Déclaration liminaire de la Fcpe 66 au Conseil Départemental de l’Éducation Nationale

Pour le Conseil d’administration de la F.C.P.E. des Pyrénées-Orientales, Rémy Landri, président, nous communique une déclaration commune au Cden (Conseil Départemental d’Éducation Nationale), avec prière d’insérer :

« Monsieur le Préfet des Pyrénées-Orientales,
Monsieur le Directeur académique des Pyrénées-Orientales,
Madame la Présidente du Conseil départemental des Pyrénées-Orientales,
Mesdames et Messieurs les membres du Cden,
Ce Cden avec une trentaine de membres à distance qui se connectent ce jour mérite
l’attention. En effet si la Dsden a la capacité d’organiser cette réunion rien ne s’oppose à ce que les chefs d’établissements scolaires en fasse de même pour des conseils d’administration et des conseils de classe à distance, sans délaisser les circulaires légales comme ça a pu être fait.

En même temps nous tenons à remercier les chefs d’établissements qui essaient malgré
tout d’intégrer les parents dans la tenue des instances des établissements. Venons-en à l’annonce du 11 mai soit dans 20 jours maintenant. Dans le contexte de crise sanitaire que nous traversons, le Président de la République vient d’annoncer que la réouverture progressive des établissements scolaires, à l’exclusion de ceux du supérieur, devrait avoir lieu le 11 mai Si la reprise du travail des parents pour relancer l’activité économique et soulager le quotidien des familles peut s’entendre, le choix du 11 mai pour rouvrir les établissements scolaires, nous semble prématurée d’autant que d’autres lieux comme les restaurants, les administrations et d’autres services, restent fermés.

En effet, beaucoup de questions restent en suspens :
– La pandémie reste très active et sa maîtrise reste encore aléatoire.
– Les instances de tutelle sont-elles en capacité de doter les établissements scolaires de gel hydroalcoolique et d’effectuer le nettoyage de ces établissements ? De même la mise à disposition de tous (élèves, enseignants, accompagnants des élèves en situation de handicap, personnels des établissements) de masques est-elle possible ?
– Comment maintenir les distances de sécurité dans des salles de classes déjà exiguës où se côtoient jusqu’à 35 élèves, dans les cours de récréation et dans les rangs des
classes lors des sonneries, et dans les bus de ramassage scolaire ?
– Comment peut-on être sûr de la participation des personnels des établissements pour le retour en classe alors que les restaurants, les musées, les administrations seront fermés, et que les parents et les grands-parents resteront confinés ?
– Comment se dérouleront les repas à la cantine en veillant à ce que toutes les précautions sanitaires soient prises ?

Beaucoup de parents sont inquiets, et certains affirment clairement que leurs enfants ne reviendront pas à l’école le 11 mai, et que personne ne pourra les y obliger. Forcément, les inégalités se poursuivront puisque les mêmes élèves, pour lesquels le lien social et scolaire est à l’heure actuelle coupé, n’iront pas forcément à l’école en mai prochain.

Bref la décision, même progressive, de reprendre le 11 mai ne nous semble pas réaliste en
l’état actuel de la catastrophe sanitaire, et ce, sans un affichage précis des modalités pratiques de cette reprise. Cela ne fait que rajouter des incertitudes et de l’anxiété. Comme l’a conseillé Philippe Klein, médecin dans une clinique internationale à Wuhan en
Chine : « C’est à partir du moment où on maîtrise la situation qu’on peut permettre un retour progressif à un fonctionnement normal […] Et enfin, une réouverture des écoles : c’est toujours ce qu’on rouvre en dernier, parce que c’est ce qu’on doit fermer en premier » (France Inter, 13/4/2020).

Nous sommes confrontés à des injonctions contradictoires. La Fédération des Parents d’Elèves des Pyrénées-Orientales, avec les enseignants, pense qu’il serait bon de rouvrir les établissements scolaires au plus tôt pour éviter cette fameuse fracture sociale et le décrochage scolaire. Et en même temps, notre préoccupation première reste la santé publique de nos publics. Nous sommes soucieux que toutes les conditions sanitaires soient réunies. Dès lors, et dans cette incertitude, nous appliquons le principe de précaution. Nous
affirmons que la santé de nos enfants, des enseignants et de tous les personnels des
établissements scolaires est prioritaire. En conséquence nous refusons la réouverture
des établissements.

Nous devons utiliser les semaines qui nous séparent des congés d’été pour préparer au mieux la rentrée scolaire afin que :
– Les habitudes prises par chacun de respecter ou faire respecter les gestes barrières puissent se poursuivre. Cela implique de renforcer partout où cela est nécessaire la présence des équipes médico-sociales.
– Tous les enfants aient une place à la rentrée, notamment lorsqu’ils doivent changer
d’établissement : élèves de grande section entrant en CP, élèves de CM2 entrant en 6e, élèves de 3e entrant en 2nde ou en CAP, élèves de terminales entrant dans
l’enseignement supérieur, emménageant…
– Des enseignants soient présents en nombre suffisant dans chaque classe et dans
toutes les disciplines, que soit mis fin aux coupes dans les Dhg prévues à cette
rentrée.
– Les effectifs chargés, contre lesquels se bat la Fcpe depuis des années, soient
revus à la baisse et que les conditions d’apprentissage de nos enfants, lourdement
pénalisées cette année, se passent au mieux.

Et dans l’immédiat la Fcpe des Pyrénées-Orientales demande que :
– La prise en charge des enfants les plus fragiles (grande précarité, violences familiales,…) et de ceux qui ne peuvent pas rester seuls chez eux se poursuive dans les
mêmes conditions que cela a été pour les enfants de soignants.
– Dans chaque établissement scolaire, un diagnostic des besoins et des risques sanitaires soit établi et qu’il donne lieu à la rédaction d’un plan de prévention des risques
avec les mesures associées.
– Les gestes barrières et de protection des enfants et des personnels puissent être effectifs à l’école : mise à disposition systématique et en quantité suffisante de masques,
savon, essuies mains jetables ou sèche-mains électriques avant le premier jour de retour
en classe, et diffusion d’une campagne d’affichage sur les gestes barrières et autres
mesures de prévention dans chaque établissement.
– La Dhg 2020 dans les collèges et les lycées soit gelée pour assurer une rentrée dans
de bonnes conditions.
– La carte scolaire pour la rentrée 2020 dans le 1er degré ne donne lieu à aucune
suppression de poste dans les écoles. Nous demandons, au contraire, une création de
postes pour mettre en place les classes de grande section à 15 élèves en Rep, à 24 hors
éducation prioritaire et le maintien de Rased complets.

La crise engendrée par la pandémie du covid-19 révèle les nombreuses failles dans les
modèles (sanitaires, économiques, sociaux, sociétaux, éducatifs, etc.) de notre système. Les responsabilités de ces failles sont à assumer par l’ensemble des composantes
de notre société d’autant que l’incapacité à trouver des solutions consensuelles reste une
constante depuis 50 ans.

Nous le savons d’ores et déjà, cela oblige dès à présent à repenser la place et l’importance
des services publics, qui sont la colonne vertébrale de l’organisation de notre société. La Fcpe a toujours réclamé une réflexion autour de l’Ecole, du projet pédagogique, des moyens qui lui sont alloués, et nous pensons que cette crise sanitaire est le moment, enfin, de changer les choses.

On ne pourra pas faire semblant et penser que tout doit continuer comme avant. Notre objectif ne sera pas de retrouver l’Ecole d’avant, mais bien de construire celle de demain. Il faudra réfléchir aux moyens dont elle a besoin et non pas de comment trouver ces moyens : d’ailleurs, quand l’urgence est là, le « comment » devient secondaire et se solutionne de toute façon, la Fcpe ne peut que saluer l’effort engagé. L’après-confinement devra faire fi des seules logiques comptables, et investir massivement dans des mesures d’accompagnement tant éducatives que psychologiques.

Imaginer reprendre des cours avec des classes aussi surchargées que les années passées
avec des enfants qui ont subi le traumatisme de la pandémie serait irresponsable. Cela veut dire qu’il faut penser des effectifs allégés, donc sans fermeture de classes dans notre
département.

L’Ecole doit redevenir ce service public fondamental, pilier de notre société :
– Au service de tous ;
– Au plus près de tous ;
– Au bénéfice de tous.

Pour ce faire, la carte scolaire ne pourra pas s’appliquer telle qu’elle avait été élaborée en
décembre 2019. Le contexte s’est radicalement transformé depuis et il doit être pris en
compte :
– Impossibilité de finaliser les inscriptions pour certains, et non prise en compte des
déménagements ;
– Fermeture des établissements scolaires ;
– Continuité pédagogique favorisant le décrochage scolaire et nécessitant un rattrapage des compétences de la maternelle à la terminale les deux ou trois années à venir.

Nous demandons avec insistance le renforcement des moyens dans les 1er et 2nd degrés
et l’arrêt immédiat des mesures de cartes scolaires dans ces mêmes 1er et 2nd degré prises avant le confinement : cela implique l’arrêt des fermetures et la confirmation des ouvertures, une baisse des effectifs dans les classes, des personnels d’accompagnement confortés…

Pour que la reprise de l’enseignement se passe dans les meilleures conditions possibles, pour commencer à réinventer cette Autre école qui permette à nos enfants de mieux appréhender le monde de demain, nous voulons :
– Systématiser les classes à multi-niveaux double, ou le travail par cycle ;
– Organiser des classes à effectifs réduits et sortir des quotas standards de l’Éducation
nationale ainsi que dans le 1er degré, car avec la poursuite de dédoublement pour les
Rep et Rep+, les effectifs sur les autres niveaux explosent !
– Renforcer les moyens d’accompagnement en personnels éducatifs, sociaux,
sanitaires et médicaux ;
– Structurer et prévoir les remplacements ;
– Augmenter le nombre de places pour les concours Meef1 et 2 (Master de
l’Enseignement, de l’Éducation et de la Formation) ;
– Ouvrir pleinement la poursuite des parcours scolaires et universitaires.

Les gels ou les moratoires ne suffiront pas à répondre aux besoins, car ils conduiront
automatiquement à des suppressions de postes en intervenant sur les postes surnuméraires ou non présentiels. Il faut donner au système éducatif les moyens de contribuer à la résilience sociale en prenant le temps de l’écoute, de l’émotion, de restaurer le lien social, de compenser la très grande hétérogénéité des acquis tout en renouant le dialogue avec les décrocheurs… Pour cela, et compte tenu de l’état d’urgence sanitaire de notre pays, nous demandons pour les cartes scolaires :
– Le renforcement des moyens alloués aux établissements scolaires des 1er et 2nd degré,
aussi bien éducatifs que sociaux et médicaux ;
– L’annulation de toutes les fermetures de classes ou d’écoles à la rentrée 2020. Les
ouvertures proposés sont nécessaires ;
– La garantie de la participation effective des représentants de parents d’élèves dans la phase de consultation et prise de décision en amont ;
– La réception de tous les documents suffisamment longtemps à l’avance afin de pouvoir y
travailler et de proposer des solutions alternatives.

Nous ne pouvons pas continuer comme si cette crise n’avait pas existé. Nous devons adapter notre logiciel. La pandémie a impacté frontalement notre système éducatif. Elle en a montré les failles mais aussi les qualités. Notre dernière demande et non la moindre est de proposer la création d’une convention citoyenne sur le système scolaire, à l’image de la convention citoyenne sur le climat. pour repenser ensemble l’évolution de notre système éducatif. Le niveau départemental, car chaque département a sa spécificité, serait adéquat ce qui n’empêcherait nullement le format national. »