En gravissant les sentiers qui mènent à l’hermitage de Sant Elm, au-dessus de Sant Feliu de Guíxols, j’ai compris pourquoi cette colline avait inspiré l’un des noms les plus célèbres de la Méditerranée. C’est ici que Ferran Agulló, journaliste catalan, baptisa en 1908 cette côte rugueuse du nom de Costa Brava, contemplant depuis ce promontoire les falaises découpées qui plongent vers la mer.
Cette ville de 21 925 habitants cache bien son jeu. Coincée entre Palamós et Castell-Platja d’Aro, à seulement 33 kilomètres de l’aéroport de Gérone, elle pourrait passer pour une station balnéaire parmi d’autres. Pourtant, Sant Feliu de Guíxols détient un secret que même les Catalans ignorent parfois : elle est le véritable berceau linguistique de leur côte mythique.
Dès mes premiers pas dans ses ruelles pavées, j’ai senti que cette cité portuaire avait préservé son authenticité méditerranéenne loin des circuits touristiques classiques. Le monastère bénédictin qui domine le centre-ville témoigne d’une histoire millénaire, tandis que les criques sauvages alternent avec les plages de sable fin sur plus de 10 kilomètres de littoral.
Le secret historique qui donna naissance à la Costa Brava
L’instant fondateur de septembre 1908
Le 12 septembre 1908, un article publié dans le journal catalan « La Veu de Catalunya » allait révolutionner l’identité de cette côte. Ferran Agulló i Vidal, avocat et journaliste de Gérone, signait sous le pseudonyme « Pol » un texte intitulé « For the Costa Brava », définissant pour la première fois ce territoire « de Tordera au Cap de Creus, et en suivant Port de la Selva jusqu’à Banyuls ».
Un monastère témoin de l’histoire catalane
Au cœur de la ville, le monastère bénédictin de Sant Feliu révèle une architecture unique en Catalogne. La Porta Ferrada, datant du Xe siècle, constitue le seul portail roman de ce type intégré à un ensemble monastique fortifié sur toute la Costa Brava. Cette structure exceptionnelle présente cinq arcs en fer à cheval de style mozarabe, surmontés de triples arcatures lombardes des XIe et XIIe siècles.
Une authenticité maritime préservée qui défie le temps
Des tours défensives uniques face aux pirates
Sant Feliu conserve un système d’alerte maritime exceptionnel : les tours del Fum et del Corn. La Torre del Fum utilisait des signaux de fumée avec de la paille humide, tandis que la Torre del Corn permettait de sonner un cor fait d’une coquille en cas de danger. Ce dispositif défensif en tandem, unique sur la Costa Brava, témoigne des siècles de résistance face aux raids barbaresques.
Un patrimoine architectural millénaire
L’évolution architecturale du monastère raconte l’histoire de la Catalogne. Fondé au Xe siècle sur des vestiges romains, il a traversé les époques romane, gothique et baroque. Les transformations les plus importantes datent du XVIIIe siècle, quand fut ajouté le grand corps baroque qui abrite aujourd’hui le musée d’histoire locale.
L’expérience exclusive qui vous attend
Une géographie côtière exceptionnelle
Contrairement aux stations balnéaires uniformisées, Sant Feliu offre une diversité géographique remarquable. Ses 15,92 km² alternent entre criques rocheuses accessibles uniquement à pied, plages de sable surveillées et forêts méditerranéennes de pins et chênes-lièges. Cette variété naturelle explique pourquoi Agulló choisit précisément cette perspective pour définir le caractère « brava » de la côte.
Un urbanisme Modernista préservé
Le quartier de Sant Pol conserve l’un des rares ensembles cohérents de villas Art nouveau de la Costa Brava. Ces demeures témoignent de l’âge d’or économique lié à l’industrie du liège, qui fit la fortune de nombreuses familles catalanes au début du XXe siècle. Comme d’autres sites fortifiés de Catalogne, cette architecture défensive s’inscrit dans une tradition séculaire de protection du patrimoine.
Accès et conseils d’initié
La meilleure saison pour éviter les foules
Visitez Sant Feliu entre septembre et novembre pour profiter d’un climat encore doux (15-20°C) sans l’affluence estivale. Les musées sont accessibles toute l’année, et l’automne offre une lumière exceptionnelle pour photographier la Porta Ferrada. D’autres ports catalans combinent traditions maritimes et patrimoine culturel, mais aucun ne possède cette authenticité monastique.
Accès depuis les Pyrénées-Orientales
Depuis Perpignan, comptez 1h30 par l’A9 puis l’AP-7 jusqu’à la sortie 6 (Sant Feliu de Guíxols/Santa Cristina d’Aro). Le centre historique se visite facilement à pied depuis le parking gratuit près du port. Pour découvrir les criques secrètes, prévoyez de bonnes chaussures : certaines stations catalanes offrent des accès privilégiés à des sites naturels protégés.
Questions pratiques pour votre découverte
Quels sont les horaires du monastère et de la Porta Ferrada ?
Le musée d’histoire locale du monastère ouvre généralement de 10h à 13h et de 16h à 19h en saison. L’accès à la Porta Ferrada est libre toute l’année depuis la place du monastère.
Peut-on visiter Sant Feliu en une journée depuis Perpignan ?
Absolument. Comptez 3h pour le centre historique et le monastère, plus 2h pour une crique. Le trajet aller-retour depuis Perpignan prend 3h au total.
Quelle est la spécialité gastronomique locale ?
Les restaurants du port proposent des spécialités de poissons et fruits de mer selon la pêche du jour, dans la pure tradition maritime catalane.
Sant Feliu de Guíxols représente bien plus qu’une station balnéaire : c’est le laboratoire linguistique où naquit l’identité de toute une côte. Dans un monde où les destinations se ressemblent, cette ville catalane offre une authenticité rare, celle d’un lieu qui a su préserver son caractère maritime et monastique sans céder aux sirènes du tourisme de masse.
