Ille-sur-Tet : Biennale internationale de poésie visuelle

Julien Blaine
Julien Blaine (Christian Poitevin) au MAC, jeudi 9 avril 2009.
Julien Blaine
Julien Blaine (Christian Poitevin) au MAC, jeudi 9 avril 2009.

La deuxième biennale internationale de poésie visuelle d’Ille sur Têt de 2015 s’installe à l’atelier galerie (13) TREIZE à Ille sur Tet et à la librairie Torcatis à Perpignan pour l’été. Elle trouve déjà un rythme avec 91 participants de 17 pays. Les participations des poètes visuels varient ; d’un format d’une carte postale au format A3. Certains d’autres eux ont envoyé qu’un poème d’autres ont choisi d’en envoyer plusieurs. Comme en 2013 la mise en espace sera assurée par Daniel Van de Velde qui est commissaire avec André Robèr pour cette édition.

Cette exposition grâce à son ouverture esthétique montrera toute la palette des possibles en poésie visuelle ; des pionniers comme Hugo Pontès, Biro Jozsef, Enzo Minarelli, Almandrade Andrade, Fernando Aguiar, John M. Bennet et Julien Blaine s’ajoute des générations trés activent. Tous ont joué le jeu proposé par les commissaires de participer bénévolement à cette biennale internationale.
Le nombre de participants et l’augmentation des pays d’origines feront de cette exposition un grand moment. Moment de découverte pour les visiteurs occasionnels de la galerie et affirmation de la volonté d’André Robèr d’inscrire ce lieu dans l’écriture sous toutes ses formes. Les habitués de ces formes se délecteront de la multiplicités des œuvres.
Cette année un hommage sera rendu à l’artiste français Julien Blaine à Perpignan à la librairie Torcatis. L’occasion de découvrir des instantanés de son parcours riche en productions.
« Nous ne pouvons nous satisfaire du médiocre pour le devenir. Il nous faut le mieux et le plus exigeant pour alimenter notre être et le transporter, le transformer en œuvre » S’amuse à dire André Robèr qui s’appuie sur cette phrase du poète et artiste français Robert Fillou « L’art c’est ce qui rend la vie plus intéressante que l’art ».
C’est bien de l’esprit du mouvement Fluxus dont il s’agit ici. De cette volonté permanente de s’insoumettre aux diktats des esthétiques dominantes digérés par les établissement public d’état.
À Ille sur Têt aussi il y a des possibles à construire cette ville qui à vue naître et vivre des poètes mérite aussi ce qui se fait de mieux dans la poésie visuelle internationale.
A Perpignan à la librairie Torcatis l’hommage à un pionnier Julien Blaine que l’on pourra voir en chair et en os.

Décryptage

1 – Un parti pris

Il y a un éclatement des langues, des individus. Un éclatement du monde. Il y a, certes, des unités de sens mais elles sont différentielles. L’équilibre du monde n’est pas monolithique, il relève d’une synergie différentielle. Le poème contemporain est fait de greffes, de transitions, d’espaces, d’ondes et de fréquences qu’aucun langage commun absorbe sauf à éprouver celui-ci comme une aliénation.

Le poème contemporain entre en résonance avec toutes les formes données de visibilité et de sonorité. Sa présence et son fondement ne relèvent d’aucune langue particulière. Il s’articule dans les interstices entre toutes les langues possibles et imaginables. Pour reprendre un vocabulaire numérique, il est vectoriel. Il délaisse la dimension matricielle de ce qui a eu lieu, simplement parce qu’aujourd’hui les notions d’apparition et de mise en œuvre ne relèvent pas de la notion d’origine. L’origine est une fiction, une prise de pouvoir pour établir une hiérarchie.

2 – Dissolution visuelle

Il y a dans l’écriture et la lecture d’un poème classique, une perte, une résorption silencieuse de l’espace et du temps. Le poème, pour se ressaisir, a besoin d’une métamorphose. L’exigence poétique passe alors par une expérimentation de toutes les formes possibles de langage et d’expression. Par l’expérimentation comme méthode, la poésie d’avant-garde a prit différents contours. Différentes voies exploratoires. Celle qui nous occupe ici est la poésie visuelle, vaste territoire d’intelligence humaine en mouvement. Le champ visuel a prit une telle ampleur qu’il est nécessaire de reformuler notre rapport au visible. Plus seulement en terme de perception mais également en terme de pensée. Une pensée visuelle, strictement visuelle. Un flux tendu et incessant d’images alimente en permanence notre espace mental, social et environnemental. A tel point que l’ensemble de ces images est en train d’émerger comme un langage propre. Qui se voudrait immanent et incontournable là où il n’est que prise de pouvoir. Un langage que l’on doit apprendre à décrypter en tant que tel au risque de devenir le spectateur passif de sa propre existence.

3 – La biennale mode d’emploi

La biennale, initiée par André Robèr, prend forme autour d’un corpus d’œuvres poétiques qui nous parviennent du monde entier. Un rendez-vous fixé à l’avance via les réseaux sociaux. Elle est ouverte à toute proposition poétique dès lors que l’on peut fixer celle-ci au mur. Nous ne préjugeons pas de la qualité de l’œuvre reçue. Nous lui trouvons une place. La visibilité prime. Mais cela reste de la poésie. Une poésie qui s’affranchit du livre, de la lecture, de la traduction. Une poésie mondiale. La perception est visuelle, murale. Composer un poème visuel demande peu de moyens techniques. Il n’est pas de notre ressort, au travers de cette biennale de donner une valeur marchande aux œuvres exposées. Ni de mettre en avant tel poème au détriment de tel autre. Nous recevons des œuvres originales et d’autres, envoyées en pièce jointe, sont matérialisées par le truchement de la photocopieuse. La copie fixe la matérialisation de l’œuvre le temps de la biennale. Notre rôle consiste à donner à l’ensemble une cohérence. Bien sûr nous avons nos préférences. Mais à la question de l’auteur, du qui fait quoi, nous préférons axer la biennale autour de la poésie visuelle comprise comme un ensemble qui génère une forme particulière de langage. La poésie, aujourd’hui, est de quintessence planétaire. Elle offre la possibilité inouïe de poser chaque individu, d’où qu’il vienne et où qu’il aille, comme irréductible à tout ce qui pourrait le définir.

Daniel Van de Velde – mai 2015

MUSiCiEN POST AURiGNACiEN
Hommage

Julien Blaine crée sa première revue, Les Carnets de l’Octéor, à l’âge de 20 ans. Parallèlement, il se lance dans la performance, la poésie action, avec Reps éléphant 306. Cette performance se compose à partir d’un interview d’éléphant, qu’il va retraiter sur bande.
Dès lors, il approfondira ces deux champs : d’un côté, la publication et la mise en question de ce support ; de l’autre, la poésie action, qui rompt avec la lecture classique, au même titre que ce qu’a pu faire Bernard Heidsieck avec la poésie sonore.
En 1988, Blaine crée, après celles de Cogolin, les rencontres internationales de poésie de Tarascon, puis, en 1989-1990, un lieu de diffusion et de création poétique au cœur de la vieille ville de Marseille, le Centre international de poésie Marseille(cipM) — il est, à l’époque, adjoint de la mairie phocéenne délégué à la culture. Il occupera également une place importante dans le festival Voix de la Méditerranée de Lodève, peu après sa création en 1998.
Julien Blaine, tout au long de ses publications, s’interroge sur le sens, sa formation, et en quel sens il se constitue. Cette recherche s’est constituée comme poésie élémentaire. La caractéristique de la poésie élémentaire tient à ce que tout élément signifiant est incorporé dans le poème, aussi bien des éléments de typographie non alphabétiques, que l’ensemble des traces de la culture humaine tous continents confondus.
La poésie se fait également avec le poète, avec sa voix et son corps. La poésie élémentaire, et d’autres, telles la poésie sonore, sort la poésie du livre. Ce n’est pas que l’écrit ne soit pas important, mais il est un des aspects résiduels de l’ensemble. Ce qui fait la différence poésie / prose est que dans la poésie interviennent la marche et le souffle. Ainsi la marche donne le rythme qui donne, entre autres, la rime. Par son corps, son attitude, le poète créé un rapport à l’autre, qui est un pacte entre lui et l’autre, pacte où la présence du plaisir est fondamentale. Ces conceptions se voient dans les troubadours et, plus récemment, chez les futuristes et Dada3.
C’est en ce sens que Julien Blaine, avec la poésie élémentaire, construit une forme d’archéologie poétique de la naissance du langage et de sa transformation dans le temps.