À l’heure où le soleil se couche sur la rivière Sangker, des milliers de chauves-souris s’envolent des grottes de Phnom Sampeau, dessinant un spectacle hypnotique dans le ciel cambodgien. Bienvenue à Battambang, deuxième ville du Cambodge où l’histoire a laissé une empreinte unique, mêlant héritage khmer, occupation siamoise et colonisation française. Cette cité provinciale, surnommée « le bol à riz du Cambodge », cache bien plus que ses vastes rizières : un patrimoine architectural colonial exceptionnel et une scène artistique vibrante qui lui ont valu d’être reconnue par l’UNESCO.
L’élégance coloniale qui défie le temps
Fondée au XIe siècle par l’Empire khmer, Battambang resta sous contrôle siamois (thaïlandais) pendant 113 ans jusqu’en 1907, date à laquelle elle revint sous administration française. Cette histoire mouvementée explique son architecture exceptionnelle : pas moins de 800 bâtiments coloniaux français sont aujourd’hui recensés dans une zone de protection patrimoniale officielle.
Le marché Psar Nath, joyau Art déco au cœur de la ville, témoigne de cette époque où la population de Battambang passa de 2 500 à 100 000 habitants sous l’influence française. La Maison du Gouverneur, construite en 1907, symbolise cette période charnière avec son toit pyramidal caractéristique et ses galeries ombragées qui offraient une protection contre la chaleur tropicale.
À l’aube, quand la lumière dorée caresse les façades ocre et terra cotta, on comprend pourquoi Battambang postule au patrimoine mondial de l’UNESCO – 80% des édifices du centre-ville datent de l’époque coloniale, offrant un ensemble architectural d’une cohérence rare en Asie du Sud-Est.
Entre tradition ancestrale et renaissance artistique
Mais Battambang ne se réduit pas à son passé. La ville est aussi le berceau d’un mouvement artistique contemporain surprenant. Dans les années 1960, elle vibrait au son du rock cambodgien, période dorée brutalement interrompue par les Khmers rouges. Aujourd’hui, ce patrimoine musical renaît dans les galeries et ateliers qui fleurissent le long de la rivière Sangker.
L’organisation Phare Ponleu Selpak, devenue référence dans l’art du cirque contemporain cambodgien, incarne cette résilience culturelle. De nombreux artistes internationaux s’y forment avant de partir en tournée mondiale, témoignant de la vitalité créative d’une ville qui ne cesse de se réinventer après les années sombres.
En 2023, Battambang a franchi une étape décisive en devenant la première ville cambodgienne à rejoindre le réseau des villes créatives de l’UNESCO pour sa gastronomie. Cette reconnaissance célèbre tant ses techniques culinaires traditionnelles que sa production agricole emblématique qui nourrit une grande partie du pays.
Des expériences uniques entre nature et culture
Le « bamboo train » (norry) reste l’expérience la plus insolite à vivre à Battambang. Ces plates-formes en bambou montées sur essieux ferrés filent à travers la campagne, offrant un moyen de transport rudimentaire mais fascinant. Autrefois artère vitale pour les villageois, ce train est devenu une attraction touristique qui permet d’explorer les paysages ruraux.
À la tombée du jour, le spectacle naturel des grottes de Phnom Sampeau attire visiteurs et photographes. Des milliers de chauves-souris s’envolent dans un ballet aérien synchronisé qui dure près d’une demi-heure – phénomène naturel fascinant qui contraste avec l’histoire tragique de ces grottes, utilisées comme charniers pendant la période des Khmers rouges.
Dans les alentours, le temple de Wat Banan, souvent surnommé « petit Angkor », dévoile ses cinq tours en brique rouge sur une colline offrant une vue panoramique sur les rizières. Ce site millénaire, source de nombreuses légendes locales, représente parfaitement le mélange d’histoire et de spiritualité qui imprègne toute la région.
Battambang incarne un Cambodge authentique, loin de l’effervescence touristique d’Angkor ou de Phnom Penh. Elle séduit par son rythme tranquille qui invite à la contemplation et à la découverte d’un pays aux multiples facettes, où tradition et renouveau coexistent dans un équilibre fragile mais inspirant.
FAQ : Découvrir Battambang
Quelle est la meilleure période pour visiter Battambang ?
De novembre à février, pendant la saison sèche, quand les températures sont plus clémentes et les précipitations rares. Évitez la saison des pluies (juin-octobre) qui peut rendre certaines routes impraticables.
Comment se déplacer dans la ville et ses environs ?
En tuk-tuk pour les courtes distances urbaines, en vélo pour explorer la campagne environnante, ou avec un guide local motorisé pour les sites plus éloignés comme Phnom Sampeau ou Wat Banan.
Quelles spécialités culinaires goûter à Battambang ?
Ne manquez pas le « fish amok » (poisson au curry à la vapeur dans des feuilles de bananier), le « nom banh chok » (nouilles de riz au curry de poisson et légumes frais) et les fruits tropicaux des marchés locaux, notamment les mangues de Battambang réputées dans tout le pays.