Comment renforcer l’éducation de nos enfants ?

Comment renforcer l'éducation de nos enfants ?

Comment renforcer l'éducation de nos enfants ?

Actes de la réunion publique de l’AGAUREPS-Prométhée du 05 décembre 2013 à Perpignan

Des pratiques au quotidien pour des radicalités concrètes

Mon propos est d’évoquer les pratiques qui peuvent être celles d’une mairie gérée par des élus du Front de gauche. Je partirai de mon expérience de maire-adjointe à Cabestany. En préambule, je voudrais affirmer fortement le nécessaire et indispensable caractère national du système éducatif, même s’il est défaillant… Le rôle des municipalités dans les politiques éducatives n’est pas de se substituer aux défaillances du service public national, mais d’offrir à tous les enfants un environnement culturel riche et divers, qui leur permettra de découvrir d’autres horizons et qui les aidera aussi à réussir à l’école. Il s’agit là de faciliter l’accès aux installations sportives, à la littérature de jeunesse, au théâtre, et ce à tous les enfants quel que soit leur milieu.

Lutter contre les inégalités sociales et la difficulté scolaire

On sait que les enfants d’ouvriers et d’employés sont les plus nombreux ; pourtant ce sont ceux qui réussissent le moins. Et ça ne change pas, c’est une constante. Il est temps aujourd’hui de balayer les idées rétrogrades et nostalgiques. Il faut pour cela bien comprendre ce qu’est le système scolaire aujourd’hui, quelle est la bataille idéologique dont l’école est le terrain d’affrontement. La visée capitaliste est une école à deux vitesses formant d’un côté des travailleurs hyper qualifiés et de l’autre une main d’œuvre peu instruite, malléable et corvéable à merci, avec dans le même temps une marchandisation de l’école. La société de la connaissance est un des pans de l’activité humaine qui n’échappe plus à la marchandisation.

L’enjeu est donc celui de l’analyse et du traitement de la difficulté scolaire. Comment lutter contre les inégalités scolaires, au niveau d’une commune, dans l’accès aux savoirs, à la culture et aux loisirs ? Comment articuler une politique éducative ambitieuse dans la cité tout en confortant l’Etat et l’éducation nationale dans leur mission d’éduquer ?

Car le risque n’est pas tant de ne rien faire, que de faire mal, s’agissant de pallier les insuffisances de l’école, insuffisances de moyens, humains et matériels, mais aussi de compréhension de la difficulté scolaire. La clé est peut-être de considérer tous les acteurs éducatifs comme des partenaires de l’école, les personnels enseignants et non enseignants, le tissu associatif, les structures d’accueil, les parents. C’est sûrement de mettre en synergie tous les outils, les idées, les volontés de l’ensemble de ce monde là.

La question de l’échec scolaire concerne aussi l’ensemble de la société. Il est possible de lutter contre ces inégalités en dehors de l’école avec l’accès à la culture, aux loisirs, à l’écrit, à la connaissance et aux savoirs sur un territoire donné. Toutes les études les plus récentes montrent que l’entrée dans les apprentissages scolaires est une construction sociale et culturelle.

On va d’abord mettre de côté la fausse piste de l’aide à la scolarité en dehors de l’école. Effectivement, on parle d’activités pédagogiques complémentaires par groupes restreints d’élèves : pour l’aide aux élèves en difficulté, pour une aide au travail personnel, une activité prévue par le projet d’école ou le projet éducatif territorial le cas échéant. Ce sont les APC (activités pédagogiques complémentaires) faites par les enseignants et qui remplacent l’aide personnalisée. Ces dispositifs qui existent n’ont pas, c’est le moins qu’on puisse dire, montré leur efficacité à contrer, enrayer, résoudre la difficulté scolaire.

À partir de là, entre autres sûrement, plusieurs idées directrices pour des politiques éducatives et culturelles ambitieuses dans les communes sont à explorer. La première est qu’il ne faut pas moins d’école, mais plus et mieux d’école, dans le cadre national : l’école à l’école, donc pas d’externalisation d’une partie des programmes, mais les moyens donnés aux enseignants, dans le cadre de la classe, d’exercer leur métier (y compris avec des intervenants, dans le respect du rôle et des compétences de chacun).

La seconde est de reconnaitre les métiers de l’animation pour ce qu’ils sont : des métiers nécessitant une valorisation, un statut, l’accès à des formations, pour augmenter la qualité du service communal dans ce domaine. Rien ne prouve aujourd’hui que le travail scolaire en dehors de l’école favorise la réussite à l’école. Les dispositifs d’aide aux devoirs par exemple sont très discutables. Autre chose est de développer des activités langagières, de découverte du monde de l’écrit au travers de bibliothèques médiathèques, de pratiques culturelles telles que le théâtre par exemple, ou des pratiques citoyennes on le verra tout à l’heure. Chacun peut remarquer que les enfants qui réussissent font tout un tas d’activités culturelles, sportives, langagières, s’inscrivant dans une culture de l’écrit, une culture de l’école également, qui leur permet de se construire comme des élèves, à part entière et bien dans leur peau.

Il s’agit donc de cerner le rôle de chacun, de favoriser leur expression et les interactions entre les différents milieux éducatifs : l’école, le périscolaire et l’extrascolaire, c’est-à-dire l’activité associative, culturelle et sportive, et la famille. Au travers de l’ensemble des politiques éducatives et culturelles, il faut permettre à chaque enfant d’évoluer dans ces différents milieux. Cela doit se faire autour d’une idée : permettre à chaque enfant d’être prêt à découvrir et comprendre toute la complexité du monde et donc entre autres de réussir à l’école. C’est ainsi que Christine Passerieux précise : « L’enfant ne se découpe pas en tranches : l’ensemble des milieux dans lesquels il vit participent de sa construction et de son développement. Chacun avec ses spécificités mais tous nécessaires. C’est la pluralité de ces milieux, les interrelations entre eux, qui permettent à l’enfant de s’émanciper de chacun d’eux ». Il s’agit donc de permettre un dialogue nourri et constructif entre les professionnels de l’éducation, les familles et les structures d’accueil et d’animation pour décider au mieux de la mise en œuvre, des ressources et des possibilités.

 Des exemples concrets d’élue locale

 Après quelques lignes générales, voici maintenant quelques exemples très concrets tirées de mon expérience d’élue dans la commune de Cabestany. D’abord, quelques chiffres : quels moyens ? A Cabestany, Il y a trois groupes scolaires, six écoles, au total environ 800 élèves. Le budget enseignement est d’environ 20%. La commune participe jusqu’à 60% du financement des classes de découverte.

Il faut savoir que, pour compenser les inégalités sociales, le quotient familial s’applique sur les tarifs des activités des centres de loisirs et de la restauration scolaire, donc suivant les revenus de chacun. Comme en France l’école n’est pas gratuite, la mairie, par l’intermédiaire de la caisse des écoles qu’elle subventionne, fournit tout le matériel scolaire nécessaire, sauf trousses et cartables. L’accueil des enfants de parents qui travaillent est gratuit le matin et le soir.

L’investissement pour l’entretien et pour l’équipement est très important. Le matériel informatique est régulièrement renouvelé. Les tableaux blancs interactifs sont installés, et d’ici la fin de cette année toutes les classes primaires en seront équipées. Le développement de l’espace numérique de travail (ENT) se met en place de 2013 à 2016 : c’est un portail de services en ligne, services d’accompagnement pour les enfants, des informations, avec formation aux nouvelles technologies.

 Pratiquement, les élus ont la volonté de faire en sorte que les enfants de demain deviennent des citoyens à part entière, cultivés, libres, ayant le plus de connaissances possible. Cela implique des considérations éthiques et philosophiques. La politique éducative municipale est basée sur le « tous capables » dans les principes d’égalité, de démocratie participative, d’émancipation sans marchandisation, en restant strictement, encore une fois, dans le cadre national. Donc, tout est fait pour faciliter l’harmonisation des services, des personnels éducatifs et enseignants, des parents, des enfants. Il existe une imbrication forte et réfléchie par tous les partenaires, entre les activités éducatives, culturelles et sportives et l’école, les valeurs de l’école.

Depuis 2001, il s’est créé à Cabestany un Conseil communal de la jeunesse pour les 9-17 ans. Ce sont donc les enfants des écoles qui sont concernés. Ils sont très souvent en contact avec les adultes élus. Ils voient et observent comment la démocratie municipale s’exerce, et peuvent réaliser des projets. Ce CCJ est à pied d’œuvre, et partie prenante pour la semaine des droits de l’enfant, le salon du livre, le développement durable dans le cadre de l’Agenda 21. Ils ont même leur mot à dire sur la programmation théâtrale pour les jeunes. Pendant la semaine des droits de l’enfant, en novembre, la communauté éducative dans sa totalité se mobilise autour de l’enfant. Les programmes journaliers sont élaborés par une équipe de parents, d’enseignants, des membres d’associations, les ateliers municipaux, les services municipaux et les enfants, bien sûr. Chaque année il y a un thème différent : « échange entre générations », « lutte contre les discriminations religieuses et raciales ».

La bibliothèque municipale s’adapte, avec ses 5 bibliothécaires, aux enfants des écoles : chaque année elle ouvre ses portes régulièrement tout au long de l’année aux classes des écoles, y compris ceux de la maternelle d’ailleurs. Le festival du livre reçoit des auteurs nationaux, qui s’impliquent auprès du jeune public : les enfants ont eu l’occasion, avec eux, et avec la coopération des enseignants et de personnels communaux, d’aborder l’écriture de manière ludique et créative.

L’accueil de loisirs maternel (enfants de 3 à 5 ans) et primaire (de 6 à 9 ans) participe au projet de labellisation « éco-centre », impulsé par la Fédération laïque de structures et d’activités, les FRANCAS. Pour obtenir ce label la structure devra élaborer une démarche éco-responsable à travers 8 thématiques ciblées dans le cadre de l’agenda 21 (8 pétales de la fleur éco-centre). Cette année, 2 pétales : éco déchets, éco alimentation.

Enfin, quelques mots sur le Contrat éducatif local, qui a été signé l’an dernier, dans le cadre aussi de l’Agenda 21. Ce CEL met en synergie le PIJ (point information jeunesse), le CCJ, l’accueil des loisirs pour adolescents et la MLJ (mission locale jeune). L’objectif étant de répondre aux besoins d’information, de prévention, de loisirs et d’insertion. Dans cette structure, les jeunes sont encore acteurs à part entière de la vie citoyenne. Cela leur permet bien sûr d’être meilleur écolier.

L’idéal serait que les emplois du périscolaire soient pérennes, sous statut public, et bénéficient d’une formation véritable. Tout cela appelle la création d’un service public de l’animation et de l’accueil de l’enfance, au niveau d’une ville, pour permettre à chaque enfant l’accès à la culture, aux loisirs et aux sports.

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 Cela reste un enjeu fort, un enjeu de civilisation. Il y a là un défi à relever. Il faut certainement repenser une école sur le modèle de l’élève qui n’a que l’école pour apprendre. Peut-être pourrait-on mette en œuvre un projet progressiste pour l’école, un plan Langevin-Wallon du XXIe siècle. La loi de refondation aurait pu répondre à cette ambition. Elle ne l’a pas fait, mais cela ne veut pas dire que c’est impossible : les syndicats, les associations de parents, les mouvements pédagogiques sont porteurs de propositions largement convergentes. Il y a des essais convaincants. Il me semble que le projet d’une école de la réussite de tous existe. Il ne demande qu’à être mis en œuvre, l’échelon municipal peut y concourir dans le respect de ses compétences.

 Maryse MARTINEZ