Ce matin-là, en poussant la grille discrète de la rue de la Miranda, j’ai eu l’impression de pénétrer dans un secret bien gardé de Perpignan. Le Jardin de la Miranda, perché sur l’ancien bastion Saint-Jacques, m’offrait un panorama saisissant sur les toits de tuiles catalanes et les contreforts pyrénéens. « Aquí hi ha una vista que et roba el cor », comme dirait Elena, ma femme : ici, il y a une vue qui vous vole le cœur.
Ce petit éden méditerranéen, ouvert de juin à septembre uniquement, révèle l’une des pages les plus fascinantes de l’histoire perpignanaise. Rares sont les bastions de Vauban si bien préservés dans le sud de la France.
Quand les pierres racontent cinq siècles d’histoire catalane
Le bastion Saint-Jacques sur lequel repose ce jardin secret a connu trois vies distinctes. Construit au XVIe siècle par l’ingénieur Giovanni Battista Calvi sous Charles Quint, il fut agrandi par Vauban à la fin du XVIIe siècle. Contrairement à ses frères détruits lors de l’expansion urbaine, ce témoin de pierre a survécu pour devenir en 1961-1962 ce jardin suspendu unique.
J’ai découvert dans la salle souterraine des vestiges troublants : des inscriptions de soldats, des traces de poudre à canon incrustées dans la pierre. Le gardien, un passionné local, m’a confié que des fouilles récentes avaient révélé des pièces de monnaie catalanes du XIVe siècle. L’endroit où nous nous trouvions était autrefois un point stratégique de surveillance vers ce mémorial catalan discret.
Le quartier Saint-Jacques qui entoure le jardin garde l’âme de ce quartier authentique devenu viral pour ses ruelles pavées et ses façades colorées. Ici vécurent les hortolans, ces jardiniers perpignanais qui cultivaient déjà au XIIIe siècle les terrasses de la ville.
Entre essences méditerranéennes et monuments cachés : l’âme catalane préservée
Le jardin déploie ses essences de garrigue dans un écrin de pierre blonde. Pins parasols, cyprès, aloès et citronniers composent une palette végétale parfaitement adaptée au climat roussillonnais. En juin, l’odeur de lavande sauvage embaume les allées ombragées.
Deux trésors m’ont particulièrement marqué : le monument en pierre de Montserrat dédié au poète catalan Jacint Verdaguer et les bas-reliefs de Fernand Delfau, initialement destinés à un chemin de croix inachevé. Ces œuvres témoignent de la permanence de l’identité catalane en terre française.
Depuis le belvédère naturel, la vue porte jusqu’au hameau de Château-Roussillon. Par temps clair, on devine même les crêtes du Canigou. Cette perspective rappelle ces belvédères secrets qui offrent des panoramas méconnus des guides.
Guide du visiteur initié : accès, tarifs et expérience authentique
L’accès au jardin s’effectue exclusivement par visites organisées via l’Office de Tourisme de Perpignan. Comptez 30 à 45 minutes pour explorer sereinement les différents niveaux du site. Les visites sont gratuites mais sur réservation obligatoire.
Mon conseil d’ami : privilégiez les créneaux matinaux de 9h-10h pour profiter de la lumière dorée sur les remparts et éviter la chaleur estivale. Munissez-vous de chaussures confortables car les escaliers de pierre peuvent être glissants.
Pour le stationnement, le quartier Saint-Jacques propose plusieurs places gratuites à proximité de l’église. Les transports urbains desservent bien le secteur depuis la gare SNCF.
Ce que les guides ne vous disent jamais
Le secret que m’a confié le jardinier municipal
Les citronniers centenaires du jardin produisent encore des fruits. Certains spécimens auraient été plantés lors de l’aménagement initial en 1962, avec des greffons rapportés de Valence par des exilés républicains espagnols.
L’erreur de débutant que j’ai faite
J’ai d’abord tenté d’accéder au jardin par mes propres moyens. Impossible ! Le site n’est accessible qu’accompagné, pour préserver ce patrimoine fragile classé depuis 1942.
Ma découverte totalement inattendue
Dans les archives municipales, j’ai trouvé une gravure de Louis-Nicolas de Lespinasse des années 1780 immortalisant cette même vue. Le paysage n’a quasiment pas changé en 250 ans ! Cette permanence du regard catalan sur son territoire me fascine toujours autant après vingt ans de reportages dans la région.