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samedi 19 juillet 2025

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Cette huile rouge que 3 familles du Vallespir fabriquent encore au solstice

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Dans les cortals du Vallespir, Maria Puig sort chaque juin son grand bocal de verre brun. Ses mains ridées cueillent délicatement les sommités fleuries de millepertuis, cette plante aux feuilles percées de petits trous que les anciens appellent l’herbe de la Saint-Jean. Sa grand-mère lui avait transmis ce geste précis : récolter le 24 juin, lorsque la plante atteint sa force maximale, pour fabriquer cette huile rouge aux vertus cicatrisantes exceptionnelles.

Aujourd’hui, seules trois familles du Vallespir perpétuent encore cette tradition de l’Oli de Cop, l’huile rouge obtenue par macération solaire du millepertuis dans l’huile d’olive locale. Ce remède familial, autrefois présent dans chaque mas catalan, résiste tant bien que mal à l’oubli et à la modernisation des soins.

Cette préparation ancestrale incarne parfaitement l’art de vivre catalan : patience, respect des cycles naturels et autonomie familiale face aux petits maux du quotidien.

L’origine de cette tradition catalane

Une pratique liée au solstice d’été

La fabrication de l’Oli de Cop s’inscrit dans le calendrier rituel catalan. Le millepertuis se cueille impérativement à la Saint-Jean, moment où cette plante méditerranéenne concentre un maximum de principes actifs. Les anciens du Roussillon savaient que cette date marquait l’apogée des forces végétales, une connaissance transmise oralement de génération en génération.

L’adaptation au terroir catalan

Dans les garrigues du Vallespir et du Conflent, le millepertuis prospère sur les sols rocailleux et calcaires. Cette plante robuste, parfaitement adaptée au climat méditerranéen, développe sous le soleil catalan une concentration exceptionnelle d’hypericine, le principe actif responsable de la couleur rouge caractéristique de l’huile.

Le geste précis qui fait la différence

La cueillette matinale du solstice

Maria Puig sort dès l’aube, quand la rosée perle encore sur les fleurs jaunes. Elle sélectionne uniquement les sommités fleuries, en évitant soigneusement les parties déjà montées en graine. Le secret réside dans le timing : les boutons floraux fraîchement éclos contiennent la concentration optimale de substances actives.

La macération solaire traditionnelle

Les fleurs fraîches sont placées dans un bocal en verre teinté, recouvertes d’huile d’olive vierge du Roussillon dans un rapport d’un volume pour un volume. Le bocal, fermé hermétiquement, est ensuite exposé au plein soleil pendant six semaines complètes. Cette solarisation permet l’extraction naturelle des principes actifs et donne à l’huile sa couleur rouge brique si caractéristique.

Comment nos anciens procédaient

Les secrets de conservation

Dans les mas traditionnels, chaque famille possédait sa technique particulière. Certaines ajoutaient une pincée de sel marin pour ses propriétés antiseptiques, d’autres incorporaient quelques gouttes de vinaigre blanc comme nos ancêtres pour la conservation. L’huile finie était filtrée à travers un linge de lin et conservée dans des bouteilles en verre opaque, à l’abri de la lumière.

Conseil de mamie : « Quan l’oli es torna vermell, la medicina és a punt » – Quand l’huile devient rouge, le remède est prêt. Cette couleur intense témoigne de la réussite de la macération solaire.

Les usages traditionnels

L’Oli de Cop servait principalement contre les brûlures légères, les coups de soleil et les petites plaies. Appliquée en massage doux, cette huile apaisait rapidement les inflammations cutanées. Les femmes l’utilisaient aussi pour apaiser les gerçures dues aux travaux des champs, particulièrement fréquentes lors des longues journées de travail au potager.

L’adapter aujourd’hui dans votre quotidien

Une fabrication respectueuse de l’environnement

Vous pouvez perpétuer cette tradition en respectant quelques règles simples. Récoltez le millepertuis dans des zones non polluées, en prélevant maximum un tiers de chaque plant pour préserver la ressource. Utilisez exclusivement de l’huile d’olive bio locale pour respecter l’authenticité de la recette ancestrale.

Précautions modernes indispensables

Attention à l’effet photosensibilisant de l’huile : ne vous exposez jamais au soleil après application. Cette précaution, que nos anciens connaissaient intuitivement, devient cruciale avec l’intensification du rayonnement solaire. Testez toujours l’huile sur une petite zone avant utilisation, et évitez son usage chez les femmes enceintes.

Cette tradition millénaire du Vallespir mérite d’être préservée et transmise. En perpétuant ce geste simple, vous participez à la sauvegarde d’un patrimoine immatériel catalan unique. Comme le disait Maria Puig : « Cada got d’oli és una memòria que no cal perdre » – Chaque goutte d’huile est une mémoire qu’il ne faut pas perdre.

L’Oli de Cop représente bien plus qu’un simple remède : il incarne l’autonomie, la patience et le respect des cycles naturels qui caractérisent l’art de vivre catalan authentique. En ces temps où les remèdes naturels retrouvent leurs lettres de noblesse, cette huile rouge du Vallespir nous rappelle que les gestes les plus simples sont souvent les plus précieux.