Interview : Le conducteur du train jaune sort du silence

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Symbole, fierté, patrimoine, le train jaune est devenu un incontournable en pays catalan, Mais pour combien de temps encore ? En effet, les restrictions budgétaires et la politique interne de la Sncf laissent planer l’ombre d’une fermeture prochaine.

Pierre Gironne, 35 ans est natif du département. Il est conducteur du train jaune depuis 2003 et fondateur sur Facebook du groupe de soutien «non à la fermeture du train jaune» et il a décidé de se confier au journal catalan en exclusivité !

Le journal catalan : Qu’espérez-vous en vous adressant aux médias ? Pourquoi avez-vous choisi le Journal Catalan ?

Pierre Gironne : Comme beaucoup, je suis catalan, je suis passionné et je revendique mon attachement au département ; Il est inconcevable pour moi, en tant que conducteur mais également en tant qu’enfant du pays catalan, d’entrevoir la possibilité que le train jaune, ce bout de patrimoine puisse ne plus exister. En sollicitant les médias j’espère sensibiliser tout un chacun autour de cette cause.J’aimerais attirer l’attention des pouvoirs publiques et trouver le soutien de certains élus.
Le journal catalan a pour habitude d’être à l’écoute des sujets et des problèmes au sein de notre département, c’est tout naturellement que j’ai pris contact avec l’un des correspondants de presse.

LJC : avez-vous remarqué une baisse de la fréquentation et de la circulation ?

PG : Sans aucun doute, en 2000, il y avait 400 000 passagers qui ont emprunté le train jaune. Cette année, la fréquentation est en dessous des 170 000, à ce rythme nous allons droit dans le mur.

LJC : Quels sont les problèmes que vous rencontrez ?

PG : Il y a plusieurs soucis qui font que nous en sommes là ! Premièrement, le prix du billet, il y a trente ans la Sncf a doublé le prix afin d’auto-financer les travaux liés à la maintenance de la ligne. L’argent récolté n’a jamais réellement servi à ça… la ligne a continué à se dégrader. Le matériel ferroviaire roulant est lui en bon état. Mais les travaux concernant les rails et la rénovation de la ligne de manière générale connaissent beaucoup de difficultés. Certains rails date de 1909 (lors de la création du train jaune), le remplacement devient inévitable.

Deuxièmement, les horaires, les correspondances avec les trains aux départs de Perpignan et de Toulouse ne se coordonnent pas, c’est illogique et totalement absurde de ne pas caler les horaires du train jaune sur ceux des autres lignes ou affluent les touristes et les voyageurs.

LJC : Y a t-il un moyen de résoudre ces problèmes ?

PG : L’avenir du train jaune va dépendre de la prise de conscience et de l’engagement des politiques. Ce sont eux qui votent le budget alloué à la cause de la sauvegarde du train jaune.

A ce jour, la ligne a besoin de 100 millions d’euros pour tout rénover et ainsi repartir pour les 100 prochaines années. La moitié de cette somme viendrait de Sncf Réseau et l’autre moitié de la Région. Cette dernière a un budget annuelle de 2 milliards d’euros par an pour son fonctionnement, la sauvegarde du train jaune a besoin de se voir attribuer 5 millions par an sur dix ans (soit 50 millions), c’est loin, très loin de me paraître infaisable. C’est une question de volonté politique, soyons en bien conscients.

LJC : Des soupçons de privatisation planent sur l’avenir du train jaune, qu’en est-il exactement ?

PG : C’est l’une de mes craintes principales à vrai dire… Il faut bien comprendre que ça sera le début de la fin. Si le secteur privé venait à s’occuper de cette ligne, il ne chercherait pas à comprendre d’où viennent les problèmes, au moindre soucis de taille, ils fermeront définitivement le train jaune. Il sera inutile de venir pleurer à ce moment-là !

LJC : Pierre Gironne, êtes-vous seul dans ce combat ?

PG : Nous étions une poignée de main au départ, et puis j’ai eu l’idée de créer un groupe Facebook pour interpeller le plus grand nombre, à ce jour nous sommes presque 5000 à lutter pour cette cause catalane. Plusieurs coins de France connaissent le même sort, des lignes ferroviaires du même style sont menacées. Alors il est temps de se bouger, de revendiquer notre droit à ne pas être d’accord, de bouger les troupes…

LJC : La Direction de la Sncf est-elle derrière vous ?

PG : C’est difficile à dire, nous avons un nouveau Directeur qui a tendance à être ouvert au dialogue, à chercher des solutions, néanmoins nous restons vigilants et notre optimisme à l’égard de la Direction reste encore à éclaircir.

LJC : Pour finir, êtes-vous optimiste personnellement ?

PG : Disons que je suis d’un naturel optimiste, nous allons être nombreux à nous battre et je serais en première ligne.

L’entretien en vidéo avec Pierre Gironne par Jonathan Dutilleul, filmé par Daniel Billa :

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