[interview] Le club de plongée catalan (unique club français) récompensé au salon mondial de la plongée à Paris

Les beaux jours arrivent, les premières chaleurs également! Vous êtes nombreux à poser les serviettes sur la plage, pour beaucoup c’est l’occasion de ressortir son matériel de sport. Alors pourquoi pas essayer la plongée sous marine. Notre département catalan est une pépite, un écrin d’une rare bio-diversité, riche d’une flore et surtout d’une faune en perpétuelle augmentation. Julien Lebot, propriétaire du centre de plongée (Plongée bleue) sur Banyuls sur mer a accepté de nous recevoir. Il nous raconte sa vision et son engagement au quotidien…

– Julien, qui êtes vous ?

Je m’appelle Julien, Brevet d’État d’Éducateur Sportif 2ème degré Option plongée Subaquatique, j’exerce de façon professionnelle depuis une dizaine d’année. Avant cela, j’étais Éducateur Spécialisé à l’Aide Sociale à l’Enfance de la Seine Saint Denis, après avoir développé une expérience plus générale dans le travail éducatif et social, de prévention de rue et un peu dans le milieu du handicap.
Delphine, Conjointe Collaboratrice dans la structure, s’occupe de la partie administrative, de l’accueil, des réservations… Egalement issue du travail social et de l’animation socio culturelle, diplôme universitaire en Sciences de l’Education, Delphine était Enseignante Spécialisée en IME et hôpital de jour dans des classes composées d’enfants trisomiques, d’enfants présentants des troubles du comportement ou autistiques.
– Depuis quand dirigez vous ce club ?

Après avoir développé Plongée Bleue, une petite école en fosse de plongée à Paris, et avoir travaillé comme moniteur dans différentes structures de bord de mer en Corse, à côté de Marseille, et dans les Pyrénées Orientales, nous avons développé la structure à Banyuls sur mer il y a un peu moins de 5 ans.

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– Quelle est votre philosophie ?

Delphine et moi avons 4 enfants. Si nous souhaitons bien entendu que notre activité nous permette de vivre, nous souhaitons surtout qu’elle nous permette encore de passer du temps en famille et de préserver du temps pour nos enfants. Et comme une passion se vit 24/24, nous ne nous mettons pas la pression sur des objectifs économiques à atteindre au dépend de notre équilibre familial. Nous laissons la course au nombre de plongeurs et au remplissage de bateau à d’autres. Cela ne nous empêche pas de bien travailler et de malheureusement refuser du monde en pleine saison. Notre ambition est de maintenir notre qualité d’accueil, de prestation, tout en gardant notre philosophie… et d’accueillir des plongeurs qui auront choisi notre structure parce qu’ils partagent nos valeurs. Nous ne cherchons pas à proposer des prestations qui ne nous correspondent pas, pour suivre une tendance ou parce que ça fonctionne chez un confrère, cela aurait l’effet inverse, et le temps étant tellement précieux… Notre structure reflète notre identité.
En dehors de notre profession, au quotidien, dans notre mode de vie, dans les valeurs apportées à nos enfants, et parce que nous aimons la nature et voulons la préserver, nous essayons d’avoir une démarche éco-responsable. Cela se retrouve logiquement dans le fonctionnement et l’identité de notre structure de plongée, dans nos choix de partenariats et dans les actions que nous soutenons. Même si certains le nient encore, notre activité à un réel impact, aussi modéré soit-il, sur l’environnement qui nous accueille. Ainsi, nous réfléchissons et nous nous remettons en question en permanence afin que notre pratique soit la plus éco-responsable possible, même si nous faisons encore des erreurs et qu’avec le rendement au pic d’une saison, nous ne pouvons pas être exemplaires à 100%. Mais nous essayons…

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– Quelques exemples de votre démarche, de vos actions et de vos partenariats ?

Comment ne pas faire le maximum quand nous bénéficions de la proximité de la Réserve Naturelle Marine de Cerbère Banyuls? Évidemment notre démarche serait la même ailleurs, mais ici, de fait, notre démarche doit être exemplaire. Je ne vais pas rentrer dans le détails du fonctionnement de notre club, mais voici quelques exemples… Si nous participons au nettoyage des plages ou du port de Banyuls, nous souhaitons faire participer tous nos plongeurs, à chacune de leur plongée, au nettoyage des sites de plongées. Chaque plongée est un moment d’exploration, d’observation mais également de participation. Nos plongeurs sont munis de petits filets et remontent tous les petits déchets trouvés (piles, plastiques…). Nous avons fait le choix de ne pas utiliser d’antifouling sur la coque de notre bateau et préférons nettoyer la coque très régulièrement en immersion car l’antifouling est un biocide qui clairement tue la vie et qu’il se détache des coques des bateaux en mer, sans compter le carnage écologique du carénage d’un bateau. Doit-on encore discuter de l’impact écologique des pesticides que l’on retrouve d’ailleurs également en mer avec autres engrais? L’antifouling est de la même famille… Bien évidemment nous prenons soin de proposer un tri sélectif des déchets à nos plongeurs, nous n’utilisons jamais de gobelets jetables sur notre bateau (on en retrouve tellement au fond de l’eau), nous essayons de minimiser l’utilisation de l’eau pour le rinçage des combinaisons de plongée, ce qui est extrêmement compliqué en pleine saison ou lorsque l’on accueille des groupes. Un plongeur doit-il rincer son matériel après chaque plongée? Ne peut-il pas faire cela chez lui au retour de week-end ou de vacances? Cela aiderait les centres de plongée. Demandez à d’autres structures ce qu’ils font des condensats des compresseurs, récupération sélective d’une déchèterie ou éviers/égouts voir caniveau/eau de pluie ? Est-il normal en 2015, de vendre des t-shirt ou acheter du matériel sans s’interroger sur la provenance du coton et des conséquences de sa production, ou s’il y a eu du travail d’enfant. Toutes les grandes marques de matériel fabriquent à l’étranger, en Asie. Nous sommes malheureusement à la merci de notre monde capitaliste. Cependant, nous nous efforçons de faire part de nos idées en permanence. Par exemple, le plastique étant l’un des plus grands fléaux actuels, nous essayons d’amener l’idée de réduire les emballages inutiles, notamment lorsque les centres sont livrés. Nous incitons les marques de matériel à revoir certaines méthodes dans le conditionnement des produits, ce que Jean-Christophe de la marque Kanumera a déjà compris et il n’y a pas un seul élément plastique dans les colis qu’il nous expédie. L’identité des plongeurs changent et certaines marques commencent à s’adapter. Par exemple, cela n’est pas un hasard si la marque Scubapro a décidé de ne plus équiper le personnel des Dolphinariums, ce qui est pour nous un nouveau cap incontournable dans nos choix. Nous sommes exigeants dans nos choix et en mesure de changer s’il n’y a pas ou plus un minimum de valeurs communes. Nos idées et nos valeurs nous ont logiquement amené à soutenir Longitude 181, association qui milite depuis plusieurs années dans la protection du milieu sous-marin et qui a mis en place la charte de plongeur responsable. Véronique et François Sarano sont parfaitement épaulés et relayés par une équipe engagée avec notamment son président Patrice Bureau. Nous avons également fait le choix de soutenir l’ONG Sea Shepherd avec un partenariat avec le groupe local de Perpignan coordonné par Tiffanie qui est très engagée sur les PO. Nous participons financièrement à notre façon au soutien de l’organisme. Il y a quelques temps encore, les actions de Paul Watson étaient jugées irresponsables. Aujourd’hui, Sea Shepherd est soutenu par des millions de personnes et les dernières actions sont des succès dans l’information et la prise de conscience collective. Il suffit de rencontrer Lamya Essemlali, responsable de Sea Shepherd France, avec un clin d’œil à Guyve pour son travail, pour mesurer l’engagement et la motivation de l’ONG. Tous les bénévoles de Sea Shepherd sont des sentinelles, prêts à agir.
Nous sommes également entrés dans une démarche de sciences participatives avec le MedObs, auprès des CPIE bassin Thau (Esther Emmanuelli) et de La Ciotat (Gauthier), et nous mettons donc nos plongeurs à contribution dans l’observation et le relever de données, à travers les tablettes sur l’Observatoire Méditerranéen des paysages sous-marins, que nous présentons et proposons à nos plongeurs. L’observation est à la base de la démarche scientifique, et le but est qu’il y ait un maximum d’observation.

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– Vous revenez de Paris, vous avez eu une récompense, racontez nous ?

Chaque année nous sommes présents au salon de la plongée à Paris qui se déroule en janvier à la Porte de Versailles. Lors de cette édition 2015, et pour la première fois, l’association Longitude 181 et Tribloo.com ont décerné deux trophées pour le centre éco-responsable pour l’année 2014, un pour l’étranger et un pour la métropole. Nous avons eu l’honneur de recevoir le trophée du centre éco-responsable de métropole 2014. D’une part, cela a été une grande surprise car comme je l’ai dit précédemment, Tribloo teste les centres de plongée de façon anonyme, et Longitude 181 qui avait établi le cahier des charges des éléments à tester, avait gardé ce projet secret jusqu’à l’ouverture du salon. D’autre part, nous sommes fiers de ce trophée car c’est notre ligne de conduite initiale qui est récompensée. Nous ne courons pas après la reconnaissance ou les récompenses. Nous appliquons nos idées et nos valeurs avant de penser au retour possible. Bien entendu, cela peut être communiquant pour la structure, et nous n’allons pas le nier. Cependant, nous ne cherchons pas forcément à nous mettre en avant, cela n’est pas dans notre caractère, et nous ne modifierons jamais notre image pour plaire à tout le monde, faire comme les autres structures, ou suivre une tendance. Nous tenons à notre intégrité. Par exemple, nous soutenons Sea Shepherd depuis maintenant trois ans et cela étonne encore que cela se fasse bénévolement, et que nous faisons aucunes marges sur la vente de produits Sea Shepherd que le groupe local de Perpignan nous laisse entre deux événements. Oui, cela étonne encore que l’on puisse s’engager sans ne rien attendre en retour, juste par conviction.
La remise du trophée s’est donc déroulée sur la stand de Longitude 181 en présence du représentant de Tribloo. Après un excellent et percutant discours de Patrice Bureau, Morgan Bourc’his, champion du monde d’apnée et très engagé sur la protection du milieu marin, nous a remis le trophée. Ce moment fut important car il a permis de mettre avant à travers les discours de Patrice Bureau et François Sarano, le fait que l’éco-responsabilité et les centres de plongées étaient compatibles, que des structures s’engageaient réellement et croyaient en leurs actions, et que cet exemple devait inciter les autres structures à suivre la même voie.

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– Comment se porte la plongée sur le département (66) ?

La plongée dans le département se porte bien. Plus d’une quinzaine de structures professionnelles, plusieurs associations, beaucoup de plongeurs individuels… Nous avons certes pas toujours une bonne visibilité, mais nous avons une bonne densité d’espèces, la réserve de Banyuls, les épaves du cap Béar, la proximité des sites espagnols… il y en a pour tous les plongeurs, tous les rythmes. Si politiquement, on ne complique pas le développement de notre activité, comme notamment l’aberrante taxe sur le mouillage, la plongée dans le département se portera bien. Nous disposons d’un « jardin » exceptionnel, les structures sécurisent l’activité, tant qu’il y aura des passionnés et des vacanciers…
– Comment voyez vous la suite désormais, des projets, des envies..?

S’en tenir à notre ligne de conduite et à notre engagement représente déjà pas mal d’investissement au quotidien. Nous souhaitons garder l’identité de notre structure telle qu’elle l’est. Le projet de nettoyage quotidien des sites de plongée en faisant participer nos plongeurs, démarrent avec cette saison 2015. Nous sommes encore en plein rodage. Ensuite, il y a des projets, oui, mais que je ne souhaite pas encore évoquer. Enfin, dans notre engagement militant, nous surveillons d’autres projets, dont certains, sur la côte Vermeille, vont à l’encontre de nos valeurs et face auxquels nous nous opposerons…
– Qu’avez vous à dire aux lecteurs qui n’osent pas franchir le cap afin de les aider à découvrir votre monde merveilleux ?

Le monde sous-marin est fascinant. Le miroir de la surface dépassé, nous sommes accueillis dans un milieu riche en couleur, en biodiversité, en sensations et en émotions. A chacun sa pratique, à chacun sa zone d’évolution, chacun vient à la recherche de quelque chose de singulier. chacun y trouve sa satisfaction. Dans la majorité des cas, essayer la plongée c’est être piqué par le virus, dès la première immersion, l’activité est adoptée. C’est justement cet aspect miroir de la surface qui peut renvoyer une peur, la peur de l’inconnu ou renvoyer des angoisses de l’enfance. Se mettre à l’eau en brisant ces barrières, c’est redécouvrir la vie, une vie qui existait déjà il y a plusieurs millions d’années. Mais cela permet d’en mesurer une grande fragilité, et de prendre conscience de notre impact sur l’environnement et de notre responsabilité. Nous devons nous adapter à la nature, et non l’inverse.

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A bientôt au sein de notre structure à Banyuls sur mer : http://www.plongeebleue.com
Julien et Delphine Lebot.