Et la fierté d’habiter et de vivre ici, bordel !

Comme les Marseillais sont fiers de l’être, il paraît – il paraît – que les Catalans d’ici (à ne pas confondre avec ceux d’en bas – au sud des Pyrénées) le seraient aussi. C’est en tout cas ce que l’on croit savoir, deviner, lorsqu’on va au stade, notamment pour encourager les rugbys, qu’il s’agisse des Dragons ou de l’USAP, du XIII ou du XV. Et pourtant, comme disait l’humoriste Fernand Raynaud : « Y’a comme un défaut ! ».

Il suffit, pour la vérifier, cette anomalie, cette défectuosité, de se rendre à un vernissage, à une inauguration, à une manifestation quelconque. Passons sur l’autre sport national au plan local : qui consiste à avaler un maximum de petits-fours et d’ingurgiter des litres de muscat (ou de banyuls ou de maury selon où on se découvre), voire de les emporter en catimini au fond de son cabas écologistes, entre deux discours.

Chacun de nous a en mémoire, il n’y a pas si longtemps de cela encore, d’une période d’avant crise, lorsque les buffets débordant de victuailles, par exemple lors de cérémonies de vœux à la population à l’occasion du Nouvel An, étaient littéralement pillés en un battement de cils par les invités : un véritable tsunami car ces gens-là ne se contentaient pas de faire leurs courses alimentaires, ils emportaient avec eux également les décorations florales, les carafes, les serviettes en papier et, quand cela était possible, ni-vu-ni-connu, au passage ils se transformaient en déménageurs pour une ou deux chaises.

Mais là n’est pas notre propos du jour. Ou plutôt propos de « la quinzaine » (si on s’aligne sur la périodicité du magazine que vous avez entre les mains… ou que vous lisez en ce moment sur votre tablette).

Ils économisent pendant toute une année pour venir en vacances chez nous

Revenons donc à notre fierté d’Etre, ou plutôt d’habiter, de vivre, de travailler aussi, dans ce que les gens du Nord (dans le cas présent au-dessus d’une ligne Maginot virtuelle qui irait de Bordeaux à Grenoble en courant le long des Gorges du Tarn) qui savent encore économiser toute une année pour venir séjourner ne serait-ce qu’une semaine sous le soleil du Roussillon, appellent avec envie : un bout de paradis. Nous l’avons tous entendu et, pour ce qui nous concerne, y résidant à l’année, nous l’avons vécu au moins 12 mois (c’est le rythme annuel, impossible d’en caser un 13ème mois, sauf, évidemment, dans certains établissements bancaires, pour certains salariés).

Malgré ça, nous habitants des Pyrénées-Orientales, n’avons de cesse que de critiquer, dénigrer en permanence, notre cadre environnemental et sa population, grognassant, grommelant, ragonnant, rognonnant, ronchonnant, partout et par tous les temps, là où ailleurs on vous déroulerait le tapis rouge, on vous érigerait une stèle, on vous dresserait la plus belle des tables pour exposer tous les produits et tous les talents du terroir : en six mots : on vous réserverait le meilleur accueil.
Le problème est bien là. Le pire est qu’il semble se transmettre au travers des générations, comme insufflé par des courants « tramontanés ».

Même qu’en l’USAP gagne on pense que c’est douteux

En politique comme dans les domaines culturel, sportif, économique, artistique, etc.-etc., lo-ca-le-ment dès qu’un succès se profile à l’horizon, dès qu’une initiative pousse, dès qu’une idée émerge, aussitôt l’Armée des Réducteurs de Tête se met en place pour lancer l’entreprise de démolition.
Ailleurs, pas trop loin d’ici, à Narbonne, Béziers, Montpellier et Nîmes, par exemples, pour rester ancrer dans la même « région » (bien que, mais pas Que), sur le même littoral occitania-catalunya (Pyrénées Méditerranée franchement ça sonne mieux), dès qu’un artiste s’expose il est aidé, épaulé, soutenu, encouragé. Ici, un tiers du public va reconnaître son talent, un autre tiers va penser qu’il n’en a aucun, que c’est le cancre parfait, un valet de carreau, et le dernier tiers ira jusqu’à le traiter d’escroc.

Pareillement en politique et en gastronomie où nos élus et nos Chefs sont systématiquement salis ans la même cuisine verbale par la rumeur, la suspicion, ridiculisés par l’air du temps ambiant. Jusqu’à nos clubs sportifs fétiches qui, lorsqu’ils gagnent, même avec panache et haut la main, cela en devient douteux… presque scandaleux « parce qu’il n’y a pas assez de Catalans dans l’équipe » (lu, vu et entendu) ! Et l’on crache dans la soupe, ou plutôt dans l’ouillade (qui est pourtant excellente sur les hauteurs du Conflent ou du côté des Aspres). Et on les traite par-dessous la jambe.

Alors qu’ailleurs on se fait un plaisir de vous annoncer l’ouverture de tel restaurant avec sa star culinaire devant les fourneaux, de vous inciter à aller voir telle expo, de vous inviter à découvrir un lieu tendance, ici « considération, réputation, notoriété, célébrité » n’ont jamais fait bon ménage.
De nombreux chefs d’entreprise vous le confirmeront. Et l’on revient toujours à cette défiance qui frise la paranoïa : « la rivière ne grossit pas sans être trouble » (sous-entendu : une grande fortune ne s’acquiert pas ordinairement sans quelques moyens illicites). Il serait donc même interdit de gagner au loto entre Vallespir et Salanque ?
Il y a des concerts, des assemblées générales qui font le plein, et dont pourtant on peut lire médiatiquement « Qu’il n’y avait que trois tondus (quand ce n’est pas trois teigneux) et un pelé »… Nous avons tous connu ce genre de compte-rendu méprisant. Dans telle commune le maire déterre(rait) les morts pour les faire voter. Et du coup, par ricochet, tous nos élus seraient à jeter avec l’eau du bain. C’est insensé. Cela n’a pas de sens. Grotesque. Sur la plage d’Argelès-sur-Mer, l’été, il y aurait des viols toutes les nuits mais la presse se garde bien d’en parler. Ridicule. Car si cela était vrai, bien au contraire les journalistes en feraient les gorges chaudes (sans jeu de mots) pour booster la diffusion de leur canard. Avis aux lecteurs…

« Perpignan-la-Catalane », la fierté réveillée par Jean-Paul Alduy

Comment en est-on arrivé là ?
Car si cela peut paraître risible, grotesque et saugrenu à de nombreux égards, si les chansonniers nous ont appris que le ridicule ne tue pas, il n’en demeure pas moins que mettre en pièces systématiquement nos héros, nos décideurs, nos paysages, nos voisins aussi !, dire pis que pendre sur eux, nous met dans de beaux draps et nous déconsidère aux yeux d’ailleurs et des autres, d’ailleurs. Calomniez, calomniez : il en reste toujours quelque chose.

En débarquant à Perpignan dans les années 1992-93, appelé à la rescousse par son père qui ne voulait surtout pas voir son 1er adjoint de l’époque, Claude Barate, lui succéder dans le fauteuil de maire de Perpignan, Jean-Paul Alduy avait parfaitement ressenti ce besoin vital de respiration : il avait baptisé sa liste et son équipe « Perpignan Oxygène » (pour P-O), on s’en souvient, et aussitôt élu il s’était engagé a doubler en langue catalane les noms de toutes les rues et places de la ville… de même que « Perpignan » devenait très officiellement « Perpignan-la-Catalane » ; deux actes identitaires forts, volontaires, tant Jean-Paul Alduy était convaincu que c’était-là « la bonne manière, le bon tempo, pour redonner sa fierté au peuple de Perpignan ».
Déjà, à cette époque, lui venant de l’extérieur – après un parcours professionnel sans faute – il avait, avec justement « son regard extérieur », jaugé cette atmosphère, ce climat, qui faisait, et qui fait encore, que les habitants des P-O manquent d’une certaine confiance pour vivre pleinement ce pays de cocagne qu’est le Roussillon. A son arrivée à Perpignan pour prendre le relais électoral de son père Paul Alduy, il avait été frappé « par la capacité inouïe qu’avaient les Perpignanais à avaler et à digérer les scandales comme si de rien n’était, comme si toutes les affaires de corruption naissantes à ce moment-là c’était quelque chose de normal, de naturel… ». Il faut rappeler que dans les années 90, nombre d’affaires politico-financières ont éclaboussé la Ville de Perpignan (l’édition controversée d’un livre…), la Chambre de Commerce et d’Industrie (le château de Corbère, le parking de l’aéroport…) et quelques collectivités locales.

C’est peut-être de ce temps-là que date l’absence d’enthousiasme et d’audace pour mettre en valeur notre territoire et ses hommes… Comme dirait l’autre, cessons de dauber sur le tiers et le quart et de nous déchirer à belles dents, cessons de nous tirer des balles dans les pieds et arrêtons de tirer à boulets rouges sur tout ce(ux) qui bouge(nt). Il est grand temps de voir la réalité en face : soyons fiers d’habiter ce territoire, c’est aussi ainsi que nous réussirons à le sortir de l’ornière, à avancer sur tous les fronts !