Le vent de tramontane souffle en rafales ce matin-là quand j’atteins enfin le Cap Béar, après avoir marché 2,5 kilomètres depuis le parking de Paulilles. Mes chaussures crissent sur les rochers de schiste rouge qui donnent son nom à cette Côte Vermeille, et devant moi se dresse ce phare mythique, témoin silencieux de plus d’un siècle d’histoire maritime. « Aquí és on el Pirineu es barreja amb la mar » – c’est ici que les Pyrénées se mélangent à la mer, comme le disent si justement les anciens de Port-Vendres.
Quand l’histoire maritime révèle ses secrets les mieux gardés
Construit en 1905, le phare du Cap Béar cache une particularité que peu de guides mentionnent : ses 27 mètres de hauteur en font certes un géant, mais c’est son système d’éclairage unique qui fascine. Trois éclats blancs successifs toutes les 15 secondes, portée de 30 milles marins – un rythme que les marins Catalans reconnaissent entre mille. Classé monument historique en 2012, il garde jalousement les traces de l’époque où Alfred Nobel faisait exploser sa dynamite dans l’usine de Paulilles, juste en contrebas.
Les fortifications qui parsèment les alentours racontent une autre histoire, celle des conflits qui ont façonné cette frontière. D’ailleurs, la région regorge de vestiges militaires fascinants, comme ce fort pyrénéen à 709 mètres qui cache un escalier souterrain de 765 marches, témoignage saisissant de l’ingéniosité défensive locale.
Entre terre et mer : l’âme catalane dans toute sa splendeur
Ce qui me fascine au Cap Béar, c’est cette alliance parfaite entre vignobles en terrasses et horizon méditerranéen. Les ceps de Grenache et de Syrah s’accrochent aux pentes abruptes, produisant ces vins de Collioure au caractère si particulier. En automne, quand les vendanges battent leur plein, l’odeur de raisin mûr se mélange aux embruns salés – un parfum que seule la Côte Vermeille sait offrir.
Les pêcheurs de Port-Vendres, que je croise au petit matin, perpétuent des gestes ancestraux. Leurs barques colorées, les « pointus » traditionnels, ramènent langoustes et daurades que l’on retrouve le soir même sur les étals du marché. Pour les amateurs de panoramas exceptionnels, sachez que la région cache d’autres trésors, notamment ce belvédère secret à 500 mètres qui révèle un panorama sur le Canigou.
Carnet d’adresses de l’explorateur : mes coups de cœur authentiques
L’accès au Cap Béar nécessite un petit effort physique depuis la fermeture de la route au trafic – et c’est tant mieux ! Cette marche de 45 minutes aller-retour filtre les touristes pressés et préserve la magie du lieu. Partez tôt le matin ou en fin d’après-midi pour éviter la chaleur et profiter des meilleures conditions photographiques.
Mon spot secret pour le coucher de soleil ? Les rochers plats à 200 mètres au sud du phare, où les instagrameuses n’ont pas encore débarqué. De là, quand le soleil embrase la mer, vous comprendrez pourquoi Matisse et Derain sont tombés amoureux de cette lumière si particulière. L’histoire locale regorge d’ailleurs de cachettes surprenantes, comme ce hameau catalan à 24 kilomètres de Perpignan qui cache des passages secrets de contrebandiers.
Guide du voyageur malin : budgets et astuces d’insider testés
Côté budget, comptez une journée complète pour savourer pleinement l’expérience. Le parking de Paulilles est gratuit, mais arrive tôt en été – dès 8h30 – car les places partent vite. Pour le déjeuner, je recommande les pique-niques face à la mer avec les produits du marché de Port-Vendres : 15-20€ pour deux personnes et des saveurs incomparables.
Question hébergement, les chambres d’hôtes de Collioure offrent le meilleur rapport qualité-prix : 80-120€ la nuit selon la saison, avec vue sur mer pour certaines. Évitez absolument les week-ends de juillet-août si vous cherchez la tranquillité.
Ce que les guides ne vous disent jamais
Le secret que m’a confié Marcel, le dernier gardien
Avant l’automatisation en 1990, Marcel a vécu 25 ans dans ce phare. Il m’a révélé l’existence d’un carnet de bord manuscrit, caché dans une niche du mur nord, où trois générations de gardiens ont consigné leurs observations météo et leurs anecdotes de mer.
L’erreur de débutant que j’ai faite
Ne partez jamais sans eau et protection solaire ! Le vent constant donne une fausse impression de fraîcheur, mais le soleil tape fort sur ces rochers nus. J’ai appris cette leçon à mes dépens lors de ma première visite.
Le détail qui change tout selon les Catalans
Les meilleures conditions de visite ? Quand souffle la tramontane du nord-ouest. Elle chasse les nuages, révèle des couleurs d’une pureté saisissante et permet de distinguer les sommets pyrénéens jusqu’au Canigou. Un spectacle que seuls connaissent les habitants de la région.