Les guérisseurs sont à Argelès

L’église Notre Dame Del Prat, rue de la République, où l’on rentre depuis le XVIIe siècle par l’Est et qui n’a plus sa statue de vierge Marie est le lieu choisi pour l’exposition sur les Saints Côme et Damien des Pyrénées orientales.

Cet événement a lieu encore jusqu’au 10 octobre, on en profite pour faire un petit tour des curiosités de la ville. Pourquoi ne pas se garer sur le parking de la mairie à l’arrêt Carapatte, pour vous rendre au lieu de sainteté ?

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Passez donc d’abord par l’hôtel de ville où flottent fièrement les drapeaux français et catalan, celui au-dessus de l’Egalité étant momentanément fermé, vous pourrez y admirer la fontaine de La baigneuse de la Massane, inaugurée le 13 juin 2003 par Monsieur le Maire Pierre Aylagas.

N’oublions pas que la tour de la Massane appartenait au système de surveillance établi par les rois de Majorque, puisqu’en relation avec la Madeloc et celle de Quer Roig, elle permettait la communication entre la Cerdagne et le château de Collioure, résidence d’été des rois.

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Vous pourrez également  apercevoir la sculpture de la pierre coupée et tombée, dédiée aux pompiers.

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Le bâtiment flanqué de ses quatre tours pour le seul portail ouvert et éclairé par les deux réverbères à trois branches, domine en fait le passage bien agréable sur le petit pont fleuri et ombragé.

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Après avoir dépassé le « Sport Boules, Jeu Lyonnais » avec ses trois boules de pétanque et son cochonnet, le sol jonché de feuilles mortes à gauche sous l’arbre, en cet automne précoce, permet de savourer les couleurs rougeâtres auxquelles se mêle encore pourtant à droite, le vert, sous les trois arches du grand pont.

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Suffit-il de suivre les réverbères pour arriver rue de la République où une autre femme sculptée vous attend les bras derrière le dos, quasiment les pieds dans l’eau?

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Cette promenade matinale, car même en dehors des périodes de grosses chaleurs, l’allée est plutôt désertée l’après-midi, vous permettra de vous familiariser définitivement avec l’artisanat du vieux centre ville où des commerces multiples, excepté celui du petit Vallauris provençal, semblent à première vue s’épanouir, à travers le réseau des rues sympathiques qui invitent au Travail et à la Paix  et donc à l’Avenir, même si c’est une impasse, avant d’accéder à la Fraternité et l’Egalité qui croisent celles de Majorque, de la Concorde et de la Justice, avant d’accéder à la rue de la Liberté qui fait face à l’église enfin trouvée, sans omettre la rue de la Solidarité où le diamant symbolise la bijouterie Le carré d’or, dont l’art de créer et de métamorphoser, remonte à quarante ans, même si en ces temps de crise, le budget est serré.

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Après le cuir, le ciment, le sablé et sa baguette, sans oublier l’Hostalet avec son H qui, avec beaucoup d’humour, nous indique qu’il faut « tourner la clef dans le sens des aiguilles d’une montre » pour recevoir les clients « étrangers », et après un détour dans une rue non nommée avec bars accueillants à l’appui, qui permet d’arriver sur la place de la République,  non pour aller au ball de les criades mais pour observer le soutien du balcon de l’école de musique, près des salles Joffre, Mozart, Pelou, et en vous rappelant que c’est le lieu dominical où les peintres exposent, on peut encore sourire devant l’arbre de La Bartavelle, qui s’écrie « Je suis un arbre! Je ne suis en aucun cas une poubelle, un crachoir ou un cendrier! Merci. », avant d’arriver au pays Du Temps d’Alice où l’affiche ancienne avec le masque bleu nous introduit dans l’univers du « rouge secret » « Bienaimé ».

Le rituel des quatre bandes rouges sur fond jaune, avec au-dessus, imposées dans la pierre, les dates clés, nous fait ensuite sentir le parfum artisanal des Savons catalans.

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Si l’humour noir de la devanture cactée des fossoyeurs ajoute le mots « successeurs » à la famille Capeille également ambulanciers, dont le C insère élégamment le PF de Pompes Funèbres , faisant front à l’assurance d’Axa qui redonne espoir avec son slogan « Vous avez plusieurs vies à la retraite », avant de jeter un œil sur le Bar à coupe qui est en fait un salon de coiffure où des affiches nous rappellent que, par exemple, rue Jean Jaurès, Des Ateliers de la Lune proposent des cours d’Arts Plastiques et de guitare, on peut s’éclaircir de joie avec les enseignes du soleil, pour la céramique catalaneunnamedENSEIGNE SOLEIL,

avant celle des noisettes de l’écureuil, de l’établissement La Noisette, qui nous montre la belle dame rouge perlée et chapeautée, sur l’autre versant de la terrasse agrémentée de trois parasols de couleur orange, face à l’église.

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Le magasin de cadres et images avec Charlot en façade, fait déjà penser à la Noël, avec ses santons catalans et différents exemplaires du Caganer, et met dans l’ambiance avec ses planches métalliques comme celle qui dit: « Mieux vaut embrasser un bec de lièvre qu’un cul de poule. »

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De plus, les trois bacs de fleurs sont relayés par les vraies plantes de l’artiste du bonheur, primé pour son petit jardin, qui joue avec le O de Marco en le remplaçant par le sigle de « faites l’amour, pas la guerre », mais encore avec les fleurs peintes sur les murs.

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Ainsi, à côté d’un arbre chaîné, certainement un perroquet blanc, peut-être un cacatoès blanc découvert par Christophe Colomb, qu’un tigre surveille, partage l’affiche avec la reproduction de la montre de Dali, avoisinant une boîte à lettres, couronnée et écarlate, qui donnerait envie d’écouter du Pink Floyd alors que la porte d’entrée, cernée par trois coquelicots d’un côté et trois tournesols de l’autre est peinte d’un turquoise avenant.

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Enfin, sous les statues en trompe l’œil des Saints avec Côme à gauche et Damien à droite, la main droite sur la poitrine, la reproduction de la boutique Rosarum Flora avec une rose rose et une multitude de bouquets dessous, répondant à l’écriteau « ouvert 24H/24 » que semble regarder la fleuriste, s’inscrit sur la façade qui permettrait de descendre vers les Albères.

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C’est pourquoi au retour, on vous invite, à coups de banderole et pancarte, près du nom de la rue des Castellans, à vous rendre pour la modique somme de trois euros, à l’Albera où sur le mur, le masque illustre: « Font Del Turo De Montgat ».

Cette visite organisée est présentée comme nécessaire avant d’entrer dans l’antre des deux guérisseurs.

On peut même la prolonger un peu en faisant le tour de l’église mais en s’arrêtant surtout à l’extérieur, sur les deux colonnes qui portent les Anges indiquant l’Est et sur la sculpture de la Vierge Marie avec le serpent à ses pieds…

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La légende qui aime évoquer le berger dans un pré découvrant la statue de la Vierge est-elle à la base du nom de l’église en plein cœur du centre ville ?

Plus question d’aller chercher le bœuf qui s’éloigne du troupeau mais on peut découvrir, installée dans une niche du portail, Nostra Senyora Del Portal Del Prat.

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On n’y fabrique plus le même pain non plus, pourrait-on dire, car, si le 7 mai 1341, les Consuls d’Argelès ont sollicité le procureur royal pour affecter les revenus de la boulangerie de la ville à la Fabrique, c’est-à-dire le conseil administratif religieux dont le siège trônait au clocher de l’église dans la partie du chevet, aujourd’hui, le chœur n’est plus éclairé par la fenêtre qui avait été murée.

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Notons cependant qu’on pourrait rechercher encore la présence de deux retables, celui de St Michel et de St Roch et son chien, pourtant ce sont les reliques de St Côme et St Damien qui attirent l’œil ici alors qu’à la chapelle de Notre-Dame-de-Vie dans le piémont des Albères, à trois kilomètres de la ville, on les cherche encore, même si l’on a pu observer la courbe du golfe du Lion que mimerait sans doute un certain fleuve. Ce serait à Prades aussi qu’il faudrait se rendre pour voir dans le Trésor, affiliées aux deux reliques les lettres manuscrites « S : Cosma : M » et « S : Damiani : M ».

Par trois fois encore, les deux Saints apparaissent à l’intérieur de l’église, dans le triptyque doré de l’autel baroque mais ils sont encore représentés sur le retable de St Joseph avec à gauche St Damien et St Côme à droite et évidemment sur le vitrail lancéolé, sur le mur dit occidental, c’est-à-dire opposé au Chœur, en fait ici à l’Est dans cette église inversée, à partir de l’effondrement du Chœur primitif.

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D’origine arabe, les frères « jumeaux » St Côme et St Damien, géants de la ville, seraient nés à Egée en Cilicie, ancienne Arménie et actuelle Turquie, au IIIe siècle et appartenaient à une famille noble et chrétienne.

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Ces anargyres _ qui repoussent l’argent_ exerçaient bien l’art de déposséder « des esprits immondes » ; et accepter les trois œufs selon les Actu Sanctorum, petit présent de la légende dorée, juste pour ne pas froisser la dame qui avait été guérie, regardant de l’autre côté et regardée par les six autres protagonistes du tableau, y compris par la tête couronnée, n’aurait pas été sans courroux de l’un deux, comme semble nous le signaler l’un des triptyques à quatre volets, conservé au musée de Dinan en Bretagne, avec cette bourse noire au centre qui tranche dans l’ensemble rouge et doré.

Finalement, les cinq frères dont les deux Saints qui pratiquèrent aussi leur médecine en Syrie, auront la tête tranchée en 287, sous l’empereur Dioclétien ; après avoir résisté à tous les supplices, ils n’abjurèrent pas.

Ces martyrisés par Lysias, dont on retient cependant la greffe de jambe, sont depuis célébrés dans le calendrier des Saints, le 26 septembre en Occident et le 1er novembre en Orient. En effet, le sacristain de l’église St Côme et St Damien de Rome, atteint de gangrène gazeuse, put profiter de la vie, grâce à la jambe d’un Maure défunt.

Si dans les tableaux obscurs de l’époque Renaissance, on ne voit pas Dieu dans un nuage avec le globe terrestre sur les genoux mais seulement des pieds dans le ciel, c’est à l’autel privilégié de Ste Rita où trois éléments sont posés qu’on rencontre la croix pommelée avec les douze « régions » catalanes, c’est ce qu’on aimerait à penser alors que l’on aurait envie de tourner sa chaise vers le Christ du Sud, entre Lune et Soleil, qui repose sur un fond bleu étoilé, avec sa blessure au côté droit.

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On pourra à l’occasion passer la main sur la croix des Templiers gravée au mur et jeter un dernier coup d’œil à la colombe sur le tableau de l’Ascension.

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Enfin, si d’un geste de main vers le haut, on nous invite à chercher l’Agnus Dei vers le Ciel à la sortie, on ressort autrement de cette escapade culturelle.

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Nous vous rappelons donc d’aller lire les douze panneaux dans l’église Notre Dame Del Prat à Argelès, réalisés par des experts et de vous laisser guider par votre instinct dans ce lieu si particulier et cette promenade poétique et pittoresque, en ce tout début d’automne.