Estagel/ Cave coopérative : nostalgie et perspectives

Le futur caveau au rez de chaussée de l'actuel bâtiment administratif


Un brin de nostalgie au vu de la démolition de la cave pour laisser place à la déviation. « La cave 1910 » ; tel était son nom lorsque les employés devaient situer le lieu pour une raison ou autre. Un nom qui rapidement, sera rayé des mémoires.

Ainsi, une des premières caves à avoir vu le jour dans notre département, à fini son existence sous les coups de butoirs des énormes machines mises à contribution. Certains diront :  » si nos vieux revenaient !!! ». Dans le compte-rendu de l’assemblée générale du 20 janvier 1917, nous pouvons lire : « Le nombre de sociétaires n’a pas varié, c’est la preuve indiscutable que tous les adhérents font confiance à la cave coopérative qu’ils considèrent comme l’artisan de leur bien-être présent et futur ». À méditer !

La cave en 1910
Un aperçu de la magnifique charpente

1910, la naissance de la cave

En 1883, apparait, dans notre département, le tristement célèbre phylloxéra. Très exactement le 23 février, sur les ceps d’une vigne proche de Prades. Alors s’ensuit toute une période d’incertitudes, de grave marasme, pour arriver au soulèvement de 1907. Plus de cent ans après, la viticulture doit affronter de nouveaux défis.

Le pont bascule déménage

En 1907, le « Midi rouge » donnait de la voix avec à sa tête un vigneron de l’Aude : Marcellin Albert. Le vignoble détruit en grande partie, a cependant été reconstruit. Cet effort pour survivre, pour permettre à la production de redémarrer, a demandé d’importants capitaux. Dans cette situation, ce sera plus facile pour les gros propriétaires que pour les petits.

Les cuves inox, côté rivière sont récupérées.

La pénurie de vin engendrée, va encourager la fabrication de vins frelatés. La fraude de gens peu scrupuleux, pas toujours vignerons, venait s’ajouter aux difficultés. Cette sale mentalité, vigneronne ou pas, continue d’exister. Nos anciens l’ont combattue et réprimée sévèrement. Cette tâche, demandera toujours à être remise sur le métier pour que les fraudeurs de tout poil, nuisant à l’intérêt collectif, soient sanctionnés. Hier, c’était le vin frelaté. Aujourd’hui, par exemple, ce sont ceux qui voudraient être « BIO » pour récolter les royalties, mais qui ne le sont pas. Ils mettent ainsi en danger leurs voisins. Ce n’est vraiment pas beau.

La démolition commence

En 1905, naissent la répression des fraudes et la définition légale du vin. Un coup d’arrêt est donné à ces resquilles, à ces sournoiseries.
Et puis, il y a toujours cette multitude d’intermédiaires douteux, ces courtiers redoutables, qui profitent de la misère pour acheter à vil prix. Ils s’appuient pour arriver à leur fin, sur les vignerons connaissant les plus grandes difficultés. Privés de trésorerie, de ressources financières pour manger, pour vivre, ces derniers se trouvaient dans l’obligation de vendre leur production au plus bas. C’est dans ces conditions qu’est née la coopération.
Pour faire face, un seul remède : l’union. Le syndicalisme agricole est né. Il a pour but de s’opposer aux marges bénéficiaires des intermédiaires. C’est à peu près dans cet esprit que naîtra, en 1907, le « Syndicat Professionnel Viticole et Agricole de la vallée de l’Agly ». Dans cette période, en 1901, à l’initiative des membres du syndicat de Montner, le « Crédit Agricole Mutuel voit le jour.

D’énormes machines mises en oeuvre
Des Estagellois nostalgiques regardent la démolition

Enfin, juste avant les événements du printemps 1907, naissent les deux premières coopératives, à Bompas et à Baixas. Celle d’Estagel, en gestation, verra ses murs s’ériger en 1910. Ce sont eux, qui aujourd’hui sont détruits.
Honneur à ces pionniers et pionnières qui ont uni leurs efforts dans leur rêve, pour construire un monde nouveau.
Et l’homme a besoin de rêver pour vivre !

Les membres du premier Conseil d’administration

Perspectives pour construire l’avenir

Depuis sa création, la cave a fait front aux changements de la société, a su s’adapter aux besoins des vignerons, des consommateurs. La coopération d’une façon plus générale, a su faire face. Toutes les

générations de la profession, ont toujours relevé les manches et continué l’œuvre de leurs aînés.
Hier comme aujourd’hui, une seule volonté : donner les moyens par un revenu convenable, de permettre aux familles de vivre correctement, aux enfants de pouvoir s’instruire. Telle à toujours été l’ambition de la coopération. Cette perspective est encore à l’ordre du jour et nous la retrouvons au plus près des producteurs, dans leur cave coopérative.
C’est ainsi que dans la transformation de l’environnement dû à la mise en place de la déviation, un nouveau caveau va être installé, va voir le jour. Plus rationnel certainement, plus adapté pour recevoir des groupes, faisant une entité à part entière avec l’unité de production, il permettra n’en doutant pas, un nouvel essor de la vente directe qui est un moyen d’augmenter les revenus de chacun.
Certes, la période n’est pas simple. La profession rencontre des difficultés. Les pièges sont nombreux. Mais le monde vigneron reste debout, droit dans ses bottes face à l’adversité.
À Estagel, nous semble-t-il, le défi est relevé. La marche à suivre est tracée.

Joseph Jourda