analyser le comportement de tous les candidats. Puis demandez-vous ce que vous souhaitez vraiment. Sans oublier que nous détenons dans ce geste simple qu’est celui du vote le pouvoir de sanctionner la moindre incartade, la possibilité de favoriser l’émergence d’un nouveau courant, de prendre un nouveau cap, celui que nous estimerions être le meilleur. S’abstenir ou succomber aux doux chants des sirènes populistes ne nous rendra que plus faible, nous poussera sur la touche, en les laissant seuls maîtres du jeu.

Nous n’avons que les élus que l’on mérite.
Pensez-y, et votez.