Le carillon sonne midi quand je pousse la lourde porte de l’église Saint-Assiscle de Trouillas. À l’intérieur, la fraîcheur catalane m’enveloppe tandis qu’un rayon de soleil illumine le retable baroque du XVIIe siècle, classé Monument historique. Ce joyau méconnu des Aspres cache bien plus que son apparence modeste ne le laisse deviner.
Quand l’histoire catalane se révèle dans chaque pierre sculptée
Construite au XIIe siècle sur les fondations d’un édifice plus ancien, cette église témoigne de mille ans d’histoire catalano-française. Sa nef unique, couverte d’une voûte en berceau brisé – rare dans notre région – raconte l’évolution architecturale du Roussillon. Comme cette chapelle de Perpignan cache 3 décors peints superposés depuis la Révolution, Saint-Assiscle révèle ses secrets aux visiteurs attentifs.
Le portail, daté de 1776, cache une anecdote savoureuse que m’a confiée Josep, le sacristain : « Les pierres ont été récupérées de l’ancienne église romane, comme nos ancêtres récupéraient tout ! » Cette tradition de réemploi architectural témoigne de l’ingéniosité catalane face aux contraintes économiques.
Saint Assiscle et Sainte Victoire, martyrs du IVe siècle, protègent Trouillas depuis des siècles. Leur culte, venu d’Espagne via les pèlerins de Saint-Jacques, s’est enraciné ici quand le Roussillon appartenait encore au Royaume de Majorque. D’ailleurs, ce village de 550 habitants cache un château comtal oublié depuis 1047, preuve que notre région regorge de vestiges de cette époque fascinante.
Entre traditions vivantes et modernité assumée : l’âme catalane dévoilée
Chaque premier dimanche d’octobre, l’église s’anime pour la fête patronale. Les Trouillannais sortent leurs plus beaux atours catalans tandis que résonnent les sardanes sur la place du village. Cette année, j’ai eu la chance d’assister à la bénédiction du chasselas, ce raisin de table qui fait la fierté locale depuis le XVIIIe siècle.
Maria, vigneronne de troisième génération, m’explique : « Aquí, la tradició no es mor mai » (Ici, la tradition ne meurt jamais). Ses vignes s’étendent jusqu’aux portes de l’église, créant un paysage où spiritualité et viticulture se mêlent harmonieusement. Le chasselas de Trouillas bénéficie d’une AOC depuis 1997, reconnaissance méritée d’un savoir-faire ancestral.
L’intérieur de l’église révèle cinq retables remarquables, dont celui de Saint Sébastien et du Rosaire. Ces œuvres du XVIIe siècle illustrent la ferveur religieuse catalane, mélange unique de mysticisme ibérique et de raffinement français.
Carnet d’adresses de l’explorateur : mes coups de cœur secrets dans les Aspres
L’église se visite gratuitement toute l’année, mais privilégiez les matinées de semaine pour profiter de la lumière dorée qui traverse les vitraux. Le parking municipal, à deux minutes à pied, facilite l’accès depuis l’avenue du Mas Deu.
Pour une expérience complète, combinez votre visite avec une randonnée dans les Aspres. Le sentier GR36, qui démarre derrière l’église, offre des panoramas saisissants sur le Canigó. En chemin, vous croiserez peut-être des vestiges moins connus, car ce hameau catalan à 24 kilomètres de Perpignan cache des passages secrets de contrebandiers.
Ne manquez pas la cave coopérative Les Vignerons de Trouillas, ouverte du mardi au samedi. Leurs dégustations à 8€ incluent chasselas, rosé des Aspres et un surprenant muscat sec. Réservation conseillée au 04 68 53 32 10.
Guide du voyageur malin : budgets, transports et bonnes adresses testées
Depuis Perpignan (20 km), comptez 25 minutes en voiture via la D612. Les transports en commun restent limités, mais le car régional dessert Trouillas deux fois par jour en semaine.
Côté restauration, Cal Ganxo propose une authentique paella catalane à 18€ (réservation obligatoire le week-end). Leur spécialité ? Les escargots à la catalane, un délice que j’ai découvert par hasard lors de ma première visite.
Budget journée optimisé : 45€ par personne incluant repas, dégustation viticole et essence depuis Perpignan. Pour l’hébergement, l’Hôtel des Aspres à Thuir (8 km) offre un excellent rapport qualité-prix à 65€ la nuit.
Ce que les guides ne vous disent jamais
Le secret que m’a confié Josep le sacristain
Les pierres du mur nord portent des marques de tâcherons médiévaux, signatures discrètes des bâtisseurs d’antan. Cherchez les petites croix gravées près du portail latéral.
Ma découverte totalement inattendue
Le cimetière adjacent abrite la tombe de Jean Rous, résistant catalan méconnu. Son histoire mériterait un roman à elle seule.
Le conseil que je donne à mes proches
Visitez Saint-Assiscle en fin d’après-midi puis montez au belvédère des Aspres pour admirer le coucher de soleil sur la plaine du Roussillon. Un moment d’éternité catalane garanti.
