Argelès-sur-Mer : la Lettre ouverte de Christophe Riti à Carole Delga

Argelès-sur-Mer : la Lettre ouverte de Christophe Riti à Carole Delga

La Lettre ouverte touchante de Christophe Riti adressée à la présidente de la Région Occitanie, Carole Delga, au préfet des P-O, Philippe Chopin…

« Mesdames, Messieurs,

Je suis né voici 39 ans. La première image que l’on a, est celle d’un bébé criant dès sa naissance. En ce qui me concerne j’ai fait une frayeur à mes parents en m’abstenant de pleurer. Précisons que l’équipe médicale a tardé à arriver ; maman a commencé à me mettre au monde seule. Mon entrée dans la vie a été un peu rude. J’ai subi une réanimation musclée, un séjour prolongé en couveuse… Mon carma se présentait mal et puis contre toute attente les médecins m’ont rendu à mes parents en affirmant qu’il n’y aurait aucune séquelle. Quel soulagement pour eux.

Le répit a été de courte durée. A mon corps défendant, je me suis acharné à leur mener la vie dure. Pour le coup maintenant, je pleurais sans cesse, jour et nuit. De quoi leur faire regretter d’avoir fait un enfant.
Devant l’incompréhension de mon pédiatre qui affirmait envers et contre tout que tout allait pour le mieux, mes parents ont consulté un professeur dans un hôpital à Paris et là… cela a été pour eux un coup de massue sur la tête, il ne s’agissait plus d’un retard d’évolution mais bel et bien d’un handicap. Le tout dit sans aucun ménagement. Mon sort était scellé, je serai donc handicapé…

« Étrangement », mes parents ont appris peu de temps après que l’hôpital où je suis né, a « malencontreusement égaré » mon dossier médical.

Et la vie continue, non sans mal. L’Éducation Nationale ne voulait pas de moi, heureusement mes deux anges gardiens (mes parents) avaient déjà appris deux ou trois choses. A savoir que rien ne serait simple et qu’il leur faudrait enfoncer des portes bien des fois ; le sens propre rattrapant quelques fois le sens figuré (30 ans après, un inspecteur d’académie du 89 doit s’en souvenir encore…). Rien ne les a arrêtés ; sans eux, je n’en serais pas où j’en suis maintenant ; ils peuvent être fiers du résultat.

Aujourd’hui, malgré mes 80% d’invalidité, je suis diplômé d’un BTS informatique (Bac+2) et d’un Master de mécanique (Bac+5). Je vis seul, j’ai simplement une aide ménagère deux heures par jour. Je pratique le sport : voile, surf, escalade, spéléo, saut en parachute… comme le commun des mortels ! Rien ne m’arrête… ou presque…

Maintenant je suis autonome, mes parents m’ont transmis leur force de caractère indispensable pour continuer à avancer. Cependant le constat reste toujours le même la société a oublié les personnes comme moi, se déplaçant en fauteuil roulant. Prendre le bus en bas de chez moi m’est impossible. Soyons clair, ce n’est pas mon handicap qui m’empêche de prendre le bus, une rampe suffirait ; c’est un problème purement matériel. Employons les mots justes, c’est de la discrimination.

Le pourquoi de cette lettre ouverte ? Un article dans « Le journal de ma région » (daté de juin-juillet 2018) et un courrier envoyé à Madame Carole DELGA, présidente de la Région Occitanie/ Pyrénées-Méditerranée, le 22 juillet 2018, resté à ce jour sans réponse. Le gros titre de ce numéro du « Journal de ma région » était « La région crée LiO pour vous simplifier la vie ». Une photo grand format de ces nouveaux bus illustrait ce titre ; on y voit distinctement le logo bleu GIC signifiant l’accessibilité aux fauteuils roulants. Depuis cet article, je surveille le fameux symbole bleu, sur les bus qui passent, je n’en ai pas vu un seul ; à croire qu’un autocollant a été posé pour la photo du journal ! Chère Madame DELGA, vous n’auriez pas osé faire ça, n’est-ce pas ?!

Effectivement, ces bus existent mais je sais de source sûre, Madame DELGA, qu’ils sont inexistants dans le département des Pyrénées-Orientales (le projet est tout juste rédigé !). Plutôt bon élève à l’école, je l’avoue, j’étais médiocre en géographie ; j’ai quand même retenu qu’une région regroupait plusieurs départements ! A ma connaissance, les Pyrénées-Orientales font bien partie de notre magnifique région l’Occitanie ? Ou bien cela a-t-il encore changé ! Les P-O ont été exclus de la Région Occitanie/ Pyrénées-Méditerranée juste pour cet article alors !

Pardonnez-moi cette note d’humour ! Reprenons sérieusement, j’ai apprécié votre rubrique question/réponse intitulée « La Région à l’écoute des citoyen-ne-s d’Occitanie » dans l’édition de mars/avril du « Journal de ma Région »… bien qu’un peu déçu de ne pas y voir mon nom. Vous m’auriez probablement informé que des services de transport pour personnes handicapées existent ; une confidence de vous à moi : je les connais ! Le service de substitution proposé par le Département des Pyrénées Orientales est beaucoup trop rigide, il faut réserver au minimum deux semaines à l’avance (quand on ne vous raccroche pas au nez parce que l’élocution n’est pas parfaite).; la spontanéité est tout simplement impossible ! Et malgré ce long délai, il arrive encore que pour le jour choisi tous les véhicules soient déjà monopolisés.

De plus inutile de vous dire qu’en cas d’imprévu après 17h, impossible de joindre le Conseil Départemental (ex Conseil Général) ! Pour le coup, impossible de prendre le prochain bus, puisque l’on nous fait réserver un transport unique ! Par ce service, les personnes handicapées sont également limités géographiquement ; impossible pour moi, au départ d’Argelès-sur-Mer, de me faire déposer à Leucate par exemple (où j’aimerais rejoindre la base nautique).

« Je ne demande pourtant pas la lune », je souhaite juste pouvoir utiliser les transports comme tout un chacun ! Je ne l’invente pas, ce sont vos propres mots : « Égalité des citoyens et des territoires » (toujours publié dans « Le journal de ma Région » N°16, dont vous êtes la responsable de la rédaction, en page 3). Je ne comprends pas que l’on demande à des personnes handicapées pour lesquelles la moindre action requiert une énergie décuplée, davantage d’anticipation et d’organisation qu’à une personne valide ; c’est une aberration !

Personnellement, habitant à Argelès Sur Mer, je me sens condamné à rester dans un rayon autour de mon domicile ; enchainé à mon logement, tel un bagnard à son boulet. Si seulement, avec mon fauteuil roulant, je pouvais prendre le train en gare d’Argelès Sur Mer, vous pourriez me dire que je ne suis pas aussi isolé que ça ! Récemment, un journaliste du site d’information Ouillade.eu (le 19 mars dernier) vous le rappelait, prendre le train à Argelès-sur-Mer, lorsque l’on est fauteuil roulant, est impossible. Il rajoutait malgré « qu’une Catalane soit présente dans les Gouvernements VALLS successifs, une certaine Ségolène NEUVILLE pour ne pas la nommer, qui fut donc secrétaire d’Etat en charge des Personnes handicapés et de la Lutte contre l’Exclusion, mais elle n’a rien fait pour la deuxième gare des Pyrénées-Orientales. R.I.E.N. Nada. Que dalle ! » Je suis bel et bien limité au périmètre de ce petit et si beau village, ce n’est pas le cas de mes compatriotes valides de la commune. Quelle injustice. Mais quel crime ai-je donc commis pour écoper d’une si lourde peine ?

Mesdames, Messieurs, mon cas n’est pas isolé ! Je ne suis pas la seule personne en fauteuil roulant, en France, confrontée à cette problématique. J’ai la chance par cette Lettre ouverte de pouvoir exposer simplement les faits ; toutes les personnes dans ma situation n’ont pas forcément la possibilité ou l’énergie de rédiger un tel courrier, il ne faut pas les oublier pour autant. « Liberté, Egalité, Fraternité », devise de notre République ; nous ne demandons pas mieux ».

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