Elne : « Groc », septième album de Joan Llorenç Solé…

Et la ville se pare soudain de sang et d’or… Il y avait foule, samedi dernier, salle des fêtes d’Elne… Des airs, des accents et des souffles d’espérance et de liberté, à peine contenus mais néanmoins vivaces et vivifiants, bruissaient entre les tables des convives, venus en nombre assister à la présentation de « Groc », septième C.D de Joan Llorenç Solé, auteur, compositeur et interprète de talent, bien connu de la population illibérienne…

Ce nouvel opus, se présente d’emblée comme une prouesse technique : enregistré en avril dernier, au sein du parc l’Escapade, à Estavar , il a fallu aux concepteurs du projet installer, à savoir créer un studio sur la commune cerdane, et du coup déplacer les instruments, les appareils de sonorisation, les musiciens et les techniciens pour faire naître « Groc » (jaune en français), la couleur du lacet (« el llaç » en catalan) qui témoigne de l’injustice que subissent depuis deux années déjà 18 personnes, citoyennes sud-catalanes, unilatéralement et injustement condamnées pour certaines à la prison, pour d’autres à l’exil…

C’est à la pensée de ces hommes et de ces femmes, n’ayant jamais commis ni crimes, ni délits, mais toutefois iniquement et absurdement jugés et condamnés pour avoir fait état et montre de leurs opinions dans les charges professionnelles, sociales et associatives qu’ils assumaient et qui étaient leur lot quotidien, que Joan Llorenç Solé a conçu « Groc ».

Ce nouvel album s’inscrit, dans la démarche de l’artiste, comme un acte dynamique et infiniment riche de teintes sonores des plus originales : le C-D bénéficie du concours d’une section de cuivres très étoffée, ainsi que des remarquables voix féminines d’Anne-Erell Tor et de Annabelle Scholly Lotz… Leurs tessitures vivifiantes épaulent l’artiste dans son propos. Ainsi, la voix chaleureuse et émouvante du chanteur baryton s’exprime-t-elle pleinement au long des 13 titres qu’il propose à notre oreille et à notre entendement…

Joan Llorenç Solé signe huit oeuvres sur treize de l’album, avec cette passion qui le transporte et qui lui permet de mettre en valeur sa culture, son patrimoine, ses proches…sa vie. « Ploro per dins » – texte signé par son ami Enelji – en est un exemple probant. Ce titre, s’inspire de la lettre ouverte, écrite par Carme Forcadell, lors de son transfert de la prison de Madrid vers celle de Figuères. Il a fallu obtenir l’accord de la famille de Carme Forcadell, ex-présidente du parlement de Catalogne et aujourd’hui, hélas ! prisonnière politique, pour travailler cette chanson. La voix de Carme Forcadell, intégrée au morceau, le ponctue et de tendresse et d’espoir.

« Escrivim la historia » et « A sota la bandera » évoquent le lacet jaune (el llaç groc), symbole de démocratie, qui a donné le titre à l’album. « La listique » d’Albert Bueno et « El meu país » de Teresa Rebull (texte de Miquel Martí i Pol, accompagné au piano de l’ineffable doigté de l’illustrissime Jo Biskup), témoignent de la relation vernaculaire portée à une terre maternelle, voire ancestrale, que l’on est parfois malheureusement obligé d’abandonner, mais à laquelle l’on demeure à jamais viscéralement enraciné.

La Cerdagne, lieu de prédilection de l’artiste, est omniprésente dans une chanson qui met en avant « Llívia », enclave catalane en territoire français. Assimilée pour l’occasion à un célèbre village de la Gaule antique, qui lutte contre l’envahisseur, Llívia se présente telle la capitale résistante du monde. Et « libre », qualificatif qui s’apparente à son nom, en devient son surnom et son emblème.

Outre l’adaptation heureuse en catalan de « Bella Ciao » (chant révolutionnaire italien, écrit durant la seconde guerre mondiale en opposition véhémente aux régimes fascistes et nazis sévissant), Joan Llorenç Solé revisite « Parlem català » (Texte de Joan Cayrol – Musique de Jordi Barre), chant intime et profond que tous les nord-catalans fredonnent aujourd’hui…L’identité foncière de l’artiste s’affirme dans « Elna », dont il est un enfant reconnaissant, mais plus encore dans « No volem ser occitans », réaction à une adhésion non consentie à un nouveau territoire.

L’ancrage sardaniste de J.L. Solé se revendique au travers de «És la Morenata » (d’Antoni Carcellé i Tosca), qu’enchaîne « La santa espina » (Texte d’Angel Guimerà – Musique d’Enric Morera).

C’est avec ses amis du « Cochon Rouge » que Joan Llorenç a donc présenté son dernier disque samedi, autour d’une ouillade mitonnée par le chef émérite Franck Borelle, grand ami de l’artiste. Un plat succulent, traditionnel et bien de mise en cette période pré-hivernale, qui a réchauffé le ventre, mais surtout le cœur, puis l’esprit de tous les convives attablés à la cène de l’espoir, du partage et de la convivialité… à l’occasion d’un mets pour lequel aucune recette ne peut être prescrite : un mets servi aux agapes et au soir luminescent de l’amitié…

« L’association « Traditions Catalanes » remercie chaleureusement le Conseil Départemental, la Ville d’Elne, la Semaine du Roussillon, les amis du Travailleur Catalan, Delmas Musique, la société « Keroscène », Ràdio Arrels, le parc résidentiel de loisirs « l’Escapade », les Chevaliers de la Confrérie des copains d’abord, ainsi que tous les bénévoles et amis, lesquels ont grandement contribué au succès de cette manifestation, qui s’est avérée aussi singulière que mémorable…

Pour obtenir « Groc », C-D de Joan Llorenç Solé, contactez « Traditions catalanes » au 07 83 82 14 13 ou rendez-vous « Llibreria catalana », 7 Place Joan Payra, 66000 Perpignan (Tel : 04 68 34 33 74)