Estagel/ Gilets jaunes : tout simplement dire la vérité

Denis Pigouche, président du syndicat des vignerons. Tout simplement dire la vérité.

À midi du 3e acte de mobilisation, aucun manquement dans la responsabilité n’était à déplorer. Les consignes de sécurité dès le matin sont claires. Tous les présents sont engagés à les respecter. Les perturbateurs possibles sont avertis. Aucun débordement ne sera accepté.

Dés le matin des vigneronnes et vignerons étaient bien présents sur le lieu de rassemblement au rond-point du cadran solaire à la sortie de l’auto-route nord. Les tracteurs devaient arriver dans l’après-midi. Des citoyens déterminés, sûrs de leur bon droit, sont présents à tour de rôle, depuis le début, sur le lieu de barrage alterné.

Les gilets jaunes écoutent les consignes.

Bloquer l’économie pas les gens

Telle est une des consignes largement diffusée dès le petit matin, comme celle de ne jamais prendre une décision seul. Le tempo est clair. Les participants prennent place sur les lieux stratégiques. Une longue journée commence. Dans l’air, flotte une ambiance faite de responsabilité, mais aussi de détermination. Les Gilets jaunes ne céderont à aucune intimidation, aucune récupération.

La bonne humeur apportée par ces dames, est toujours de mise.

Pourtant, les discussions qui s’engagent sont porteuses de différences indiscutables. Vite, elles apparaissent comme de véritables richesses mises au service de la même cause : celle d’une vie digne pour tous.

L’injustice sociale

C’est ainsi que Christine, retraitée, commence sa participation à la discussion. Sa voix est si calme, respirant tellement la sérénité, que tout le monde se tait et écoute cette mamie si jeune dans sa tête.

L’expression de la colère mesurée.

« Ma pension est de 850 euros par mois. Heureusement que la maison est à moi. C’est d’ailleurs pour cela que je n’ai droit à rien alors que je vis en dessous du seuil de pauvreté. Ma petite fille vit avec moi. Avec son contrat de 30 heures par semaine, quelle perspective de vie lui est garantie ? On veut habituer les jeunes générations à des salaires de misère. » Et de rajouter : «C’est cette Europe qui tire les revenus vers le bas, ceux des salariés, des artisans, des commerçants, des agriculteurs. Cela ne peut plus durer. Nous ne céderons pas. Je serais là tous les jours ».

Un mot d’ordre dans les têtes.

Un peu plus loin, dans une autre discussion, nous apprenons par un des membres de la Direction départementale des transports et de la mobilité que, pour des raisons de sécurité, le plan de transport des bus à un euro, comme la semaine dernière, a été suspendu. Une manière de participer à la journée d’action.
Voilà encore des citoyens qui ont pris leurs responsabilités, toutes leurs responsabilités.

Les forces de l’ordre viennent aux nouvelles. Un accord est trouvé

D’autres encore, parlent de la dernière mesure prise en silence radio. Ils parlent des pensions de reversions qui viennent d’être fortement réduites. Cette mesure vient en effet diminuer d’autant le pouvoir d’achat. Car c’est bien de pouvoir d’achat dont il est question. Les taxes sur les carburants et autre, sont remisés dans un autre ordre d’idées. Des mesures qui ne prendraient pas en compte les revendications pour améliorer la vie de tous les jours, vont être considérées comme un emplâtre sur la jambe de bois d’un pirate. C’est bien ce qui transpire tout au long des discussions et qui devient l’enjeu essentiel, l’enjeu majeur : le pouvoir d’achat.

Le mouvement est fait pour durer.

Il est question de convergence.

Si le pouvoir d’achat est une de questions clé, un des moyens pour y parvenir, est la convergence des luttes indispensables. Les agriculteurs sont déjà dans cette phase d’avancées nécessaires, pour permettre au mouvement d’aller plus loin, de réussir son entreprise pour de meilleurs lendemains. Pour laisser aux générations futures, un monde ou l’inquiétude, l’angoisse, ne sera plus la règle de vie.

Le point café. Le caddie est plein des dons des automobilistes de passage.
Les tracteurs arrivent au rond point du cadran.

Aujourd’hui, l’élite, elle est dans la rue, sur les ronds-points, à la sortie des auto-routes. Elle n’est pas dans les bureaux calfeutrés ou l’anesthésie est généralisée. Ces citoyens que ceux qui dirigent, croyaient infantilisés, les voilà sans dirigeants, sans chef, grands ou petits, maîtres d’un mouvement comme rarement, notre pays a connu.

La paella offerte est cuisinée par un retraité.

La convergence risque de se faire, sans les organisations, qui semblent bien être pour le moins complètement désorganisées devant ce que nous pourrions appeler un fait nouveau de société.
Mais demain, le jour va se lever. Vers d’autres luttes, vers l’espoir d’une existence meilleure.
C’est dans tous les cas, ce qui transpire après cette journée de l’acte III.

Joseph Jourda