24.8 C
Perpignan
samedi 16 août 2025

spot_img
AccueilLifestyleCette reconversion du cuir que seules les femmes des mas adaptent aux...

Cette reconversion du cuir que seules les femmes des mas adaptent aux reliefs

Date:

Dans l’atelier d’Emilie à Bages, les mains expertes caressent le cuir tanné avec la même délicatesse que ses ancêtres bergers manipulaient les peaux de chèvre. Cette sellier-harnacheur, seule artisane du département à restaurer des selles traditionnelles, perpétue un savoir-faire que les femmes des mas catalans ont toujours adapté selon les reliefs de leur territoire. Quand la montagne exige des cuirs plus épais pour résister aux ronces du maquis, la plaine du Roussillon privilégie la souplesse pour les longues chevauchées.

Alexandra Philippe, dans son atelier Maroquinerie Voilà, incarne cette nouvelle génération d’artisanes qui transforment la tradition. Formée chez les Compagnons du devoir, elle a choisi de revenir au pays pour créer sa pochette en cuir de chèvre à tannage végétal. Ses gestes précis révèlent cette adaptation millénaire : chaque pièce naît d’une lecture attentive du relief où elle sera utilisée.

Cette renaissance féminine de la maroquinerie catalane témoigne d’un phénomène unique : les femmes qui reprennent les ateliers familiaux savent instinctivement adapter leurs créations aux contraintes géographiques de chaque territoire, du Vallespir venteux aux Aspres ensoleillées.

L’origine de cette tradition d’adaptation territoriale

Les femmes de bergers, premières maroquinières

Dans les cortals du Canigó, les épouses d’éleveurs travaillaient déjà les peaux selon l’altitude de leur mas. Plus haut en montagne, elles tannaient plus longtemps pour obtenir un cuir résistant aux épines des genêts. En plaine, près de Perpignan, elles privilégiaient la finesse pour confectionner les bourses du marché. Cette adaptation climatique se transmettait de mère en fille, créant des spécificités micro-territoriales encore visibles aujourd’hui.

La reconversion post-crise viticole

Depuis 2018, plusieurs femmes d’anciens vignerons se reconvertissent dans la maroquinerie artisanale. Elles apportent cette connaissance intime du terroir, sachant qu’un cuir destiné aux vendanges de Banyuls ne sera pas traité comme celui d’un berger de Py. Cette expertise territoriale fait la différence entre une maroquinerie générique et un artisanat authentiquement catalan.

Le geste précis qui fait la différence

La lecture du relief dans la peau

Emilie explique son approche : « Nous recevons les peaux tannées, nous les découpons et les assemblons ». Cette simplicité apparente cache une technique complexe d’adaptation. Pour les selles destinées aux cavaliers des Albères, elle choisit des parties plus nervurées du cuir. Pour celles du littoral, elle privilégie les zones plus souples de la peau, résistantes au sel marin.

L’assemblage selon l’usage territorial

Alexandra Philippe maîtrise cette technique d’assemblage différentiel : ses pochettes pour les marchés de Céret intègrent des renforts discrets aux angles, anticipant le frottement contre les étals de pierre. Celles destinées aux bergers du Conflent reçoivent une protection supplémentaire contre l’humidité des brouillards matinaux.

Comment nos anciens procédaient

Le calendrier saisonnier du cuir

Nos arrière-grands-mères respectaient un calendrier précis : elles travaillaient le cuir fin durant les chaleurs estivales, quand la tramontane assèche rapidement les peaux. L’hiver, elles s’attaquaient aux cuirs épais, profitant de l’humidité ambiante pour maintenir la souplesse durant les longues heures de couture à la chandelle.

« Ma grand-mère disait toujours : ‘Un cuir de montagne doit respirer comme la pierre sèche, un cuir de plaine doit plier comme l’osier du Tech' » – Conseil transmis dans les ateliers familiaux du Vallespir

Les outils adaptés aux territoires

Chaque zone développait ses outils spécifiques : les alènes des Aspres, plus fines pour percer les cuirs durcis par le soleil, différaient de celles du Capcir, plus robustes pour traverser les peaux épaisses nécessaires aux rigueurs montagnardes. Cette diversité technique se retrouve encore dans les ateliers contemporains.

L’adapter aujourd’hui dans votre quotidien

Choisir selon votre usage local

Si vous fréquentez les marchés côtiers de Collioure ou Argelès, optez pour une maroquinerie aux finitions protégées du sel. Pour les randonnées dans les Albères, privilégiez les cuirs tannés végétal, plus résistants aux épines et à l’humidité. Alexandra Philippe propose cette personnalisation, perpétuant la tradition d’adaptation territoriale.

L’entretien selon le climat catalan

En période de tramontane, nourrissez votre cuir plus fréquemment car ce vent dessèche rapidement. Durant les épisodes méditerranéens, protégez vos pièces de l’humidité excessive. Ces gestes simples respectent l’adaptation climatique que nos ancêtres pratiquaient instinctivement.

Cette maroquinerie féminine catalane renaît aujourd’hui grâce à des femmes qui comprennent intuitivement les besoins de chaque territoire. De l’atelier d’Emilie à Bages à celui d’Alexandra Philippe, elles perpétuent cette sagesse ancestrale qui fait du cuir catalan un artisanat unique, parfaitement adapté à la diversité de nos paysages. Visitez ces ateliers, soutenez ces artisanes qui maintiennent vivante cette tradition d’excellence territoriale, héritage précieux de nos montagnes et de nos plaines méditerranéennes.

Où trouver cette maroquinerie authentique ?

Les ateliers comme la Maroquinerie Voilà d’Alexandra Philippe ou l’atelier d’Emilie à Bages ouvrent leurs portes sur rendez-vous. L’Atelier Thiloän à Céret propose également des créations adaptées au territoire catalan.

Comment reconnaître un travail adapté au relief ?

Un artisan authentique vous posera des questions sur l’usage prévu et votre zone d’habitation. Cette approche personnalisée garantit une adaptation optimale aux contraintes de votre territoire.

Quelle différence entre maroquinerie de montagne et de plaine ?

La montagne privilégie les cuirs épais et les finitions robustes, la plaine favorise la souplesse et la légèreté. Cette distinction technique ancestrale perdure dans les ateliers contemporains.