Menaces sur le futur Parc Naturel Régional des Corbières-Fenouillèdes

Kevin Jeanroy pour Sites & Monuments – Sppef et Tne-OE, nous communiquent sous le titre « Le futur projet de Pnr Corbières-Fenouillèdes : Un réservoir de biodiversité, des paysages et sites remarquables », avec prière d’insérer :

« « Faire de la haute valeur patrimoniale préservée et reconnue des Corbières Fenouillèdes, un moteur de développement », défi n°1 de l’avant-projet de Charte du futur Parc naturel régional – janvier 2019.

Le Territoire du futur Parc naturel régional Corbières-Fenouillèdes représente un sanctuaire de biodiversité, des paysages spectaculaires et emblématiques, un patrimoine géologique remarquable et des sites & monuments classés ou candidats au classement UNESCO, tel les « Citadelles du Vertige ». Le projet est à cheval sur les deux départements de l’Aude et des Pyrénées-Orientales qui accueillent déjà de nombreuses centrales éoliennes. Or, la forte identité paysagère et environnementale de ce territoire est incompatible avec un développement industriel des énergies renouvelables.

L’enjeu écologique de protection des sites naturels et de la biodiversité

« L’emprise foncière de la tâche urbaine ne représente que 1,4 % du territoire » du futur Pnr, « un territoire d’une importance majeure au niveau de la faune et de la flore » avec « une richesse botanique exceptionnelle », « une richesse de l’avifaune qui a peu d’équivalent en France », « des milieux aquatiques et zones humides synonyme d’une rare biodiversité » et « des enjeux forts de conservation des autres groupes faunistiques » particulièrement les amphibiens, les reptiles, les chyroptères (chauve-souris) et l’entomofaune (insectes). « L’installation des parcs éoliens, de parcs photovoltaïques et de carrières est particulièrement impactante sur le domaine vital des grands rapaces et des passereaux méditerranéens mais également consommatrices de milieux naturels remarquables. » – Extraits du site web du projet de Parc naturel régional Corbières-Fenouilèdes.

Le territoire du futur Pnr est composé de sites naturels et d’espaces de biodiversité remarquables avec de très nombreuses zones Natura 2000 et zones de protection de la Directive Oiseaux (couloir de migrations, grands rapaces, ..). La préservation des zones sauvages et semisauvages bénéficiant d’une grande diversité de faune et de flore doit être une priorité. Hélas, l’équilibre écologique des sites investis par des projets éoliens ou photovoltaïques (zones humides, sites de nidification des oiseaux, passages migratoires, écosystèmes préservés, ..) sera fortement et irrémédiablement détérioré. L’implantation d’une centrale industrielle nécessite d’importants travaux de défrichement avec la destruction d’arbres et de plantes abritant de nombreuses espèces d’insectes, de reptiles, de batraciens, etc., pour certaines devenues rares ou protégées et faisant partie d’une chaine alimentaire au bout de laquelle l’on trouve l’avifaune. Il est par exemple prouvé que des centaines d’oiseaux et de très nombreuses chauves-souris sont tués chaque année sur un parc éolien. Placer des éoliennes dans les couloirs de passages locaux ou migratoires est une atteinte grave à la biodiversité et une violation des lois et décrets protégeant ces espèces. Plusieurs grands rapaces font en effet l’objet de coûteux Plans Nationaux d’Action et de Plans d’Action de l’Union Européenne au frais du contribuable. Alors que dans toute l’Europe l’on constate de terribles dégâts sur les oiseaux dus aux éoliennes, allons-nous sacrifier le travail accompli ?

L’attractivité d’un territoire à développer et à ne plus abîmer

Le futur Pnr est composés « d’ensembles paysagers à fort caractère » et « un territoire d’une haute valeur patrimoniale » avec « des paysages spectaculaires et emblématiques », « des châteaux et forteresses, témoins inédits, impressionnants et émouvants en quête d’une nouvelle reconnaissance », « une géologie complexe et remarquable », et « un potentiel de recherche et de découverte à investir en paléontologie et préhistoire ». – Extraits du site web du projet de Parc naturel régional Corbières-Fenouilèdes.

Le futur Pnr compte de nombreux sites touristiques et monuments tel les châteaux cathares d’Aguilar, Arques, Padern, Peyrepertuse, Quéribus, Termes, Villerouge Termenes, et bien sûr la fameuse abbaye de Lagrasse. De nombreux traits de caractères du patrimoine local sont encore à développer comme la préhistoire (Musée de la Préhistoire de Tautavel, Château-Musée de Bélesta, Musée des Dinosaures d’Espéraza), l’histoire millénaire des sites miniers et de la culture de la vigne, la période du moyen-âge (l’histoire des Cathares, le Domaine de l’Abbé Saunière de Rennes le Château), ou encore la grande diversité géologique caractéristique des Corbières.

La nature et le paysage deviennent objets de contemplation et des centres d’intérêt majeurs pour les touristes. Plusieurs itinéraires de découverte des paysages existent tel le Sentier Cathare, le Train Rouge ou train du Pays Cathare et du Fenouillèdes (Tpcf), l’itinéraire de grande randonnée du GR36 qui traverse la France du nord au sud et d’autres itinéraires qui demandent à être développés.

Le Pnr pour protéger le territoire

« Encadrer le développement grand éolien, compte tenu de son impact important vis-à-vis de l’avifaune et du paysage ». Annexes du projet de charte de Parc naturel régional Corbières-Fenouillèdes – janvier 2019.

Installer des éoliennes géantes sur les hautes Corbières et sur les hauteurs du Fenouillèdes, c’est impacter le paysage et l’horizon à 40 kilomètres à la ronde. Selon la distance elles empêchent de profiter sereinement du paysage car elles jouent le rôle d’un attracteur hypnotique (rotation permanente) captant les réflexes de la vision, particulièrement à 10 – 15 kilomètres de distance. Les nouvelles éoliennes, généralement implantées sur les hauteurs, seront visibles de tous les châteaux cathares et des sommets des Corbières. La Dreal (Direction Régional de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement) insiste pourtant sur cette dénaturation à terme, elle souhaite « garder le caractère esthétique de notre belle Aude » par la préservation du paysage et note qu’il est important d’assurer sa diversité en luttant contre le mitage du territoire. En effet, l’implantation d’éoliennes transforme une partie de la campagne en zone industrielle, faisant potentiellement fuir les randonneurs, surtout au regard du nombre d’éoliennes déjà présentes sur les départements et les problématiques de covisibilité.

Un constat de mitage massif par l’éolien industriel

(269 mâts +/- 85 en projet dans et autour du parc)

Le territoire du futur PNR compte plusieurs centrales éoliennes (45 mâts + 30 en projet) et de nombreuses centrales existent déjà en périphérie proche ou direct (224 mâts + 55 en projet) à l’est avec 93 mâts dans les Corbières maritimes, au nord avec 62 mâts et 45 en projets autour de Lézignan-Corbières, à l’ouest avec 34 mâts sur les hauteurs du pays de la haute-vallée de l’Aude et au sud avec 35 mâts concentrés autour de Pézillas la Rivière et un projet d’extension. Sans compter les nombreux projets éoliens supplémentaires encore à l’étude partout dans l’Aude et les Pyrénées-Orientales.

L’éolien dans le futur Pnr

Plusieurs centrales éoliennes existent déjà sur le territoire du futur PNR (45 mâts + 30 en projets) :

  • Au centre : sur le Mont Tauch à Tuchan (18 mâts à plus de 800m d’altitude),
  • Dans le sud : à Saint Arnac et Lesquèrde (11 mâts à plus de 350m d’alt.) et à Prugagnes et Saint Paul de Fenouillet (9 mâts à environ 350m d’alt.)
  • Dans l’est : à Opoul-Périllos et Salses le Château (7 mâts à plus de 200m d’alt.)
  • Dans l’ouest : un projet autorisé mais non construit existe à Véraza (5 mâts à plus de 700m d’altitude).

Plusieurs projets ont aussi été rejetés (à Villeneuve des Corbières, Embres-et-Castelmaure, Fourtou, Cubières sur Cinoboble, Massac, Davejean et Cascastel des Corbières) ou refusés (à Puilaurens et Saint Ferriol).

L’éolien en périphérie du futur Pnr

De nombreuses centrales éoliennes existent déjà en périphérie directe du futur projet de Pnr (224 mâts + de 55 en projet) :

à l’est (93 mâts): à La Palme (4 mâts), à Port la Nouvelle (5 mâts), à Sigean (5 mâts) à Roquefort des Corbières (6 mâts à environ 100m d’alt.), à Villesèque des Corbières (24 mâts à environ 250m. d’altitudes), à Portels des Corbières (8 mâts à plus de 200m d’alt.) , à Fitou (17 mâts à plus de 150m. d’alt), àTreilles (15 mâts à plus de 200m d’alt.) et à Rivesaltes (9 mâts). à l’ouest (34 mâts) : à Roquetaillade : (24 mâts à plus de 500m d’alt.), à Conilhac de la Montagne (4 mâts à plus de 500m d’alt.), et à Bouriège et Tourreilles (6 mâts à plus de 500m d’alt.).

Un projet autorisé mais non construit à Sainte Polycarpe (9 mâts à près de 800m d’alt.) :

au sud (35 mâts) : la grande centrale de Baixas, Calce, Pézilla la Rivière et Villeneuve la Rivière (35 mâts à environ 100m d’alt.). Un projet d’extension est à l’étude sur la commune de Corneilla la Rivière. au nord (62 mâts + 45 mâts supplémentaires en projet) : de nombreuses centrales éoliennes (62 mâts) sont installées tout autour de la ville de Lézignan-Corbières, parfois sur des lignes de crêtes, plus de 40 mâts sont en cours d’instruction et 5 sont déjà autorisés mais non-construits.

Les éoliennes et le risque d’incendie : un danger majeur pour les forêts

Le risque d’incendie est majeur dans les Corbières et le Fenouillèdes, or, après la rupture de pales, l’incendie représente la 2ème cause des incidents recensés sur des parcs éoliens dans le monde sur la période 2000-2012. Un arrêt récent du Conseil d’État a aussi retenu que l’implantation d’un projet éolien – en l’occurrence celui du pays de Sommières dans le département du Gard – ne pouvait être autorisée dans une zone à risque élevé d’incendie, alors même que des mesures compensatoires étaient prévues au sol. Après avoir pris soin de caractériser la nature et la probabilité du risque, la décision relève que le couloir aérien aménagé pour les avions bombardiers d’eau (dont la hauteur de largage au-dessus de la végétation est nettement inférieure à celle des éoliennes) restait insuffisant pour assurer la protection de la zone dans un rayon de 600 mètres autour de chacune des éoliennes.

Le danger du « repowering » (le renouvellement très facilité de centrales déjà existantes)

La problématique du  « repowering » se pose aussi pour le futur Pnr car de nombreuses centrales éoliennes y sont anciennes, particulièrement la centrale située sur le plateau du Mont Tauch, montagne marquant le début des Hautes-Corbières avec son point de vue particulièrement remarquable à 360° sur toute la région. Le démantèlement de ces éoliennes serait une première et un enjeu majeur pour l’identité et l’attractivité future de ce massif emblématique, au coeur du projet de PNR. Une éventuelle centrale photovoltaïque de remplacement serait un moindre mal mais aussi problématique en termes de protection des espaces naturels et de la biodiversité du site.

« Depuis la réalisation du parc éolien du Mont Tauch, les reliefs les plus caractéristiques du département sont évités » affirmait en 2004 le code de bonne conduite publié par la préfecture de l’Aude. Au jour d’aujourd’hui, il faudrait sérieusement préparer le démantèlement de la centrale éolienne du Mont Tauch et éviter tout projet dit de « repowering ».

On capitalise sur l’image, l’absence d’industrialisation, des personnes s’installent sur le territoire ou y viennent pour son caractère sauvage et préservé. Si ce capital est détruit et non valorisé par quelques élus capables de vendre le bien commun, cela rejaillira sur tout le monde car le sujet est complexe et cristallise de fortes tensions. Le constat de mitage massif par l’éolien est déjà incontestable tout autour du périmètre du futur Pnr et il continu encore à se développer. Son essor anarchique devrait au moins être stoppé en son sein. La ligne d’horizon, le relief des montagnes, les forêts, les collines et rochers représentent un patrimoine commun remarquable, intemporel et inaliénable, qui perdrait de son authenticité et en potentiel avec l’installation d’éoliennes industrielles sur plusieurs communes des Corbières et du Fenouillèdes. »

LETTRE OUVERTE AUX AUTORITÉS RÉGIONALES :

Pnr des Corbières-Fenouillèdes – Entrer dans le 21ème siècle avec un territoire protégé. Pour une stratégie énergétique axée sur la mobilité, l’économie d’énergie et les circuits courts.

« La Charte du Pnr des Corbières-Fenouillèdes prévoit avec sagesse l’exclusion de l’éolien sur 95% du territoire, et elle encadre fortement les solutions de type photovoltaïque au sol. Cette prescription la rapproche des meilleures pratiques telles que le Pnr de l’Aubrac qui, quant à lui, l’exclut à 100%, à une verrue près (Truc-de-l’Homme), héritée du passé.

Renforçant ainsi son attractivité, elle se distinguera durablement des Pnr de type Techno-Parks qui n’ont rien de naturel. A la condition que les autorités gérant le nouveau Pnr mettent en pratique leurs propres décisions, et que le Conseil de Région ainsi que les services de l’Etat les affermissent et soutiennent dans leurs résolutions.

L’occasion se présente de mettre en œuvre ces résolutions concernant cinq projets en opposition avec la Charte du Pnr :

  1. Au centre, les éoliennes de Tuchan du Mont Tauch : refuser le projet de repowering présenté par l’opérateur et ordonner le démantèlement des éoliennes existantes arrivées en fin de vie. Le Mont Tauch est une des montagnes emblématiques du PNR, visible de partout et offrant de son sommet des vues exceptionnelles. Avec le démantèlement, ce haut-plateau redeviendra alors ce qu’il n’aurait jamais dû cesser d’être : un site privilégié et exemplaire d’observation de la nature et des paysages de toute une région (photo jointe)
  2. Au sud-est, un projet éolien à Paziols : clairement situé à l’extérieur de la zone de tolérance éolienne figurant dans la Charte, il contribuerait à ruiner les perspectives paysagères et la riche biodiversité de ce secteur proche du Mont Tauch.
  3. Au sud, le projet démesuré de photovoltaïque au sol de Lesquerde qui se situerait sur une des portes d’entrée nord du Fenouillèdes, la Clue de la Fou, avec son itinéraire aménagé d’escalade, un lieu chargé d’histoire, des vestiges archéologiques et une faune sauvage régulièrement observable. Ce site mérite d’être mis en valeur et l’accueil du public amélioré, pas d’être recouvert de panneaux noirs sur 15 hectares.
  4. Au sud, les projets éoliens de Feilluns et de Trilla particulièrement dévalorisants, avec des turbines de plus de 120 mètres sur des lignes de crêtes à 500 mètres d’altitude et à proximité directe des centres-bourgs de plusieurs villages, sont à proscrire.
  5. Au nord-ouest, Le projet éolien de Véraza, au-dessus d’Alet les Bains, qui créerait un effet d’encerclement pour ce village, serait une atteinte grave à la biodiversité, aux paysages des Corbières occidentales, au patrimoine religieux, historique et archéologique du site. Il doit enfin être abandonné.

Tne Occitanie Environnement demande aux instances du futur Pnr des Corbières-Fenouillèdes d’agir en toute cohérence avec son projet de territoire, et aux services de l’État d’appuyer cette demande, qui prend tout son sens à l’aune d’un prochain classement à l’Unesco des Citadelles du vertige (les châteaux du Pays cathare). Nous souhaitons plutôt que soient privilégiées les actions en faveur de la mobilité des populations locales, de l’efficacité énergétique, de la protection des écosystèmes forestiers et des zones humides ; et favoriser les pratiques agricoles plus respectueuses de l’environnement – à dimension humaine et en circuits courts – pour garantir une autonomie alimentaire diversifiée et de qualité et ainsi réduire sérieusement l’impact de notre alimentation et de notre développement économique sur le climat et les sanctuaires de biodiversité que doivent être les Parcs naturels régionaux. »