La tramontane souffle encore dans mes cheveux quand j’écris ces lignes, trois jours après ma dernière montée vers le Château d’Ultréra. Cette forteresse fantôme perchée à 571 mètres d’altitude dans le massif des Albères continue de me hanter par sa beauté sauvage et ses secrets bien gardés. Quand Elena m’a accompagné pour la première fois sur ce piton rocheux dominant Sorède, elle a murmuré en catalan : « Aquí el temps s’ha aturat » – ici, le temps s’est arrêté. Elle avait raison.
Quand les vautours régnaient sur les Albères : l’histoire méconnue d’Ultréra
Peu de visiteurs connaissent l’origine fascinante du nom « Ultréra », déformation du latin Castrum Vulturarium – le château des vautours. Au Ve siècle, les Wisigoths avaient déjà compris l’avantage stratégique de ce nid d’aigle naturel. Mais c’est au XIe siècle que le château médiéval prend vraiment forme, devenant un maillon essentiel du système défensif catalan.
L’ironie de l’histoire veut que ce soit une femme, Jeanne de Vilaplane, seigneuresse de Sorède, qui ordonne sa destruction en 1675. Après le Traité des Pyrénées de 1659, elle préfère raser son propre château plutôt que de le voir utilisé par d’éventuels résistants pro-espagnols. Un geste radical qui explique pourquoi nous ne contemplons aujourd’hui que des ruines majestueuses, témoins silencieux de cette page dramatique de l’histoire catalane. Cette région regorge d’autres témoins du passé, comme cette abbaye cistercienne du XIIIe siècle qui cache un trésor médiéval dans les Albères catalanes.
L’ascension initiatique : entre effort et révélation panoramique
Depuis le village de Sorède, comptez 2h30 d’ascension par un sentier rocailleux qui serpente entre chênes-lièges et maquis odorant. Le dénivelé de 500 mètres peut paraître intimidant, mais chaque lacet révèle un nouveau point de vue sur la plaine roussillonnaise. Mon conseil d’ami : partez tôt le matin, vers 7h30, pour éviter la chaleur estivale et profiter de cette lumière dorée si particulière aux Albères.
L’ermitage Notre-Dame du Château, construit avec les pierres de l’ancienne chapelle, marque l’approche du sommet. Son retable baroque classé mérite un arrêt contemplatif avant l’assaut final vers les ruines. D’ici, le panorama à 360° dévoile ses trésors : la Méditerranée qui scintille au sud, le massif du Canigou qui veille au nord, et cette mosaïque de vignobles et villages catalans qui s’étend à perte de vue.
Secrets d’initiés : les trésors cachés d’Ultréra
Voici ce que les panneaux touristiques omettent de vous dire : à quelques centaines de mètres du château se dresse le premier four solaire mondial, construit en juillet 1900. Cette merveille technologique, aujourd’hui abandonnée, témoigne de l’esprit pionnier de nos ancêtres catalans dans la recherche d’énergies alternatives.
Pour les photographes, je révèle mon spot secret : l’ancienne citerne voûtée, vestige le mieux conservé du château. Au coucher du soleil, ses pierres rougeoyantes créent un contraste saisissant avec l’azur méditerranéen. Et si vous cherchez d’autres merveilles archéologiques dans la région, ne manquez pas ce dolmen de 5000 ans qui se cache dans une forêt catalane, témoignage encore plus ancien de l’occupation humaine des Albères.
Carnet pratique de l’explorateur : mes conseils terrain testés
L’accès au site est entièrement gratuit, mais prévoyez un équipement adapté : chaussures de randonnée obligatoires, 2 litres d’eau minimum par personne, et protection solaire. Le parking gratuit rue dels Castanyers à Sorède constitue le point de départ idéal.
Côté restauration, je vous recommande chaudement Cal Francés à Sorède pour goûter leur agneau aux herbes des Albères au retour de randonnée. Pour prolonger l’aventure, cette tour de guet à 652 mètres révèle un système de communication médiéval secret et complète parfaitement la découverte du patrimoine défensif des Albères.
Ce que les guides ne vous disent jamais
Le conseil que je donne à mes proches
Évitez absolument les week-ends de mai et septembre : c’est la période de chasse, et les sentiers résonnent de coups de fusil peu rassurants pour une balade familiale contemplative.
Ma découverte totalement inattendue
L’inscription gravée sur une pierre de l’ermitage : « 1945 – Liberté retrouvée ». Un témoignage émouvant laissé par un résistant local, preuve que ce lieu continue d’incarner l’esprit de résistance catalan à travers les siècles.
Ultréra n’est pas qu’un simple château en ruines, c’est une leçon d’histoire à ciel ouvert, un belvédère sur l’âme catalane, un rendez-vous avec l’éternité perché entre ciel et terre. Comme le disent mes amis de Sorède : « Qui n’a pas vu Ultréra n’a pas vu les Albères ».