Estagel : Le Sénat omniprésent dans le village

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Comme tous nos villages, le nôtre n’échappe pas à la règle. Le Sénat existe. Par dérision, est ainsi nommé le rapport d’amitié par lequel sont liés les anciens. Certes, leurs expériences de la vie sont différentes. Dans nos cités, une chose les fait converger : l’amour de la vigne et du vin.

Ainsi, à Estagel, ce sont Yves, 48 ans, Gervais, 68 ans, Louis, 97 ans, qui occupent le plus fréquemment les sièges réservés à cette noble institution sur la place Arago. Par intermittence, se joignent à eux Benoît, Joseph, Caby, et d’autres.

Le parcours de nos Sénateurs

Yves est président, alors que Gervais et Louis sont respectivement secrétaires et trésoriers. Yves et Gervais, sont des vignerons retraités. Chacun a eu sa passions. Yves, pendant de longues années, a disputé des parties d’échec. Gervais, lui, a joué au rugby. Il a dû abandonner une carrière prometteuse, sous l’influence de son père pour qui la seule priorité été le travail de la vigne, du lundi au dimanche. Ceci, qu’il pleuve, qu’il vente ou qu’il neige. Mais sa passion pour la musique restée intacte, le fait encore vibrer. À tel point qu’il ne manque pas une répétition et encore moins une soirée. Pour cela, il n’aime pas les fausses notes dans les rapports humais. À l’époque, son orchestre  » Gervais Pélissier « , a fait danser des générations de jeunes gens aux accents des slows langoureux ou bien des tangos endiablés. C’était toute une époque définitivement révolue. Yves, souvent, avec émotion, parle de la venue des premières voitures. Cet épisode de sa vie, reste profondément ancré dans sa mémoire. Même si parfois cette dernière peut apparaître comme défaillante, comme à tout un chacun lorsque nous prenons de l’âge, elle n’en reste pas moins à toute épreuve pour ce qui concerne son village : Estagel. Louis, quant à lui, après un court séjour à Paris comme agent des P.T.T, est vite revenu dans sa patrie, renonçant ainsi et à tout jamais à la vie trépidante de la capitale. Il a mené son parcours professionnel comme employé à la cave coopérative. Son rôle au sénat, est des plus important. Récolter les informations, toutes les informations et les soumettre au débat.

La politique, la nostalgie, aucune indemnité spéciale

Les moments les plus riches, sont cependant les veilles d’élections, surtout municipales. Chacun y va de son registre, argumentant sur ce qu’il croit être juste. Même si les discussions sont parfois âpres, dures, elles sont toujours en parfaite sincérité, loin de la politique politicienne qui ruine l’existence même des simples gens. C’est en élevant au plus haut niveau dans les vraies valeurs, cette notion de sincérité, que chacun trouve dans l’autre, la force intellectuelle, morale, de conserver cette amitié d’hommes d’honneur, capables encore de donner le meilleur d’eux-mêmes pour la collectivité, pour leur prochain.
Souvent, ce qui est normal, un brin de nostalgie vient effleurer les débats. Chacun y va de son couplet, se remémorant les temps passés, ou sur la place, en toute saison, après la journée de travail, de nombreux groupes se formaient pour échanger les informations reçues. C’était une vie bien singulière, toute simple, pleine de charme, pleine de vérité, de franchise, d’honnêteté.
Ne disons pas : « c’est fini à tout jamais ». Ceux qui peuvent penser cela, sont ceux qui ne veulent surtout pas voir les choses changer, s’améliorer, croyant trouver ainsi un quelconque avantage à ce que les citoyens ne puissent pas se rassembler, discuter, réfléchir, passer leurs analyses au crible de la pensée citoyenne. Bien sûr, nous ne retrouverons pas le vendeur de l’Humanité Quotidienne sur la place. Nous ne retrouverons pas toutes ces personnes parties trop tôt. Mais n’est-il pas possible de redonner une vie à notre place Arago ? Les élus municipaux ne peuvent-il pas s’interroger sur ce problème qui fait la vie du village et aussi sa particularité ? Le Sénat ne demande pas de bureau, ni de téléphone fixe, encore moins de secrétaires, mais tout simplement une attention particulière à notre place, à notre agora Estagelloise.

Le mot de la fin du Président

Yves, quant à lui, jouant son rôle de président, lorsqu’il juge les débats trop passionnés, prend référence sur la mondialisation. Vite, ce sont d’autres débats qui commencent. Alors arrive le moment de se séparer.
Qui invite l’assemblée au restaurant ce soir ? Voilà, invariablement, le mot de la fin à quelques bons moments passés entre amis qui, au fil des ans, ont su acquérir cette expérience, cette sagesse indispensable au vivre ensemble.

N.B. vous voudrez bien nous excuser, mais au tout début de la rédaction, nos doigts se sont emmêles sur le clavier. Ainsi, il fallait lire : Yves 84 ans, Gervais 86 ans, Louis 79 ans.

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