Max Barande : «Permettre aux filles de vivre de leur sport »

Après deux succès d’affilés face à l’Ecosse puis l’Irlande dans le tournoi des VI Nations, l’équipe de France de rugby affronte le Pays-de-Galles vendredi 27 février à 20 h 55. Une nouvelle victoire les rapprocherait d’un deuxième Grand Chelem consécutif. Avec quatre joueuses sélectionnées, l’Usap XV Féminin est bien représentée chez les Bleues. Une satisfaction pour Max Barande, le président du club catalan, qui espère que ce sport va continuer à se développer.

Julie Billes et Christelle Chobet seront titulaires contre le Pays-de-Galles lors du tournoi des VI Nations. Wendy Divoux et Caroline Boujard vont elles débuter sur le banc. Avoir des joueuses internationales et notamment sélectionnées en équipe de France est-il un objectif pour vous ?Max Barande

À l’Usap, ça a toujours été une tradition. Déjà à de l’époque du club de Toulouges, (NDLR : qui a disparu en 2010 pour devenir l’Usap XV féminin), on comptait plusieurs joueuses internationales. La principale différence par rapport à aujourd’hui, c’est que les dirigeants allaient chercher des filles à l’extérieur et ne s’appuyaient pas trop sur la formation. Maintenant, on a des cadettes au club qui intègrent ensuite les catégories seniors. On peut citer Julie Billes qui est issue de la formation locale et qui est internationale française dorénavant. On a aussi Élodie Guiglion par exemple. Parce que là nous parlons des quatre joueuses en équipe de France à XV mais il faut savoir que nous en avons trois aussi sélectionnées en équipe de France à VII. Elles disputeront les Jeux Olympiques en 2016 à Rio où cette discipline fera son apparition. En plus d’Elodie, il y a également Fanny Horta et Christelle Le Duff dans cette équipe. Plus qu’un objectif, c’est une suite logique.

Et une certaine satisfaction …

Quand on démarre une saison, on ne se dit pas qu’il faut avoir le maximum d’internationales. Notre priorité c’était de remettre le club au meilleur niveau et jouer les premiers rôles, ce qui est en passe d’être fait. On devrait, sauf tremblement de terre, se qualifier pour les demies-finales alors que l’année dernière on luttait pour le maintien. Cela prouve qu’on a réussi a bien restructurer le club. Cette année, on est aussi allé chercher quelques joueuses en Espagne qui nous apportent beaucoup. Le retour de Christelle Chobet nous a fait également beaucoup de bien.

Les sélections viennent aussi grâce aux résultats. Comment avez-vous réussi à redresser la barre ?

L’année dernière on jouait la descente car on n’arrivait pas à tenir le ballon. Cette année on pousse nos mêlées, on domine, on gagne des ballons en touche. C’est plus facile le rugby quand on a la possession. Le succès est également dû aux staffs dont l’entraîneur Marius Tincu. Il m’impressionne beaucoup pour sa première année chez les filles. Notamment dans la relation qu’il entretient avec le groupe.

Justement, le fait de placer un homme reconnu dans le milieu masculin à la tête d’une équipe féminine permet-il de faire progresser le rugby féminin ?

De nombreux observateurs estiment qu’il y a des spécificités féminines. Pour moi non. Ça reste un sport de combat, de contact. Sur le terrain les valeurs sont les mêmes tout comme les règles. Après c’est vrai qu’il y a peut-être un peu plus d’évitement que chez les hommes et que l’approche des matchs n’est pas exactement la même. Il y a des mots qui vont plus porter avec des filles qu’avec des garçons.

L’arrivée de Marius Tincu a-t-elle agit comme un coup de projecteur sur le club ?

C’est sûr que ça peut interpeller le public, le rendre curieux même s’il y a encore du chemin à faire. À domicile, on tourne entre 300 ou 400 spectateurs, l’équivalent d’un match de fédérale 1 chez les hommes.

Pour revenir à l’équipe de France, pensez-vous que l’intérêt vient surtout des bons résultats ?

On surfe sur la dernière Coupe du Monde (NDLR. : qui a eu lieu du 1er au 17 août 2014). Il y avait du jeu, de l’engagement, ça a plu aux gens. Il n’y a pas seulement le rugby qui se développe mais aussi d’autres sports comme le football, le handball ou le basket féminin et ce n’est que justice. Les filles produisent les mêmes efforts que les garçons sur le terrain. Mais il y a encore une grande différence, notamment dans les médias. Pourtant, il y a des choses à dire car ce ne sont pas seulement des joueuses de rugby. Dans la vie, certaines sont étudiantes, d’autres ont des responsabilités professionnelles, elles ont des choses à dire et souvent on passe à côté parce que ce sont des filles. On est encore accroché à des préjugés, c’est ce qui me fait dire que le combat de la femme est encore long.

La Coupe du Monde était diffusée à la télévision, comme certains matchs du Top 8. Cela va-t-il être bénéfique ?

C’est vrai que la diffusion des matchs sur Eurosport (NDLR : Usap / Montpellier le 11 janvier 2015), Canal + (NDLR : Lille / Usap le 24 janvier) ou France télévision (NDLR : Coupe de monde te tournoi des VI Nations) c’est bon pour le rugby féminin. On a eu des retours par rapport à ces matchs où les gens apprécient la fraîcheur et le fait que le jeu soit peu plus ouvert que chez les hommes. Il ne faut pas se cacher, ça peut également être bénéfique au niveau des sponsors.

Le club est-il dédommagé lorsque ses joueuses partent disputer des compétitions avec l’équipe de France ?

Au niveau du club nous n’avons rien. Mais les filles sélectionnées touchent quelque chose. Il faut signaler qu’elles ont des difficultés avec leur profession pour se libérer donc la fédération réfléchit à développer un statut semi-pro, comme celui dont peut bénéficier Fanny Horta par exemple. C’est-à-dire qu’elle a une enveloppe qui lui permet de se loger et de se nourrir à Marcoussis (NDLR : le centre d’entraînement de l’équipe de France), pour être à disposition de la sélection.

Les joueuses de l’Usap féminin sont-elles rémunérées par le club ?

Actuellement, on ne peut pas parler de rémunérations car on rembourse seulement les frais. On aimerait développer cet aspect là mais c’est très difficile avec notre budget (NDLR : moins de 180 000 euros cette saison) d’autant plus qu’on doit cohabiter avec deux grosses écuries à savoir les Dragons Catalans et l’Usap. Dans le département, on ne compte pas beaucoup d’entreprises nationales et internationales où aller chercher des sponsors.

Si un jour on peut proposer des contrats qui permettraient aux filles de vivre de leur sport, ce serait magnifique. Ce sont des passionnées elles aussi. On y arrivera.