Dans le jardin de ma voisine à Céret, j’ai découvert une pastèque étrange. Blanche, volumineuse, elle trônait entre les tomates cerises. « C’est une gigérine, me dit-elle, ma grand-mère en faisait de la confiture. » Cette variété oubliée révèle l’une des traditions culinaires les plus méconnues du Vallespir.
Quelques familles perpétuent encore cette culture ancestrale dans nos villages. La gigérine, ou pastèque à confiture, témoigne d’un savoir-faire transmis de génération en génération. Son histoire mérite d’être racontée.
Car derrière cette chair blanche se cache une technique précise, des gestes millénaires et une patience que seuls nos anciens possédaient encore.
L’origine de cette tradition catalane
Une arrivée depuis l’Espagne au 16e siècle
La gigérine traverse les Pyrénées avec les marchands catalans. Cette variété de Citrullus lanatus s’adapte parfaitement au climat méditerranéen du Roussillon. Les mas l’adoptent rapidement pour enrichir les provisions d’hiver.
Un fruit exclusivement destiné à la transformation
Contrairement aux pastèques sucrées, la gigérine ne se consomme jamais crue. Sa chair ferme et fade nécessite une cuisson lente avec du sucre. Cette spécificité en fait un produit unique du terroir catalan.
Le geste précis qui fait la différence
L’épépinage artisanal traditionnel
Nos grand-mères maîtrisaient cette étape cruciale. Elles coupaient le fruit en tranches épaisses, évidaient délicatement la zone centrale remplie de pépins noirs. Cette opération demande une demi-heure par fruit de cinq kilos. Un travail minutieux que peu acceptent aujourd’hui.
La découpe en cubes réguliers
Une fois épépinée, la chair se débite en cubes de deux centimètres. Cette taille garantit une cuisson homogène et une texture parfaite pour la confiture. Les anciens respectaient scrupuleusement cette proportion.
Comment nos anciens procédaient
La macération de vingt-quatre heures
Après découpe, la chair macère une journée entière avec le sucre. Les proportions traditionnelles : un kilo de gigérine pour cinq cents grammes de sucre. Cette étape permet aux arômes de se développer naturellement.
Conseil de mamie : « Ajoute toujours le zeste d’un citron dans la macération, il rehausse le goût fade de la chair blanche. »
La double cuisson à feu doux
Le lendemain, première cuisson de vingt minutes. Les cubes ramollissent sans se défaire. Après refroidissement, seconde cuisson jusqu’à épaississement. La confiture prend alors sa couleur ambrée caractéristique.
L’adapter aujourd’hui dans votre quotidien
Cultiver la gigérine dans votre jardin
Semez en avril sous abri, repiquez après les Saints de glace. Cette plante coureuse nécessite quatre mètres carrés minimum. L’irrigation régulière reste indispensable durant la croissance estivale.
Moderniser la préparation traditionnelle
Un robot ménager facilite l’épépinage fastidieux. Comme pour les aubergines violettes de Céret, adaptez les techniques ancestrales aux outils contemporains sans perdre l’authenticité.
La gigérine révèle la richesse de notre patrimoine culinaire catalan. Cette tradition fragile mérite d’être sauvegardée. À l’image des techniques de culture des melons du Roussillon, perpétuons ces savoir-faire uniques.
Osez planter quelques graines cette saison. Vos enfants découvriront cette confiture d’exception, témoignage vivant de l’ingéniosité de nos anciens face aux ressources de leur terroir.
Vos questions sur la gigérine
Où trouver des graines de gigérine traditionnelle ?
Contactez les associations de sauvegarde des semences catalanes ou échangez avec les derniers producteurs du Vallespir. Certains grainetiers spécialisés proposent cette variété ancienne.
Quand récolter les gigérines ?
Fin août à mi-septembre, selon l’altitude. Le fruit sonne creux quand on le frappe et la queue se dessèche naturellement.
Peut-on congeler la chair préparée ?
Oui, après épépinage et découpe. La congélation facilite même la macération ultérieure en brisant les fibres de la chair.
Combien de temps se conserve la confiture de gigérine ?
Dans des bocaux stérilisés, elle se garde deux années minimum. Sa forte teneur en sucre assure une excellente conservation naturelle.
La gigérine peut-elle remplacer d’autres fruits dans les confitures ?
Non, sa texture unique et son goût neutre en font un produit spécifique. Elle se marie cependant parfaitement avec les pommes ou les coings dans des mélanges originaux.