Quand j’étais enfant, chaque fin juin, mon grand-père sortait son carnet noir où étaient notées toutes les dates des fêtes de village. « Il faut que chaque commune ait sa place dans l’été », répétait-il en tant que maire adjoint. Cette coordination minutieuse entre les villages catalans du Roussillon n’est pas le fruit du hasard.
Aujourd’hui encore, huit villages du département se concertent pour organiser leurs festivités estivales sans se faire concurrence. Cette logistique complexe révèle un savoir-faire collectif unique, hérité de générations de bénévoles qui ont compris qu’un été catalan réussi se construit ensemble.
De Canet-en-Roussillon à Prats-de-Mollo, cette coordination transforme l’été en véritable ballet festif où chaque commune joue sa partition au bon moment.
L’origine de cette tradition catalane
Un système né de la nécessité économique
Cette coordination remonte aux années 1960, quand les villages ont réalisé qu’organiser leurs fêtes aux mêmes dates nuisait à leur fréquentation. Les anciens racontent que les maires se réunissaient chaque février pour se répartir les weekends d’été, carnet en main.
L’évolution vers un réseau solidaire
Au fil des décennies, cette simple répartition calendaire s’est muée en véritable entraide. Les villages partagent désormais matériel, contacts d’artistes et même bénévoles selon leurs besoins spécifiques.
Le geste précis qui fait la différence
La réunion de coordination hivernale
Chaque janvier, les présidents des comités des fêtes se retrouvent pour établir le calendrier estival. Ils utilisent un tableau partagé où chaque village réserve ses créneaux selon ses traditions : Canet-en-Roussillon privilégie juillet avec ses marchés nocturnes du front de mer tous les vendredis, tandis que Prats-de-Mollo conserve sa semaine fin juillet-début août.
Le système de rotation des animations
Les musiciens et artistes locaux suivent un circuit établi entre les villages. Cette rotation permet aux familles de profiter de spectacles variés tout l’été sans répétition, et aux artistes d’optimiser leurs tournées régionales.
Comment nos anciens procédaient
Le carnet du maire
« Mon père notait tout dans son petit carnet : qui prêtait quoi, quelles dates étaient libres, quel groupe jouait où », se souvient Maria Puig, fille d’ancien maire d’Arles-sur-Tech. Cette tradition du carnet manuscrit perdure, même si certains villages utilisent désormais des tableurs partagés.
L’entraide matérielle ancestrale
Dès les années 1970, les villages s’échangeaient barnums, systèmes de sonorisation et même tables. Cette mutualisation permettait aux plus petites communes d’organiser des événements d’ampleur sans investissements prohibitifs.
L’adapter aujourd’hui dans votre quotidien
Les innovations post-COVID
Depuis 2021, les villages ont adapté leur coordination aux nouvelles contraintes. Canet-en-Roussillon a développé ses expositions longue durée comme « Cuisine et Descendance » de juin à novembre 2025, permettant d’étaler l’affluence touristique.
La digitalisation de la coordination
Un groupe WhatsApp réunit désormais tous les organisateurs pour partager en temps réel disponibilités d’équipements, annulations de dernière minute ou opportunités d’animations. Cette modernisation respecte l’esprit solidaire traditionnel tout en gagnant en réactivité.
Cette coordination estivale illustre parfaitement l’art de vivre catalan : privilégier le collectif sans perdre son identité locale. Chaque village garde ses spécificités – les concerts de Cali à Canet, les performances artistiques à Prats-de-Mollo – tout en s’inscrivant dans une dynamique territoriale commune.
Si vous organisez un événement local, inspirez-vous de cette méthode catalane : concertez-vous avec vos voisins, partagez vos ressources, et créez ensemble un été mémorable pour tous. Car comme le disaient nos anciens, la fête n’est belle que si elle profite à tout le territoire.