Quand mon grand-père évoquait ses descentes hivernales vers les sources chaudes de Thuès, je pensais qu’il exagérait. Comment des eaux à 35°C pouvaient-elles jaillir en plein massif du Canigó, même sous la neige ? C’est en 2010, lors d’une formation avec les derniers guides locaux, que j’ai découvert cette pratique unique au monde : le canyoning en eaux thermales naturelles.
Cette descente aquatique défie toutes les règles du sport de montagne traditionnel. Là où les autres canyons ferment dès octobre, celui de Thuès-Entre-Valls ouvre ses portes aux plus frileux, offrant un refuge tiède au cœur de l’hiver pyrénéen.
Aujourd’hui, alors que les thermomètres frôlent les 40°C dans la plaine du Roussillon, cette technique ancestrale d’adaptation aux extrêmes climatiques révèle toute sa modernité. Entre tradition berger et innovation sportive, voici comment nos ancêtres ont façonné le seul canyon thermal d’Europe.
L’origine de cette tradition catalane
Les archives du village de Thuès-Entre-Valls révèlent que dès le XVIIe siècle, les bergers du Conflent utilisaient ces eaux pour réchauffer leurs troupeaux lors des transhumances hivernales. Les sources sulfureuses à 65°C, refroidies à 26°C dans les vasques naturelles, créaient un microclimat salvateur au milieu des gorges escarpées.
Une géologie exceptionnelle forgée par les millénaires
L’eau de ruissellement s’infiltre depuis les sommets du Canigó, voyage pendant douze mille ans à travers les couches rocheuses, descend jusqu’à 4000 mètres de profondeur où elle se réchauffe naturellement, puis remonte par les failles géologiques en conservant sa chaleur. Cette eau thermale unique contient des sulfures, calcium et magnésium qui lui confèrent ses propriétés apaisantes.
De la nécessité berger au loisir moderne
La première descente sportive documentée date de 1997, menée par des spéléologues perpignanais. Mais comme me l’expliquait Maria Soler, bergère de quatrième génération : « Nos familles traversaient déjà ce canyon par nécessité, profitant de cette chaleur naturelle pour nettoyer les brebis malades. »
Le geste précis qui fait la différence
Contrairement au canyoning traditionnel, la technique en eaux chaudes nécessite des adaptations spécifiques développées par les guides locaux depuis vingt-cinq ans.
L’équipement adapté aux températures élevées
Exit les combinaisons épaisses de 7 millimètres ! Ici, une combinaison néoprène de 3 millimètres suffit, permettant une mobilité accrue et évitant la surchauffe corporelle. Les chaussons à semelles souples remplacent les modèles rigides, car l’eau tiède préserve naturellement la sensibilité des pieds sur les roches glissantes.
La lecture des courants thermiques
Romain Pujol, guide diplômé depuis 2005, maîtrise une technique transmise oralement : identifier les veines d’eau les plus chaudes en observant la vapeur matinale et les algues spécifiques qui prospèrent à certaines températures. Cette lecture permet d’optimiser le parcours selon la saison et l’affluence des sources.
Comment nos anciens procédaient
« Conseil de mamie : » « Avant l’immersion, tremper d’abord les poignets dans l’eau chaude pour habituer progressivement la circulation sanguine et éviter le choc thermique, même par grande chaleur extérieure. »
Les bergers d’autrefois appliquaient une progression méthodique héritée de générations d’usage thermal. D’abord, ils testaient la température avec un bâton de noisetier. Puis ils entraient lentement dans les vasques, en commençant par les pieds, remontant progressivement jusqu’aux épaules.
La technique de respiration adaptée
Nos anciens avaient développé un rythme respiratoire spécifique : inspiration lente de quatre secondes au contact de l’eau chaude, rétention de trois secondes, expiration de six secondes. Cette technique prévenait l’hyperventilation liée au contraste thermique et optimisait l’oxygénation lors des passages techniques.
L’adapter aujourd’hui dans votre quotidien
En cette période de canicule, la leçon de Thuès-Entre-Valls s’avère précieuse. La descente peut durer jusqu’à trois heures contre quatre-vingt-dix minutes en canyon traditionnel, offrant un refuge prolongé lors des pics de chaleur estivale.
Timing optimal pour les citadins
Les guides recommandent une pratique entre 14h et 17h, quand les températures extérieures dépassent 35°C. Le contraste thermal procure alors un soulagement maximal, transformant cette activité en véritable climatisation naturelle. L’accès depuis Perpignan ne nécessite qu’une heure de route vers ce refuge montagnard qui défie les 330 jours de soleil de notre côte catalane.
Les bénéfices modernes validés
Contrairement aux bassins de granite du Canigó qui créent de la fraîcheur par évaporation, Thuès offre une immersion active. Les kinésithérapeutes locaux observent des effets positifs sur les articulations et la circulation, particulièrement appréciés après les efforts estivaux intenses.
Cette tradition berger devenue sport thermal illustre parfaitement l’adaptabilité catalane face aux extrêmes climatiques. Alors que d’autres régions subissent la canicule, les Pyrénées-Orientales offrent cette alternative unique, mêlant héritage ancestral et innovation contemporaine.
Comme le pratiquent déjà les jeunes de Thuès-Entre-Valls, pourquoi ne pas intégrer cette technique de rafraîchissement naturel à votre été ? Car nos ancêtres savaient déjà que la montagne catalane recèle les remèdes à tous nos excès modernes, à condition de savoir les chercher dans ses entrailles chaudes et ses eaux salvatrices. Aujourd’hui, cette sagesse millénaire complète parfaitement l’éventail des pratiques aquatiques catalanes, de la montagne à la mer.