Olivier Amiel : « Pour raconter une histoire pittoresque, un journaliste de France Inter ferme les yeux sur le drame social du quartier Saint Jacques »

Olivier Amiel, 40 ans (depuis le 27 août), célibataire sans enfant, né à Perpignan, passionné de cinéma (il a produit une thèse écrite sur le financement du 7ème Art), adjoint au maire de Perpignan en charge de la Politique de la Ville. La polémique concernant la démolition d'immeubles insalubres et dangereux dans le quartier perpignanais Saint-Jacques l'a propulsé sous les projecteurs de l'actualité. Il s'est fait un nom, un prénom... et une raison, grâce à l'animateur « Macroniste » de télévision Stéphane Bern.

Olivier Amiel, adjoint au Maire de Perpignan, nous communique sous le titre « Pour raconter une histoire pittoresque, un journaliste de France Inter ferme les yeux sur le drame social du quartier Saint Jacques, notamment celui des femmes », avec prière d’insérer :

« Afin de raconter une histoire pittoresque d’un pseudo-soulèvement populaire gitan contre les méchantes pelleteuses de la mairie, un journaliste de la radio publique France Inter n’hésite pas à faire l’apogée dans l’émission « Comme un bruit qui court » (samedi 27 octobre) du statu quo dans le quartier le plus pauvre de France et peut-être même d’Europe. Ce doit être ça le journalisme d’opinion.

Dès le départ du reportage, un autoproclamé représentant des habitants ment en affirmant que la municipalité ferme et démolit des immeubles pour chasser la population gitane… oubliant de préciser qu’il est lui-même un propriétaire d’immeuble insalubre !

Une simple consultation du dossier du Nouveau Programme National de Renouvellement Urbain (NPNRU) aurait démontré au journaliste que le projet prévoit de réhabiliter au maximum, et exceptionnellement de démolir pour produire des logements sociaux pour les habitants actuels s’ils souhaitent rester. Pour ceux qui souhaitent s’installer ailleurs, un accompagnement social est prévu dans ce sens. En fait, il n’y a aucune volonté ni de chasser la population ni de la ghettoïser, mais seulement de proposer un habitat digne.

Il aurait été opportun que le journaliste fasse un peu plus de recherches à propos de l’îlot sur lequel le chantier de résorption d’habitat insalubre est bloqué depuis le 27 juillet : Des immeubles vides depuis plus de dix ans suite à un effondrement en 2006 : 1 mort et 13 enfants évacués in extremis. C’est tout de suite moins pittoresque…

Concernant ce qui est comparé dans le reportage à un « soulèvement de la population », le journaliste de France Inter aurait dû lire l’article de son confrère de Mediapart qui, enregistrement à l’appui, confirme que cette manifestation de quelques jeunes aux cris de « Perpignan en feu » a été organisée par un député afin de « faire peur et mettre la pression » et ainsi obliger le Préfet à geler le chantier. Une incitation aux troubles à l’ordre public dans un quartier qui a connu des émeutes en 2005.

à https://www.mediapart.fr/journal/france/200818/perpignan-un-depute-lrem-pousse-des-gitans-troubler-l-ordre-public

Le parti pris du journaliste de France Inter pour la défense d’un quartier pittoresque le conduit à faire l’impasse sur l’urgence urbaine et surtout humaine qui oblige à intervenir avec 60% des ménages sous le seuil de pauvreté, 90% des jeunes de 16-25 ans au chômage, et entre 60 et 80% d’absentéisme à l’école…

Exemple le plus dramatique en plein milieu du reportage le journaliste et son interlocuteur (bien connu des services de police) sont interrompus par les cris d’une femme. Le journaliste minimise et parle « d’une simple scène de ménage comme on voit partout », puis demandant ce que dit en catalan un homme au cours de l’altercation, on lui traduit : « il dit : tuez-la, tuez-la ». Rires gras du journaliste et de ses interlocuteurs si pittoresques. Quelle rigolade en effet dans un quartier où la condition des femmes reste dramatique et fait l’objet d’un tabou ignoble. Dommage que le journaliste de France Inter n’ait pas traversé le couloir de la Maison de la Radio pour discuter avec ses collègues de France Culture auteurs d’un reportage en 2012 sur les « gitanes de Saint Jacques » dont le résumé suffit à témoigner de la gravité de la situation : « A l’entrée du quartier gitan de Perpignan, de part et d’autre de la grande place des Esplanades, les femmes sont assises d’un côté, les hommes de l’autre. Les unes parlent des uns et les uns parlent des autres. Tous décrivent des traditions où la femme est un être inférieure ». Édifiant. »

à https://www.franceculture.fr/emissions/les-pieds-sur-terre/les-gitanes-de-saint-jacques