L’été dernier, en redescendant vers Canet-en-Roussillon après une journée dans les Corbières, j’aperçois cette silhouette médiévale qui trône sur sa butte comme un gardien endormi. « Tiens, voilà bien un château que personne ne regarde jamais », me dis-je. Erreur magistrale ! Ce Château Vicomtal cache des trésors que même les habitués de la côte catalane ignorent. Depuis sa réouverture officielle en juin 2025, j’ai eu l’occasion de le parcourir trois fois, et chaque visite révèle un nouveau secret.
Quand les vicomtes cachaient leurs glaces dans les profondeurs de la terre
Imaginez un peu : nous sommes en 1688, et voilà qu’on creuse un puits à glace souterrain au pied de la grande tour. Pas n’importe lequel, mais probablement le mieux conservé de tout le Roussillon ! Cette merveille cylindrique servait à stocker la neige compactée toute l’année, transformée en glace pour les besoins médicaux et le confort des seigneurs. Un luxe inouï pour l’époque, que j’ai eu la chance de découvrir lors d’une visite privée avec le gardien du site.
Ce château, mentionné dès 1050, fut le cœur battant d’une puissante vicomté. Les murailles de 6 mètres de haut et leurs 14 tours originelles protégeaient la route stratégique vers Perpignan. D’ailleurs, ces fortifications s’inscrivaient dans un réseau défensif complexe qui reliait jusqu’au Castillet de Perpignan, créant une véritable toile d’araignée militaire médiévale.
L’anecdote qui m’a le plus marqué ? En 1343, Pierre IV d’Aragon assiège le château pendant des semaines. Les défenseurs résistent grâce à leurs réserves d’eau souterraines et leurs fours à pain intégrés aux murailles. Un système d’autonomie remarquable que révèlent aujourd’hui les fouilles archéologiques.
Entre histoire vivante et panoramas à couper le souffle depuis la butte
Ce qui frappe d’abord, c’est cette vue panoramique exceptionnelle depuis la butte. Par temps clair, on distingue les Pyrénées d’un côté, la Méditerranée de l’autre, et cette plaine du Roussillon qui s’étend comme un tapis vert parsemé de vignobles. L’église romane Saint-Martin attenante, avec son toit partiellement effondré, raconte à elle seule l’évolution architecturale du XIe au XIVe siècle.
Les habitants de Canet que j’ai rencontrés parlent de leur château avec une fierté discrète. « Aquí tenim història a casa » (ici nous avons l’histoire chez nous), m’a confié Maria, guide bénévole de l’association locale. Elle m’a raconté comment, après la Révolution, les villageois ont utilisé les pierres du château comme carrière personnelle, sauvant paradoxalement certains éléments en les intégrant dans leurs maisons.
Le site s’inscrit parfaitement dans ce réseau de fortifications catalanes qui communiquaient entre elles. Ces systèmes de communication médiévaux secrets permettaient une surveillance territoriale remarquable, dont le château de Canet était un maillon essentiel.
Carnet d’adresses de l’explorateur : mes coups de cœur autour du château
La visite se fait librement et gratuitement depuis juin 2025, avec un parking facile dans le centre-ville. Comptez 1h30 de découverte tranquille pour tout voir, y compris le fameux puits à glace. Les panneaux explicatifs récemment installés racontent l’histoire avec passion, et les sentiers sont bien balisés.
Mon secret photo Instagram ? Montez tôt le matin ou en fin d’après-midi, quand la lumière dorée sublime les pierres de galets et que l’ombre des tours dessine des formes mystérieuses sur les murailles. L’étang de Canet, site Natura 2000 tout proche, offre un cadre naturel exceptionnel pour prolonger la balade.
Pour manger après la visite, fuyez les pièges à touristes du front de mer. Rendez-vous plutôt dans les bistrots du centre-ville historique, près de la place centrale. Budget repas : comptez 15-25€ pour une cuisine catalane authentique. Les marchés locaux regorgent de produits du terroir, parfaits pour un pique-nique sur la butte.
Guide du voyageur malin : ce que l’office de tourisme ne vous dira pas
L’astuce transport ? Venez en train jusqu’à Perpignan, puis bus jusqu’à Canet. Évitez juillet-août si vous cherchez la tranquillité, préférez mai-juin ou septembre-octobre quand la tramontane souffle moins fort et que la lumière est plus douce.
Le château se découvre parfaitement en demi-journée, mais je recommande une journée complète pour explorer aussi la vieille ville, le port de pêche et les sentiers nature autour de l’étang. Certains domaines viticoles environnants proposent des dégustations, attention à ne pas confondre avec le Château Canet viticole du XIXe siècle situé à quelques kilomètres.
Ce que les guides ne vous disent jamais
Le secret que m’a confié le gardien
Les galeries souterraines du château communiquent probablement avec d’autres sites de la région. Comme d’autres fortifications régionales cachent des réseaux souterrains étendus, des investigations archéologiques sont prévues pour 2026.
L’erreur de débutant que j’ai faite
Ne venez pas en sandales ! Le terrain est irrégulier et certaines zones du château nécessitent de bonnes chaussures. Prévoyez aussi de l’eau, surtout l’été.
Ma découverte totalement inattendue
Les reconstitutions médiévales organisées ponctuellement par l’association « Amis du Vieux Canet » transforment complètement l’atmosphère du lieu. Renseignez-vous auprès de l’office de tourisme pour les dates.
Ce château vicomtal, modeste en taille mais immense en histoire, mérite définitivement le détour. Entre son puits à glace unique, ses panoramas époustouflants et son atmosphère préservée, il incarne parfaitement cette Catalogne française qui sait préserver ses trésors loin des foules. Une parenthèse médiévale authentique à 30 minutes de Perpignan, qui révèle ses secrets à ceux qui prennent le temps de l’écouter.
