L’avion amorce sa descente vers l’aéroport Toussaint Louverture et je sens cette boule au ventre familière. Pas celle de l’excitation du voyageur, mais celle de l’inquiétude profonde. Depuis ma fenêtre, Port-au-Prince s’étend sous un voile de tension palpable, cette capitale caribéenne qui fascine autant qu’elle alarme. En ce juin 2025, la réalité dépasse hélas toutes les mises en garde.
Quand l’histoire bascule : une capitale sous l’emprise de la violence
Port-au-Prince, cette ville de 1,2 million d’habitants fondée par les Français en 1749, vit aujourd’hui ses heures les plus sombres. Les gangs armés contrôlent désormais 85 à 90% du territoire urbain, transformant cette capitale historique en zone de non-droit. Le groupe « Viv Ansanm » a pris les rênes d’une ville où 2 680 personnes ont été tuées entre janvier et mai 2025.
Les ruines de la cathédrale Notre-Dame, écroulée lors du séisme de 2010, semblent aujourd’hui métaphore d’un pays à genoux. Le Musée du Panthéon National Haïtien, qui abritait tant de trésors culturels, reste fermé par intermittence. Même Champ de Mars, ce poumon vert central où se rassemblaient les familles le dimanche, est devenu territoire hostile.
Entre survie et exode : l’âme haïtienne mise à l’épreuve
Ce qui me frappe le plus, c’est cette hospitalité haïtienne qui résiste malgré tout. Dans les rares établissements encore ouverts comme Les Jardins du Mupanah ou le Nh Haiti El Rancho, le personnel continue de sourire, de servir ce délicieux griot mariné qui fait la fierté culinaire locale. Les prix ont explosé : 30 à 70€ le repas dans ces havres ultra-sécurisés.
Le créole haïtien résonne encore dans les rues, mélangé au français administratif, mais les conversations tournent autour de la fuite. 1,3 million de déplacés internes dans le pays, la plupart fuyant cette capitale devenue piège. « Nou pa ka viv konsa ankò » me confie un chauffeur de taxi privé – « nous ne pouvons plus vivre comme ça ».
Carnet d’un reporter en terre interdite : mes observations troublantes
Le marché de Fer, cette merveille architecturale métallique qui vibrait de couleurs et d’odeurs d’épices, reste inaccessible. L’aéroport fonctionne au ralenti, avec des vols limités vers Cap-Haïtien et Les Cayes. Même les hôtels haut de gamme appliquent des tarifs de crise : 150 à 300€ la nuit quand ils acceptent encore des clients.
Pour ceux qui cherchent des alternatives caribéennes plus sécurisées, je recommande vivement cette plage caribéenne aux eaux cristallines de Sainte-Lucie, où 140 espèces de poissons tropicaux évoluent en toute quiétude.
Guide du voyageur solidaire : comment aider sans s’exposer
En tant que journaliste, je dois être clair : aucun séjour touristique n’est recommandé à Port-au-Prince actuellement. Les ambassades, dont celle de France, conseillent l’évacuation immédiate. L’électricité est coupée régulièrement, moins de 37% des hôpitaux fonctionnent normalement.
Si votre cœur penche vers l’aide humanitaire, privilégiez les dons aux ONG reconnues plutôt que le déplacement. Pour satisfaire votre soif d’aventure responsable, tournez-vous vers cette île africaine préservée du tourisme de masse qui accueille seulement 20 000 visiteurs par an dans un cadre authentique et sécurisé.
Ce que les guides ne vous disent jamais
Le secret que m’a confié un diplomate français
Les numéros d’urgence fonctionnent sporadiquement : Ambassade de France +509 2819 2222, mais mieux vaut prévoir une évacuation préventive.
L’erreur de débutant que j’ai faite
Croire qu’on peut « juste passer voir » Port-au-Prince depuis la République Dominicaine. Les frontières sont imprévisibles, le couvre-feu s’impose naturellement dès la tombée de la nuit.
Le détail qui change tout selon les locaux
Le rhum Barbancourt, fierté nationale, reste disponible mais difficile à dénicher. Les habitants préfèrent désormais investir dans cette ville turque avec ses bains ottomans authentiques où 45 lires suffisent pour un moment de paix.
Ma découverte totalement inattendue
Malgré le chaos, l’art haïtien continue de s’exprimer. Des ateliers clandestins produisent encore ces sculptures sur bois qui font la renommée de l’île.
Le conseil que je donne à mes proches
Reportez votre voyage haïtien. Cette terre magnifique mérite mieux que d’être visitée dans la peur. Comme dit le proverbe créole : « Dèyè mòn gen mòn » – derrière les montagnes, il y a d’autres montagnes. L’espoir renaîtra.