« Historiographie, Histoire, médias et démocratie » par Francis Daspe

Francis DASPE, secrétaire général de l’AGAUREPS-Prométhée
Les médias contribuent à la fabrique de l’opinion, comme l’historiographie façonne la mémoire du passé.

Francis DASPE, secrétaire général de l’AGAUREPS-Prométhée, nous communique sou le titre « Historiographie, Histoire, médias et démocratie » avec prière d’insérer :

« L’historiographie concerne l’étude de la manière d’écrire l’Histoire. Elle désigne en quelque sorte l’histoire de la science historique ou « l’art de l’Histoire ». C’est qu’écrire l’Histoire n’est jamais totalement neutre, en dépit de la rigueur des méthodes scientifiques utilisées et même de l’honnêteté intellectuelle intrinsèque de celui qui la rédige.

On a coutume de dire que l’Histoire est souvent écrite par les vainqueurs. C’est vrai. Elle peut également refléter la pensée dominante d’une époque. Il n’y a rien de surprenant à cela. D’une certaine manière, le parallèle peut être fait avec les médias dominants répercutant la pensée dominante du moment présent.

C’est à cela que s’attelle la présente Lettre du mois de l’AGAUREPS-Prométhée. Elle traite de deux questions politiques, qui ont été confrontées plus que de raison à ces questions de la fabrique de l’Histoire en lien avec les positionnements historiographiques. Le traitement réservé à la République montagnarde et au jacobinisme sont à cet égard instructifs. Les deux sujets possèdent des connotations idéologiques fortes. Celles-ci ne vont pas dans le sens de la pensée dominante contemporaine, c’est le moins que l’on puisse dire.

Les médias contribuent à la fabrique de l’opinion, comme l’historiographie façonne la mémoire du passé. La place des médias a constitué une préoccupation permanente. Le programme du Conseil National de la Résistance (CNR) en date du 15 mars 1944, ne proclamait-il pas, entre autres mesures, l’objectif de « la liberté de la presse, son honneur et son indépendance à l’égard de l’Etat, des puissances d’argent et des influences étrangères » ? Etait également fixée la volonté de « l’instauration d’une véritable démocratie économique et sociale, impliquant l’éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l’économie ». C’était audacieux et pertinent. Et d’actualité.

Pour sa part, la loi du 23 octobre 1984 « visant à limiter la concentration et à assurer la transparence financière et le pluralisme des entreprises de presse » avait été votée par la majorité de gauche issue de la victoire à l’élection présidentielle de 1981. L’objectif était alors de restreindre la concentration dans la presse. Elle s’adressait plus particulièrement au patron du Figaro, Robert Hersant, à tel point qu’elle fut parfois appelée par son nom. Elle voulait le contraindre à vendre une partie de son empire de presse. Mais cette loi, largement vidée de sa substance par le Conseil constitutionnel, fut abrogée après le retour de la droite au pouvoir, en 1986.

La presse se trouve de plus en plus incapable d’exercer son pouvoir d’animation et de contrôle de la vie démocratique. Les ordonnances de 1944 et la loi de 1984 n’ont rien garanti sur la durée : les éditeurs français continuent de refuser à leurs lecteurs les informations pluralistes les plus élémentaires. Aujourd’hui, neuf patrons richissimes, pensant peu ou prou la même chose, défendant les mêmes intérêts de classe, possèdent 90% de la presse. Faute de pluralisme, il est certain que la démocratie n’en sort pas renforcée. Instrumentalisations, révisionnismes et pensée unique font leur sinistre et implacable office. »