L’odeur de pop-corn se mêle aux effluves de café torréfié tandis que je pousse la porte vitrée du Castillet. Cette marquise Art Nouveau qui protège l’entrée depuis 1911 a vu défiler quatre générations de Perpignanais, et aujourd’hui encore, elle abrite l’un des trésors cachés du centre-ville. Quand Elena, ma femme, m’a suggéré d’explorer ce cinéma pour mon prochain « Carnet Secret », j’avoue avoir souri. Un cinéma, vraiment ? Mais parfois, les pépites se cachent là où on ne les attend pas.
Quand l’Art Nouveau rencontre le septième art : une genèse catalane méconnue
L’histoire commence avec Joan Font, un entrepreneur catalan visionnaire qui avait déjà flairé le potentiel du cinéma à Barcelone dès 1906. Cinq ans plus tard, il charge l’architecte Eugène Montès de créer quelque chose d’unique : un véritable temple dédié au cinéma naissant. « El primer cinema de veritat », comme me l’a confié Mercè, l’une des projectionnistes qui connaît chaque recoin du bâtiment.
Les frises polychromes en céramique émaillée qui ornent la façade ne sont pas de simples décorations. Elles racontent l’époque où Perpignan embrassait la modernité, au même titre que ce casino Belle Époque de 1884 au pied du Canigou qui symbolisait les nouveaux loisirs bourgeois. Alexandre Guenot, le sculpteur toulousain qui a modelé ces ornements en ciment moulé, n’imaginait sans doute pas qu’ils traverseraient plus d’un siècle pratiquement intacts.
Ce qui me fascine, c’est que cette salle était révolutionnaire pour l’époque. Pendant que d’autres villes adaptaient d’anciens théâtres, Perpignan s’offrait un cinéma conçu dès l’origine pour le septième art. L’inscription aux Monuments Historiques en 1997 ne fait que confirmer ce que les habitués savent depuis longtemps.
Entre mémoire catalane et programmation audacieuse : l’âme vivante du Castillet
Si vous cherchez à comprendre l’identité catalane côté français, le Castillet est un observatoire privilégié. La programmation alterne habilement blockbusters et cinéma catalan en version originale, créant des ponts culturels entre les deux versants des Pyrénées. J’y ai découvert des pépites du cinéma indépendant que même mes confrères barcelonais m’envient.
Les soirées thématiques organisées ici rivalisent d’originalité. Des rétrospectives Almodóvar aux avant-premières de documentaires sur la culture catalane, chaque mois apporte sa surprise. L’ambiance rappelle ces lieux authentiques comme ces jardins secrets de Perpignan qui cachent 300 ans d’histoire religieuse catalane : des espaces où le temps semble suspendu.
Le bar du cinéma mérite à lui seul le détour. Tenu par Philippe, un passionné qui connaît l’histoire de chaque affiche accrochée aux murs, c’est le lieu idéal pour prolonger les débats après une projection. Prix des consommations raisonnables : comptez 3€ pour un café, 6€ pour une bière locale.
Carnet d’adresses de l’explorateur : mes coups de cœur autour du Boulevard Wilson
Le Castillet bénéficie d’un emplacement stratégique au 1 Boulevard Wilson. Accessible à pied depuis la gare en 15 minutes, il s’inscrit parfaitement dans une balade culturelle du centre historique. Les séances débutent généralement à 14h, 17h et 20h30, avec des tarifs oscillant entre 8€ et 12€ selon les créneaux.
Pour les cinéphiles gourmands, je recommande vivement Cal Pau, à deux rues du cinéma, où la paella catalane rivalise avec celle de Barcelone. Comptez 22€ par personne pour un festin mémorable. Les amateurs de patrimoine pourront prolonger leur visite vers ce château catalan méconnu à 45 minutes de Perpignan pour une immersion complète dans l’histoire régionale.
Côté stationnement, le parking Wilson offre 2h gratuites en début d’après-midi, parfait pour une séance en matinée. Les transports en commun desservent efficacement le quartier avec les lignes 1 et 3 du réseau Sankéo.
Ce que les guides ne vous disent jamais sur cette salle mythique
Le secret que m’a confié Mercè, la projectionniste
Les meilleures places ne sont pas au centre mais légèrement décalées vers la droite, rangée H. La qualité sonore y est optimale grâce à une spécificité architecturale que peu connaissent.
L’erreur de débutant que j’ai faite
Arriver juste avant la séance un vendredi soir. Le Castillet attire les connaisseurs, mieux vaut réserver 24h à l’avance pour les créneaux populaires.
Le détail qui change tout selon les habitués
Les séances de 17h offrent souvent des surprises : bandes-annonces exclusives ou présentation du réalisateur. C’est le créneau privilégié des vrais cinéphiles perpignanais.
Ma découverte totalement inattendue
La marquise d’entrée change de couleur selon l’éclairage naturel. Au coucher du soleil, les reflets créent une féerie que même les photographes professionnels n’arrivent pas toujours à saisir.
Le conseil que je donne à mes proches
Venez un mardi soir pour les tarifs réduits et l’ambiance la plus authentique. C’est là que vous croiserez les vrais passionnés et que l’esprit du Castillet se révèle pleinement.