En observant les dernières barques catalanes amarrées dans le petit port de Collioure, mon grand-père pointait du doigt ces coques effilées qui fendaient autrefois les eaux calmes de la baie. « Regarde bien, petit, ces hommes savaient naviguer debout sans tomber, même par mer formée », murmurait-il en évoquant ces pêcheurs d’anchois qui maîtrisaient un art aujourd’hui oublié.
Cette technique de navigation debout sur les barques catalanes ressemble étrangement au stand-up paddle moderne, mais elle cache des siècles de savoir-faire méditerranéen. Entre 1850 et 1970, les marins de Collioure et Port-Vendres ont perfectionné des gestes précis pour manœuvrer leurs embarcations légères, combinant équilibre, force et lecture instinctive des courants.
Aujourd’hui, alors que les planches de SUP glissent sur ces mêmes eaux, peu savent que nos ancêtres pêcheurs maîtrisaient déjà cet art de la navigation verticale avec une dextérité remarquable.
L’origine de cette tradition catalane
Les barques catalanes, ces embarcations effilées aux couleurs vives, constituaient l’âme de la pêche roussillonnaise. Construites pour la rapidité et la maniabilité, elles pesaient à peine 200 kilos et mesuraient entre 4 et 6 mètres. Leur forme particulière permettait aux pêcheurs de se tenir debout à l’avant pour scruter les bancs d’anchois.
Une construction adaptée à la navigation debout
Les charpentiers navals catalans concevaient ces barques avec un centre de gravité bas et une stabilité remarquable. Le fond plat et les bordés relevés offraient une plateforme idéale pour les manœuvres en position verticale, technique indispensable lors de la pose des filets tournants.
La spécificité de la côte catalane
Entre Argelès et Cerbère, les fonds marins peu profonds et les eaux relativement calmes de la Méditerranée créaient des conditions parfaites pour cette navigation particulière. Les pêcheurs exploitaient ces avantages naturels en développant des techniques uniques de propulsion à la rame debout.
Le geste précis qui fait la différence
La rame traditionnelle catalane exigeait une posture spécifique que seuls les vrais marins maîtrisaient. Debout à l’arrière de la barque, les jambes légèrement fléchies, le pêcheur imprimait un mouvement de va-et-vient puissant avec une seule rame longue, technique appelée « vogue à la godille ».
Conseil de mamie : « Pour tenir l’équilibre comme les anciens pêcheurs, gardez toujours le regard fixé sur l’horizon, jamais sur vos pieds. Le secret réside dans la souplesse des genoux et la force des hanches. »
La lecture des courants méditerranéens
Les marins catalans développaient une connaissance intuitive des vents et courants. La tramontane du nord-ouest, le marin du sud-est, chaque souffle modifiait leur technique de rame. Cette expertise se transmettait de père en fils durant des apprentissages silencieux sur l’eau.
L’approche silencieuse des bancs d’anchois
La navigation debout permettait une propulsion quasi-silencieuse, essentielle pour ne pas effrayer les poissons. Le pêcheur alternait coups de rame profonds et glissades feutrées, technique aujourd’hui disparue avec l’arrivée des moteurs dans les années 1960.
Comment nos anciens procédaient
L’apprentissage commençait dès l’enfance dans les familles de marins. Vers 8 ans, les garçons accompagnaient leur père et observaient pendant des heures cette danse verticale sur les flots. La transmission se faisait par mimétisme, sans explications théoriques.
L’entraînement dans les criques
Les jeunes s’exerçaient d’abord dans les eaux abritées de Paulilles ou des petites anses de Banyuls. Ils apprenaient progressivement à maintenir leur équilibre sur des barques de plus en plus petites, développant cette stabilité naturelle qui impressionnait les visiteurs.
Les secrets de la godille catalane
La technique différait de la godille classique par l’amplitude du mouvement et la position du corps. Les anciens utilisaient tout leur buste pour imprimer la puissance nécessaire, économisant leurs bras pour de longues heures de pêche. Cette technique des anchoïeuses que 2 familles de Collioure transmettent depuis 1870 témoigne de ces savoirs ancestraux.
L’adapter aujourd’hui dans votre quotidien
Si les barques catalanes ont pratiquement disparu, leurs enseignements nourrissent les sports nautiques modernes. Le stand-up paddle reprend intuitivement certains principes de cette navigation ancestrale : équilibre dynamique, lecture des courants, propulsion économique.
Transposer les gestes traditionnels
Sur une planche de SUP, adoptez la posture de nos pêcheurs : genoux souples, regard lointain, coups de pagaie réguliers. Ce kayak de mer le long des criques que Banyuls et Cerbère gardent secrètes révèle d’autres techniques nautiques locales à redécouvrir.
Choisir les bons spots catalans
Privilégiez les eaux calmes de la baie de Collioure ou l’anse de Paulilles, cette adaptation aux 330 jours de soleil qui règle le quotidien de la côte catalane offre des conditions idéales pour s’exercer presque toute l’année.
Pratiquer le SUP sur ces eaux chargées d’histoire constitue une forme moderne de transmission. En glissant sur les mêmes flots que nos ancêtres pêcheurs, vous perpétuez inconsciemment leur héritage maritime, adaptant leurs gestes séculaires aux loisirs d’aujourd’hui.
Cette navigation debout, qu’elle soit traditionnelle ou moderne, reste un dialogue intime avec la Méditerranée catalane et ses secrets millénaires.