19.8 C
Perpignan
mercredi 23 juillet 2025

spot_img
AccueilLifestyleCette brochette de romarin qu'Opoul-Périllos célèbre encore chaque été pour parfumer l'agneau

Cette brochette de romarin qu’Opoul-Périllos célèbre encore chaque été pour parfumer l’agneau

Date:

Dans le petit village d’Opoul-Périllos, niché entre les Corbières et la mer, ma grand-mère Maria tenait encore cette brochette particulière entre ses doigts noueux. Une simple branche de romarin, taillée avec soin, qui allait transformer notre agneau du dimanche en un mets inoubliable. C’était en 1987, et déjà elle me murmurait que cette technique, héritée de son père berger, risquait de disparaître avec elle.

Quarante ans plus tard, chaque mois de mars, ce même village célèbre encore sa fête du romarin. Un événement né il y a dix-huit ans pour préserver justement ces gestes ancestraux que nos aïeux maîtrisaient parfaitement. Car utiliser le romarin comme brochette naturelle ne relève pas du hasard : c’est un art culinaire catalan millénaire.

Aujourd’hui, quand je vois les flammes lécher ces branches odorantes et la viande s’imprégner lentement de ces parfums sauvages, je comprends pourquoi nos anciens ne juraient que par cette méthode. Le romarin d’Opoul-Périllos raconte une histoire, celle d’un terroir et d’un savoir-faire qui refuse de mourir.

L’origine de cette tradition catalane

Cette technique remonte aux bergers transhumants du Conflent et des Aspres, qui montaient chaque été vers les cortals d’altitude. Sans ustensiles sophistiqués, ils utilisaient ce que la garrigue leur offrait généreusement : des branches de romarin sauvage suffisamment robustes pour tenir la viande.

Une adaptation pastorale ingénieuse

Le choix du romarin n’était pas fortuit. Cette plante méditerranéenne, omniprésente sur les sols calcaires des Corbières, possède une structure ligneuse parfaite pour résister au feu. Ses branches, d’un diamètre d’au moins trois centimètres, ne se brisent pas sous la chaleur et libèrent leurs huiles essentielles progressivement.

L’héritage des feux de la Saint-Jean

Cette pratique s’inscrit dans la tradition catalane des feux rituels. Comme pour la fête de l’oignon rouge, ces célébrations communautaires perpétuent des gestes millénaires. Le feu, élément central de la culture catalane, transforme le romarin en véritable exhausteur de goût naturel.

Le geste précis qui fait la différence

Préparer une brochette de romarin demande technique et patience. Nos anciens respectaient un protocole précis, transmis oralement de génération en génération.

La sélection des branches

Il faut choisir des rameaux de l’année, encore flexibles mais déjà lignifiés. La période idéale s’étend de mars à mai, quand la sève monte et que les huiles essentielles atteignent leur concentration maximale. Les branches doivent mesurer entre vingt-cinq et trente centimètres, avec un diamètre minimal de trois centimètres à la base.

La préparation minutieuse

Avant utilisation, il faut gratter délicatement l’écorce à chaque extrémité pour faciliter l’insertion dans la viande. Un trempage de quinze minutes dans l’eau froide assouplit le bois et évite qu’il ne se fende au contact de la flamme. Cette étape, souvent négligée aujourd’hui, garantit pourtant le succès de la cuisson.

Comment nos anciens procédaient

Dans les mas du Roussillon, cette technique suivait un rituel immuable, synchronisé avec les saisons et les disponibilités locales.

Le choix du combustible

Nos aïeux utilisaient exclusivement du bois de chêne vert ou de romarin sec pour alimenter leurs braseros. Ces essences, brûlant lentement, maintiennent une température constante entre 200 et 250 degrés. À cette chaleur, les composés aromatiques du romarin – carnosol et acide rosmarinique – se volatilisent et pénètrent la chair de l’agneau.

Conseil de mamie : « Pour que l’agneau s’imprègne bien, il faut compter vingt minutes de cuisson par face, en retournant la brochette toutes les cinq minutes. Le romarin doit grésiller sans flamber. »

L’accompagnement traditionnel

Cette viande parfumée s’accompagnait naturellement des légumes des mas, grillés sur les mêmes braises. Tomates, poivrons et aubergines bénéficiaient ainsi des mêmes arômes herbacés, créant une harmonie gustative parfaitement méditerranéenne.

L’adapter aujourd’hui dans votre quotidien

Cette technique ancestrale s’adapte parfaitement aux barbecues modernes, à condition de respecter quelques principes fondamentaux.

Sur barbecue à gaz

Réglez la température sur moyen-fort et placez les brochettes sur la grille préchauffée. Le temps de cuisson reste identique, mais surveillez attentivement pour éviter que le romarin ne carbonise trop rapidement. Un plateau d’eau sous les grilles maintient l’humidité nécessaire.

En cuisine d’intérieur

Une plancha ou une poêle en fonte reproduisent fidèlement cette cuisson. Comme pour les herbes aromatiques traditionnelles, veillez à maintenir une ventilation suffisante pour évacuer les fumées parfumées mais intenses.

Aujourd’hui, à Opoul-Périllos, la fête du romarin attire chaque printemps des familles entières venues redécouvrir ces gestes oubliés. Les enfants apprennent à tailler leurs premières brochettes sous l’œil bienveillant des anciens, perpétuant ainsi une tradition culinaire authentiquement catalane.

Car au-delà de la simple technique, cette brochette de romarin incarne l’art de vivre méditerranéen : simplicité, respect du produit et convivialité. Un héritage précieux que nous nous devons de transmettre à notre tour.